
Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif (à droite) et son homologue chinois Wang Yi après la signature d’un accord de coopération stratégique et commerciale entre l’Iran et la Chine, à Téhéran, le 27 mars 2021. Fatemeh Bahrami/Anadolu Agency via AFP
Sa signature faisait l’objet de négociations depuis 2016. Cinq ans plus tard, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et son homologue chinois, Wang Yi, en visite à Téhéran, viennent de conclure samedi un « pacte de coopération stratégique de 25 ans » entre leurs deux pays. Estimé à 400 milliards de dollars, les détails de ce partenariat n’ont pas encore été divulgués. L’été dernier, une copie de 18 pages de cet accord rédigé par le ministère iranien des Affaires étrangères avait cependant été publiée dans la presse américaine. Il s’agissait alors pour la Chine d’accroître sa présence dans une dizaine de secteurs en Iran à l’instar des banques, des télécommunications et des transports en échange d’un accès régulier au pétrole iranien à un prix fortement réduit pendant les 25 prochaines années. Le document appelait également à un renforcement de la coopération militaire entre les deux pays, notamment le développement conjoint d’exercices militaires et d’armes ainsi que le partage de renseignements. Alors que la Chine, plus gros importateur mondial de brut, était l’un des principaux acheteurs de pétrole iranien, le retrait unilatéral des États-Unis de l’accord sur le nucléaire en 2018, suivi du rétablissement de sanctions économiques à l’égard de Téhéran, a mis un coup à ces importations. Une amélioration a cependant été constatée ces dernières semaines et semble se poursuivre, alors que Pékin compte importer d’Iran au mois de mars près de 850 000 barils par jour, soit une augmentation de près de 130 % par rapport à février. Cet accord permet à Téhéran de sortir de son isolement international depuis la politique de pression maximale imposée à son encontre par Donald Trump et les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 en se tournant vers un nouveau front. Sur Twitter, Hesamoddin Ashena, l’un des principaux conseillers du président iranien Hassan Rohani, a qualifié l’accord « d’exemple de diplomatie réussie », affirmant qu’il s’agit d’un signe du régime iranien en vue « de participer à des coalitions, et non de rester isolé ». « Cela lui permet de montrer qu’il n’est pas seul et qu’il a le soutien d’une autre superpuissance, même si l’étendue de ce soutien est au mieux trouble », estime Dina Esfandiary, chercheuse au centre de réflexion International Crisis Group (ICG). « Il s’agit pour le moment d’une promesse d’investissement et de collaboration et la Chine est connue pour développer ces types d’accords et traîner ensuite des pieds pour ce qui est de leur mise en œuvre », nuance la spécialiste. Malgré le flou qui entoure ce partenariat stratégique, l’Iran entend montrer aux puissances occidentales qu’il est parvenu à contourner les sanctions économiques qui lui ont été imposées. « L’un des principaux objectifs de la politique étrangère de l’Iran est d’avoir des relations étroites avec la Chine, en particulier dans le cadre de son orientation stratégique de “Regard vers l’Est”. Cela a été assez dominant pendant la présidence d’Ahmadinejad et a refait surface il y a quelques années après le retrait des États-Unis de l’accord de Vienne et le manque d’assistance économique européenne qui a créé des frustrations en Iran », commente pour sa part Ali Fathollah-Nejad, auteur de l’ouvrage à paraître Iran in an Emerging New World Order et collaborateur scientifique au Centre d’études de la coopération internationale et du développement (CECID) à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Concessions américaines
Depuis son arrivée au pouvoir à Washington, le nouveau président américain a fait part de son intention de revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien. Mais des désaccords empêchent l’avancée du dossier alors que Téhéran réclame la fin des sanctions à son égard avant de répondre à toute demande de Washington. « La politique du pays en ce qui concerne (cet accord conclu à Vienne en 2015) a été clairement annoncée. On ne peut en aucun cas dévier de cette politique », a réitéré il y a près d’une semaine le guide suprême iranien lors d’un discours télévisé à l’occasion du Nouvel An iranien. Aux yeux de la République islamique, la signature du pacte stratégique avec Pékin peut servir de levier afin d’obtenir des concessions américaines en vue de parvenir au retour des États-Unis dans l’accord de Vienne. « Téhéran utilisera certainement la menace de l’Iran qui gravite davantage vers l’orbite de la Chine pour obtenir des concessions de Washington. Cependant, je ne suis pas entièrement convaincu que l’administration Biden est disposée ou même capable de jouer à ce jeu », observe Ali Alfoneh, spécialiste de l’Iran au sein de l’Arab Gulf States Institute in Washington (AGSIW), pour qui le nouveau président américain souhaite éviter de fâcher les alliés d’Israël à la Chambre des représentants et au Sénat en supprimant les sanctions à l’égard de leur ennemi iranien. « Tout au plus, l’administration Biden peut promettre à l’Iran de lever le tiers des mesures punitives ou de ne pas imposer de sanctions à son encontre mais d’autres sanctions et des désignations terroristes empêcheront les entreprises américaines d’opérer en Iran », poursuit le spécialiste. Du côté de la Chine, cet accord permet à Pékin d’accroître son influence et d’ouvrir des canaux de communication pour assurer le transport de ses marchandises vers le Moyen-Orient et l’Europe. Ses investissements en Iran s’inscrivent également dans sa stratégie de développement de routes maritimes et ferroviaires entre la Chine et l’Europe appelée « nouvelles routes de la soie ». « Les nouvelles routes de la soie et, s’il est mis en œuvre, l’accord avec l’Iran, sont deux manifestations de la tentative de la Chine de renverser l’ordre mondial américain depuis la fin de la guerre froide. Bien que cette tentative soit inévitable, la stratégie iranienne de la Chine a grandement bénéficié de la “campagne de pression maximale” malavisée de l’administration Trump, qui a poussé l’Iran plus profondément dans les bras de la Chine », note Ali Alfoneh. En Iran, l’annonce de ce partenariat a divisé le pays. Alors que beaucoup d’Iraniens reprochent aux autorités leur manque de transparence sur cet accord, d’autres mettent en avant la mauvaise qualité des produits fabriqués en Chine et craignent que les infrastructures iraniennes en fassent les frais. D’autres critiques ont également été soulevées quant à la peur de voir l’Iran perdre une partie de sa souveraineté pour survivre économiquement. « En Iran, l’accord de coopération est une question polarisante : dans les régions périphériques longtemps négligées par le gouvernement central, les perspectives d’investissements et d’emplois sont bien accueillies par la population locale. Au centre, l’intelligentsia accuse le régime de vendre le pays aux Chinois », résume Ali Alfoneh.
commentaires (6)
je crains que la milice Iranienne et ses allies ne nous impose ce changement de cap aussi. Il faudra laisser tomber le français ou l’anglais au profit du Perse ou du persan échanger ses Apple contre des Huawiei ou ses Mercedes contre des Yuan allez faut oublier Balzac, Nietzsche ou Shakespeare et se mettre au petit livre rouge de Mao.
Liban Libre
15 h 01, le 31 mars 2021