Emmanuel Macron et le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammad ben Salmane (MBS), qui se sont entretenus jeudi, partagent "la même volonté de voir se former un gouvernement crédible" au Liban pour sortir ce pays de la crise, a indiqué la présidence française. Les deux dirigeants, qui suivent de près la situation libanaise, jugent indispensable qu'un gouvernement "capable de mettre en œuvre la feuille de route de réformes nécessaires au relèvement du pays, sur laquelle se sont engagés les responsables politiques libanais", soit constitué, selon la présidence. Sa formation "reste la condition à la mobilisation d'une aide internationale à plus long terme", rappelle-t-elle.
Le Liban est sans cabinet actif depuis depuis la démission de celui de Hassane Diab, il y a près de huit mois, dans la foulée des explosions meurtrières du 4 août au port de Beyrouth. Le chef de l'Etat Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri, empêtrés dans des rivalités personnelles et un bras de fer autour de la nomination des ministres, ne sont toujours pas parvenus à former une nouvelle équipe, alors qu'il est plus que jamais indispensable pour réformer un pays qui s'écroule économiquement et financièrement, et obtenir des aides tangibles de la communauté internationale.
Le président français, Emmanuel Macron, s'est fortement impliqué, en vain jusqu'à présent, pour tenter de débloquer la crise politique libanaise en lançant en septembre 2020 une initiative en faveur du pays du Cèdre. Après avoir d'abord écarté toute imposition immédiate de sanctions contre les dirigeants libanais, le président Macron a revu sa copie et semble désormais prêt à franchir le pas. "Il nous faudra, dans les prochaines semaines, changer d’approche" au Liban, a-t-il récemment déclaré. Lundi, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a déploré "le blocage complet depuis des mois" des discussions visant à former un gouvernement au Liban. Il a dans ce contexte estimé que "l’heure est venue de renforcer les pressions pour y parvenir". Déjà le 22 mars, le ministre français des Affaires étrangères avait demandé à l'Union européenne d'actionner "des leviers" contre les responsables politiques libanais pour qu'un gouvernement soit formé et des réformes lancées dans ce pays "à la dérive".
Mercredi, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a estimé qu'il était temps de mettre tout de côté, "les attentes et divergences", et de former le nouveau gouvernement, évoquant des "efforts collectifs et sérieux" déployés par "plus d'une partie" pour surmonter les obstacles qui entravent encore le processus.
Depuis quelques jours, le chef du mouvement Amal Nabih Berry concocte avec le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt un compromis axé sur la mise en place d’un cabinet de 24 ministres (8 au lieu de six pour chacun des trois camps politiques). L’idée est celle du leader druze, qui l’a proposée à Michel Aoun lors d’un entretien le 20 mars au palais de Baabda. Elle a ensuite été affinée avec le président du Parlement qui y a ajouté la condition qu’aucun camp ne puisse détenir le tiers de blocage.
Emmanuel Macron et MBS ont également échangé sur les différentes crises au Moyen-Orient: Libye, Yémen et nucléaire iranien. L'homme fort du royaume saoudien a en outre présenté au président français ses projets de "Saudi Green Initiative", qui prévoit la plantation de 10 milliards d'arbres, et de développement des énergies renouvelables. Emmanuel Macron n'a pas pu se rendre en 2020 en Arabie saoudite pour participer au sommet du G20, qui s'est tenu en visioconférence en raison de la pandémie de Covid-19, mais envisage un déplacement dans le Golfe d'ici la fin du quinquennat.
"Macron et MBS insistent sur la formation d'un gouvernement crédible". Autrement dit, sans Hezbollah ni Bassil ni Amal. Il semble qu'ils ont peu de chances d'être entendus.
07 h 33, le 02 avril 2021