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Lifestyle - Beyrouth Insight

Rania Younes, des fleurs, le Liban

Avec Fleurs du Liban, elle sème ses graines depuis vingt-huit ans, en récolte de superbes bouquets et les sourires de ses clients, pour son plus grand bonheur.

Rania Younes, des fleurs, le Liban

Rania Younes et Fleurs du Liban, une belle histoire depuis 1992.Photo DR


Des célosies à perte de vue. Photo DR


« Dites-le avec des fleurs »… Quand les mots manquent, offrir un bouquet, c’est dire bravo aux naissances, aux mariages, aux occasions de se retrouver ; dire merci au printemps, aux (très) petites joies qui restent. Accompagner une révolution d’octobre qui se veut pacifique. Dire un peu « Merci », « Je t’aime », « Mabrouk ». Mais dire aussi, beaucoup, passionnément, son envie de couleurs, de parfums, dans une grisaille sans nom. Les fleurs, ces lots de consolation qui caressent nos âmes et qui sont devenues un remède nécessaire à nos désespoirs, sont pour Rania Younes un plaisir, un métier et une mission avec trois mots d’ordre : innovation, harmonie et excellence. Et un mot-clé : la nature du Liban. « La nature est vivante, imprévisible, elle change tout le temps et il faut la suivre. Nous sommes obligés de l’observer, d’être à son écoute et de composer avec. C’est une collaboration permanente. Le défi à relever est quotidien. » En 28 ans, cette collaboration parfaite, cette relation d’amour et de raison ont permis à Fleurs du Liban, l’entreprise qu’elle a montée, de devenir le plus gros producteur de fleurs au Liban. À l’origine concentré sur la vente en gros et la distribution aux marchés et aux fleuristes, le label s’est également ouvert au public il y a un an, lors de la fête des Mères plus précisément. « Après le confinement total et brutal de mars 2020, je me suis retrouvée avec un stock énorme de fleurs qu’il a fallu jeter… Nous ne pouvions même pas les distribuer ou les offrir. J’ai dû réagir et m’adapter. » Rania Younes partage alors sur les réseaux sociaux sa colère immense, le pire qui puisse lui arriver étant de jeter des fleurs, confie-t-elle, prépare quelques bouquets avec Kamal Mouzawak qu’elle vend à Tawlet et Souk el-Tayeb au profit de la Croix-Rouge, et, petit à petit, interpelle un nouveau public. Dans son espace vente situé à Sin el-Fil, déambuler entre les bacs de fleurs, remplis de tournesols, renoncules, anémones, freesias, roses, tulipes, ressemble à une petite invitation au voyage que l’on ne se refuse pas. Et c’est un peu du parfum de ses champs de Batroun, de celui d’Amioun et de celui de Tannourine, où elle cultive ses plantes et ses fleurs, que Rania nous tend, l’espace d’un instant que l’on peut faire durer en rapportant un bouquet chez soi. « Ce shift m’a donné une plus grande visibilité, mais en termes financiers, pas vraiment un grand plus. Voir les gens apprécier mes posts sur les réseaux sociaux, acheter des bouquets et les partager à leur tour me remonte le moral et m’aide à continuer. »


De magnifiques tulipes produites par Fleurs du Liban. Photo DR

Un truc à part

C’est au cœur de Tannourine, ses arbres, ses bourgeons au printemps et ses montagnes que Rania a accumulé ses plus beaux souvenirs d’enfance. « Mon grand-père paternel, le seul professeur dans la première école du village, avait planté des pommiers. Il m’emmenait souvent avec lui cueillir les fruits. Ces moments m’ont certainement influencée. » Parce que « l’agriculture est un rêve d’enfant ». Même si elle a grandi dans une famille d’ingénieurs, avec une mère professeure de mathématiques à l’Université libanaise, Rania choisit, déterminée, des études d’agriculture. Ce domaine lui paraît idéal pour « améliorer certaines choses dans le pays » et confirmer que « tous les métiers sont des métiers de femme… » Après une spécialisation dans le développement agricole à l’Université AgroParisTech de Paris, elle décide de rentrer au Liban planter ses graines et ses rêves. « Je voulais être utile, apporter ma contribution, faire un métier que les autres ne font pas, un truc à part. Les fleurs, alors, étaient en majorité importées, surtout des Pays-Bas, d’Éthiopie et d’Inde », précise-t-elle.

Pour mémoire

Des centaines de milliers de fleurs seront jetées ce week-end au Liban

Elle démarre sur un premier petit terrain familial de 120 m2 à Mkallès, avec l’objectif à long terme de créer une demande pour de nouvelles fleurs et d’en donner l’accès aux fleuristes tout au long de l’année. À la recherche de soleil pour ses tulipes et ses lys notamment, elle achète un second petit terrain à Aoukar avant de s’agrandir et de se lancer à la conquête d’Amioun où ses grands-parents étaient propriétaires, Tannourine puis Batroun, la diversité des climats permettant ainsi une diversité de fleurs. Et parce qu’elle est très « technique », et travaille avec des engins spéciaux et un niveau d’exigence élevé, Rania Younes dénonce des conditions impossibles et un système (un de plus) dysfonctionnel dans le pays au niveau, d’abord, de l’utilisation des insecticides qu’elle tente avec beaucoup de difficulté de remplacer par des produits vivants (insectes, champignons, bactéries). « Finalement, les autorités nous incitent à utiliser des pesticides. C’est une honte… » Autre problème, le flou qui règne en matière de classification des terrains, ce qui pousse à la hausse le prix des terrains agricoles. « Beaucoup de nos politiciens sont des propriétaires terriens, ce qui peut expliquer pourquoi il n’existe pas de loi encadrant la revente des terrains agricoles... » Pour éviter autant qu’elle le peut, dans un pays plein de (mauvaises) surprises, d’avoir à jeter des fleurs, mais aussi des légumes et des fruits, qu’elle cultive en plus petite quantité, Rania Younes s’est lancée aussi dans la vente de fleurs et de fruits lyophilisés (déshydratés). Elle propose également des abonnements, des paniers de fleurs hebdomadaires à ceux qui le désirent.


Des roses multicolores. Photo DR

Alors, quand on lui demande, après avoir longuement écouté sa colère légitime quant aux règlements agricoles défaillants, si elle songe, comme d’autres, quitter le pays, elle répond : « Il n’a jamais été question pour moi de partir. Il est nécessaire de sentir que nous avons un rôle dans la société. Le mien ? Je fais partie de ce tissu social. Je continue comme je peux, bien, mal, mais je fais de mon mieux pour essayer d’améliorer les choses. » Et la fleur au bout du fusil, comme toutes celles qu’elle a distribuées durant la thaoura pour relever le moral des troupes, elle confie : « Ce pays, c’est comme des parents abusifs, on ne peut pas le lâcher. Et moi, je n’arrive pas à couper le cordon. » 

Des célosies à perte de vue. Photo DR« Dites-le avec des fleurs »… Quand les mots manquent, offrir un bouquet, c’est dire bravo aux naissances, aux mariages, aux occasions de se retrouver ; dire merci au printemps, aux (très) petites joies qui restent. Accompagner une révolution d’octobre qui se veut pacifique. Dire un peu « Merci », « Je t’aime »,...

commentaires (3)

des talents artistiques qui font la beauté et la fierté du liban qui fleurit de l'autre côte un liban qui meurt

matta charbel

01 h 22, le 07 avril 2021

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Commentaires (3)

  • des talents artistiques qui font la beauté et la fierté du liban qui fleurit de l'autre côte un liban qui meurt

    matta charbel

    01 h 22, le 07 avril 2021

  • Très belle dame! Vos roses sont-elles parfumées? On ne trouve pratiquement plus dans le monde des vraies roses anciennes et parfumées.

    Wow

    14 h 09, le 25 mars 2021

  • La fleur la plus belle c est Rania elle même

    Robert Moumdjian

    03 h 30, le 25 mars 2021

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