Au lendemain de l'appel lancé par le président Michel Aoun au Premier ministre désigné Saad Hariri pour former "immédiatement" le gouvernement ou "céder sa place", ce dernier s'est rendu au palais de Baabda et s'est entretenu avec le chef de l'Etat pour la 17e fois depuis sa nomination le 22 octobre 2020. Si, à l'issue de l'entretien, le Premier ministre désigné n'a pas annoncé une percée concrète au niveau du dossier gouvernemental, il a tout de même évoqué une "opportunité qu'il faut saisir" et signalé qu'une nouvelle réunion aura lieu avec le président lundi.
"J'ai évoqué avec le président ma vision pour la formation d'un gouvernement composé de 18 ministres experts et j'ai écouté les remarques du chef de l'Etat, a annoncé Saad Hariri à sa sortie du palais présidentiel. Nous nous sommes entendus sur une nouvelle réunion lundi afin de répondre à des questions essentielles pour arriver à la formation d'un cabinet le plus tôt possible". "Le but essentiel de tout gouvernement est de mettre un terme à l'effondrement, a souligné le Premier ministre désigné. Il faut regagner la confiance de la communauté internationale". Selon lui, "la situation économique ne justifie pas la dépréciation actuelle de la livre libanaise. C'est plutôt l'absence d'horizon qui a mené à cela. Ce nouveau gouvernement aura donc pour but de mettre un terme à tout cela et arrêter l'effondrement". Et de conclure : "Les Libanais ont été hier témoins d'échanges acerbes entre le président et moi-même et je suis venu aujourd'hui pour réduire cette tension et calmer le jeu. Je resterai franc avec vous : il y a une opportunité une opportunité qu'il faut saisir et il y a une possibilité que nos discussions aboutissent lundi", a conclu M. Hariri.
Quant à la présidence de la République, elle s'est contentée de brièvement citer dans un tweet le Premier ministre désigné. "Nous nous sommes mis d'accord pour nous réunir à nouveau lundi, et il y aura des réponses quant à la possibilité de former un gouvernement le plus tôt possible", a écrit Baabda en citant Saad Hariri. Selon des sources du palais citées par notre correspondante Hoda Chedid, "aucune mouture complète n'a été proposée pour davantage de discussions lundi, la réunion d'aujourd'hui n'ayant pas permis d'aboutir à des résultats concrets". Selon ces sources, l'atmosphère "n'était pas tendue" entre les deux hommes.
Abbas Ibrahim poursuit sa médiation
Le Premier ministre désigné était arrivé à la réunion avec une enveloppe blanche en main, selon Hoda Chedid, sans que l'on puisse savoir ce qu'elle contenait. Dans un communiqué publié en matinée pour annoncer le rendez-vous de M. Hariri à Baabda, le palais présidentiel avait lancé une pique au Premier ministre désigné. "La présidence de la République compte sur le sens des responsabilités du Premier ministre désigné afin qu'il soit porteur d'une vision pour la formation d'un gouvernement qui respecte les équilibres, le Pacte national, et le critère de spécialisation, en tirant ainsi les leçons des cinq mois écoulés depuis sa désignation", a écrit Baabda.
En amont de l'entretien Aoun-Hariri, le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui mène une médiation pour tenter de rapprocher les vues des protagonistes, s'était rendu aujourd'hui au palais de Baabda, avant de se réunir avec le président du Parlement, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné.
Mercredi soir, dans un discours télévisé adressé aux Libanais, le président Aoun a appelé le Premier ministre désigné à choisir entre deux options : se rendre au palais de Baabda afin de former "immédiatement un gouvernement" en accord avec la présidence ou "céder la place à une autre personne capable" de mener à bien cette mission. Le chef de l'Etat a également accusé M. Hariri d'avoir fait perdre "un temps précieux" aux responsables dans la mise sur pied de la nouvelle équipe, ce qui a "entraîné le pays dans une voie sans issue", alors que le Liban souffre d'une crise multiforme de plus en plus aiguë. Saad Hariri avait immédiatement réagi hier au discours du président Aoun, se disant disposé à s'entretenir avec lui, mais l'appelant toutefois à "prévoir une présidentielle anticipée" si le chef de l'Etat s'avère incapable de signer le décret de formation d'un cabinet de technocrates non-partisans.
Depuis sa désignation, Saad Hariri ne parvient pas à former son cabinet, en raison de désaccords persistants avec le président Aoun sur la forme du futur cabinet, la répartition des portefeuilles et la nomination des ministres. Les deux responsables ferraillent notamment sur la question de l'octroi du tiers de blocage au président et à la formation qu'il a créée, le Courant patriotique libre (CPL). C'est aussi autour du ministère de l’Intérieur que le bras-de-fer se poursuit entre les camps, aucune des deux parties ne souhaitant lâcher ce portefeuille stratégique à l’aune de trois consultations électorales prévues pour 2022 (municipales, législatives et présidentielle). La bataille se focalise également autour du portefeuille de la Justice, dont l’attribution dépend étroitement de celle de l’Intérieur. Jusque là, les différentes initiatives lancées pour tenter de rapprocher les points de vue ont toutes échoué et les deux principaux protagonistes ne se sont plus vus depuis plus d'un mois.
Sauf que la pression monte sur les deux responsables, que ce soit sur le terrain au Liban ou au niveau de la diplomatie occidentale. Au cours de ce mois, les Libanais ont exprimé leur colère quotidiennement dans les rues du pays, face à la dépréciation toujours plus rapide de la monnaie nationale qui avait atteint il y a quelques jours le seuil record de 15.000L.L, mais aussi des annonces concernant la baisse des subventions, l'hyperinflation et l'incurie des dirigeants. Et sur le plan international, le président français Emmanuel Macron a estimé jeudi qu'"il faudra dans les prochaines semaines changer d'approche et de méthodes" sur le Liban. La veille, une source diplomatique française avait indiqué qu'Européens et Américains doivent accroître les "pressions" sur la classe politique libanaise pour obtenir la formation d'un nouveau gouvernement et cela pourrait in fine aussi passer par des "sanctions". Le président français s'est fortement impliqué, en vain jusqu'à présent, pour tenter de débloquer la crise politique au Liban. L'arrivée d'une nouvelle administration à Washington change un tout petit peu la donne même si les Américains restent très hostiles à tout échange avec le Hezbollah, très puissant sur l'échiquier politique libanais et allié de Michel Aoun.
commentaires (13)
"Hariri de Baabda" en français on dirait "depuis Baabda" cette faute déjà très présente au sein des dépêches de l'agence nationale d'information libanaise et dans l'Orient Le jour malgré une tentative d'amélioration de l'écrit depuis quelques temps...
WEHBE Rouba
13 h 46, le 19 mars 2021