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Moyen-Orient - Éclairage

Entre Israël et l’Iran, la guerre « secrète » s’impose en mer

Des sources américaines ont confirmé, il y a une dizaine de jours, la multiplication des attaques israéliennes visant des navires à destination de la Syrie et transportant du pétrole iranien.

Entre Israël et l’Iran, la guerre « secrète » s’impose en mer

Le cargo Helios-Ray, propriété d’Helios Ltd, est arrivé dimanche 28 février à Mina Rashid, port des Émirats arabes unis. Giuseppe Cacace / AFP

La guerre maritime présumée que se livrent Israël et l’Iran a pris ces derniers jours une nouvelle dimension. Si des échos pouvaient en parvenir au grand public, c’est clandestinement qu’elle était menée depuis quelques années. Elle a désormais perdu de son mystère bien qu’elle n’ait jamais été totalement secrète. Dans un article très remarqué du Wall Street Journal datant du 11 mars, des responsables américains et régionaux confirment ainsi sous couvert d’anonymat qu’Israël aurait ciblé au moins une douzaine de navires à destination de la Syrie et transportant principalement de l’or noir iranien. Le but de ces opérations en mer étant de perturber l’approvisionnement en pétrole de la Syrie et d’éviter que les profits générés puissent financer « l’extrémisme », un terme qui dans le langage israélien vise le Hezbollah. Certaines de ces attaques auraient également visé des cargos d’armements.

« Ce type d’attaques présumées correspond à un modèle d’actions israéliennes visant à contenir l’Iran, en particulier en Syrie où Israël mène des frappes militaires régulières depuis des années maintenant, dans le cadre de sa soi-disant “campagne entre les guerres” », commente pour L’Orient-Le Jour Dalia Dassa Kaye, directrice du Centre de politique publique au Moyen-Orient à la RAND Corporation. « Israël choisit ainsi d’attaquer l’Iran et les groupes qui lui sont affiliés d’une manière qui empêche une guerre à grande échelle, mais qui continue d’infliger un coût à l’Iran pour ses activités régionales et de faire reculer tactiquement les Iraniens », ajoute-t-elle.

Le dernier épisode en date remonte au 10 mars. Un porte-conteneurs iranien – le Shahr e Kord – est alors endommagé au cours d’un acte « terroriste » en Méditerranée, d’après une déclaration faite deux jours plus tard par un porte-parole de la compagnie maritime publique iranienne Irisl, cité par l’agence de presse officieuse Nournews.

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Côté iranien, on a aussitôt soupçonné Israël, comme en témoignent les déclarations d’un membre anonyme de l’équipe iranienne enquêtant sur l’incident cité par la même agence : « Compte tenu de la localisation géographique et de la manière dont le navire a été ciblé, l’une des grandes possibilités est que cette opération terroriste ait été menée par le régime sioniste. » Côté israélien en revanche, le ministre de la Défense Benny Gantz a refusé, le 13, au cours d’un webinaire organisé par le parti Bleu et Blanc dont il est issu, de commenter directement l’évènement, mais a précisé que Téhéran envoyait des armes régulièrement à ses proxies dans la région. « Nous déjouons les envois d’armes et autres liés au développement opérationnel, et aux capacités militaires par voies aérienne, maritime et terrestre », a-t-il déclaré, Il a toutefois précise qu’il ne signifiait pas, par là, qu’Israël avait « fait ou non ceci ou cela ».

Guerre de l’ombre

Ce récent incident intervient dans un contexte où la nouvelle administration en place aux États-Unis n’a pas encore clairement défini les contours de son approche sur le dossier iranien. Le président Joe Biden souhaite reprendre les négociations avec Téhéran, mais en élargissant les discussions au-delà du nucléaire pour y inclure le programme balistique et le réseau de milices régionales iraniens. Deux lignes rouges pour la République islamique, d’autant plus qu’elle considère avoir été bernée par les États-Unis du fait du retrait unilatéral, en 2018, du précédent chef d’État américain, Donald Trump, de l’accord de Vienne signé en 2015, avec des conséquences économiques désastreuses pour le pays. Israël a pour sa part exprimé, à maintes reprises, son opposition à un retour au deal, soucieux de préserver l’essentiel de la politique dite de la « pression maximale » imposée à l’Iran par l’administration Trump. Le chef de l’armée israélienne avait ainsi affirmé en janvier avoir demandé à ses équipes de travailler sur de nouveaux plans pour contrecarrer la « menace nucléaire » iranienne en cas de décision politique de cibler Téhéran, qualifiant un retour à l’accord de 2015 de « mauvaise chose ».

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« Les attaques apparentes d’Israël contre les navires iraniens sont moins liées à un redémarrage de l’accord sur le nucléaire qu’elles ne sont une continuation de la guerre de l’ombre israélo-iranienne », estime Afshon Ostovar, professeur assistant sur les affaires de sécurité nationale au sein de la Naval Postgraduate School. Une guerre de l’ombre engagée il y a près de deux décennies déjà, mais sans véritable champ de bataille. Une guerre faite de sabotages, d’assassinats ciblés, d’explosions mystérieuses ou encore de cyberattaques. Une guerre qui s’est intensifiée à l’orée des années 2010, alors que les craintes d’Israël relatives à l’obtention de la bombe atomique par l’Iran se sont faites de plus en plus vives. À l’époque, les attentats croisés contre scientifiques iraniens et diplomates israéliens se multipliaient. En témoigne, par exemple, l’explosion ayant visé en janvier 2012 un universitaire iranien travaillant sur le site d’enrichissement nucléaire de Natanz – Mostafa Ahmadi Roshan – alors qu’il était à bord de sa voiture avec deux autres passagers, quatrième élimination de ce type depuis janvier 2010. Ou encore, les attentats de Bangkok en février 2012 imputés à Téhéran et visant des diplomates israéliens. Depuis l’arrivée de Biden au pouvoir, et plus généralement depuis que s’est présentée aux yeux des Israéliens la perspective d’une défaite de leur favori, Donald Trump, à l’élection présidentielle américaine, Benjamin Netanyahu veut jouer les trublions afin de faire comprendre à l’allié américain qu’il ne permettra pas une réintégration de l’Iran dans le giron diplomatique et un allègement des sanctions sans que ses exigences ne soient prises en compte. Au rang des actions imputées à Israel, l’assassinat du scientifique du nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, le 27 novembre 2020, et des attaques multiples contre des cibles liées à l’Iran en Syrie et au Liban qui se sont même étendues à la frontière irako-syrienne. Sans oublier la puissante explosion en juillet dans le complexe nucléaire de Natanz, à environ 250 kilomètres au sud de Téhéran.

Profil bas

« Les attaques en mer visent surtout à imposer un coût au comportement agressif de l’Iran. Israël combat ainsi Téhéran à son propre jeu et tente de faire comprendre aux Iraniens que tant qu’ils continueront d’attaquer les navires autour du golfe Persique et de la mer Rouge, Israël répondra de la même manière », avance Afshon Ostovar. Car, de son côté, la République islamique est également soupçonnée d’avoir visé des navires israéliens. À la fin du mois de février, le MV Helios Ray, propriété du riche homme d’affaires israélien Rami Ongar, a été touché dans le golfe d’Oman, vraisemblablement par l’explosion d’une mine ventouse. Israël avait alors directement accusé Téhéran, tandis que ce dernier avait fermement démenti sa responsabilité dans l’attaque du bâtiment. Début mars, la ministre israélienne de l’Environnement a pointé du doigt la responsabilité de la République islamique dans un « attentat environnemental » après une marée noire au large de ses côtes en Méditerranée causée, selon elle, par un bateau pirate battant pavillon libyen en provenance d’Iran. Mais les sources sécuritaires israéliennes n’ont pas confirmé ces affirmations, et l’organisation Greenpeace avait qualifié l’accusation de « scandaleuse » car sans fondement.

S’il est bien une chose au sujet de laquelle les révélations du WSJ interrogent, c’est le silence iranien concernant les dommages subis en mer. Car, selon le quotidien, qui cite des transporteurs maritimes, parmi la douzaine d’attaques commises contre des navires transportant du pétrole iranien, trois ont eu lieu en 2019 et six en 2020. Or, si Téhéran a reconnu certaines d’entre elles, la majorité a été passée sous silence. « Téhéran est réticent à l’idée de reconnaître la majeure partie de ces attaques, car il estime que cela lui donnerait une apparence de faiblesse ou l’obligerait à répondre », décrypte Afshon Ostovar. Pour Abdolrasool Divsallar, codirecteur de la Regional Security Initiative au sein du Middle East Directions Programme of the Robert Schuman Centre for Advanced Studies, « il y a une grande possibilité que l’Iran considère cela comme une provocation israélienne visant à le contraindre à réagir, et donc à rendre le deal avec Washington difficile. Sur le court terme, la réponse de Téhéran serait plutôt d’envoyer un message aux appareils sécuritaires israéliens qu’il a les moyens et le potentiel de répliquer tout en se gardant de représailles plus larges ». En juillet 2020, le contre-amiral Ali Reza Tangsiri, à la tête de la marine du corps des gardiens de la révolution islamique, affirmait ainsi que l’Iran avait construit des « villes de missiles » souterraines tout le long de sa côte sud, avertissant qu’elles seraient un « cauchemar » pour les ennemis de Téhéran. « En revanche, la réponse iranienne pourrait être de développer son propre potentiel opérationnel et celui de ses alliés pour lancer des attaques maritimes similaires contre les Israéliens au-delà du golfe Persique, plus dans la mer Rouge et la Méditerranée. C’est une menace à plus long terme pour Israël. En étendant sa confrontation à la mer, il ouvre un nouvel espace à la stratégie maritime de l’Iran », estime Abdolrasool Divsallar. Ces fortes tensions entre les deux pays sont galvanisées par l’isolement diplomatique accru de la République islamique depuis la signature, l’an passé sous l’égide de Washington, d’une série d’accords de normalisation entre Israël et plusieurs États arabes – dont les Émirats arabes unis et le Bahreïn –, une démarche historique perçue comme la constitution officielle d’un front anti-iranien.

La guerre maritime présumée que se livrent Israël et l’Iran a pris ces derniers jours une nouvelle dimension. Si des échos pouvaient en parvenir au grand public, c’est clandestinement qu’elle était menée depuis quelques années. Elle a désormais perdu de son mystère bien qu’elle n’ait jamais été totalement secrète. Dans un article très remarqué du Wall Street Journal datant...

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Nasrallah est en train de détruire le pays pour venger son fils décédé parce qu'il combattait contre Israel. Cette haine existante aussi bien chez les iraniens que les hezbollahi et maintenant communiquée à certains CPL est déplacée et n'a aucun sens. Oui le liban est en guerre avec Israel. Il le fut à l'époque parce que les arabes l'étaient. Maintenant qu'ils ont fait la paix, donnez nous une seule raison pour que le liban reste seul en guerre??? Si le liban faisait la paix, il n'y aurait AUCUNE raison pour qu'israel survole le pays. Si les mesures de sécurité des frontières seraient appliquées de la part de l'armée libanaise SEULE force armée du pays. Or ce n'est pas le cas. Il est grand temps de voir ce que font les arabes qui ont supplanté le liban ( Dubai etc..) alors qu'ils étaient désertiques voilà 40 ans et que le liban était paradisiaque ( malgré la guerre ). Il est temps de penser au pays et non plus aux causes creuses et vides qui n'interessent plus les libanais. Pensez au pétrole / gaz qui attend que le liban officiel commence le pompage alors que les libanais crèvent de faim. Il est TEMPS de penser aux LIBANAIS et non aux causes ou aux communautés ou à une place de ministre par ci et parl là...c'est d'une CRETINERIE sans nom, ce blocage .

LE FRANCOPHONE

18 h 23, le 20 mars 2021

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Commentaires (2)

  • Nasrallah est en train de détruire le pays pour venger son fils décédé parce qu'il combattait contre Israel. Cette haine existante aussi bien chez les iraniens que les hezbollahi et maintenant communiquée à certains CPL est déplacée et n'a aucun sens. Oui le liban est en guerre avec Israel. Il le fut à l'époque parce que les arabes l'étaient. Maintenant qu'ils ont fait la paix, donnez nous une seule raison pour que le liban reste seul en guerre??? Si le liban faisait la paix, il n'y aurait AUCUNE raison pour qu'israel survole le pays. Si les mesures de sécurité des frontières seraient appliquées de la part de l'armée libanaise SEULE force armée du pays. Or ce n'est pas le cas. Il est grand temps de voir ce que font les arabes qui ont supplanté le liban ( Dubai etc..) alors qu'ils étaient désertiques voilà 40 ans et que le liban était paradisiaque ( malgré la guerre ). Il est temps de penser au pays et non plus aux causes creuses et vides qui n'interessent plus les libanais. Pensez au pétrole / gaz qui attend que le liban officiel commence le pompage alors que les libanais crèvent de faim. Il est TEMPS de penser aux LIBANAIS et non aux causes ou aux communautés ou à une place de ministre par ci et parl là...c'est d'une CRETINERIE sans nom, ce blocage .

    LE FRANCOPHONE

    18 h 23, le 20 mars 2021

  • Si quelqu’un peut nous expliquer cette farouche haine des iraniens contre Israël alors que ce pays est loin de ses frontières et ne représente aucun danger pour les iraniens s’ils acceptent l’idée que chaque pays a le droit avec son peuple de vivre paisiblement et sans menaces perpétuelles de guerre et de mort comme c’est le cas au Liban qui est loin d’être un pays offensif et dangereux pour ses voisins tant que ces derniers respecte son existence, sa liberté et sa souverain et qui subit de plein fouet les affres des exactions perpétrées sur son sol. Alors pourquoi cette animosité iranienne de tous les petits pays qui n’aspire qu’à vivre en paix alors que leur existence leur souveraineté et leur prospérité seraient épargnées lorsqu’ils admettraient que les autres pays ne leur veulent pas de mal tant qu’ils les respectent. Qu’ils nous épargnent surtout leurs prétextes de défendre la Palestine ou le Liban car avant leurs interventions ces deux pays vivaient bien dans l’espoir de trouver une solution pacifique et seraient en train de jouir de leur liberté et prospérité. Chose rendue impossible avec la présence de missiles, d’armes et de mercenaires sur leur territoire et qui menacent leur existence même tout ça pour flatter l’ego d’un pays meurtrier.

    Sissi zayyat

    11 h 55, le 20 mars 2021

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