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Économie - Subventions

Le prix de l’essence de plus en plus exposé à la chute de la livre

Le prix du mazout, notamment utilisé pour faire tourner les générateurs privés, a également augmenté dans des proportions nettement plus importantes que d’habitude.

Le prix de l’essence de plus en plus exposé à la chute de la livre

Certaines stations-service ont accusé des retards de livraison au Liban-Sud. Photo M.A.

Enfoncés jusqu’aux oreilles dans une crise qui ne cesse de s’aggraver, sur fond de tensions sécuritaires croissantes, les Libanais ont eu la mauvaise surprise hier matin d’apprendre que le ministère de l’Énergie et de l’Eau avait revu à la hausse, et dans des proportions record, son ajustement hebdomadaire des prix des carburants domestiques – essence, mazout et gaz compris.

La décision a été prise pour répercuter la baisse brutale de la valeur de la livre face au dollar sur le marché parallèle depuis le début du mois, dans un contexte de baisse continue entamée au cours de l’été 2019. Alors qu’il était sous les 10 000 livres pour un dollar le 1er mars, le taux dollar/livre flotte en effet aujourd’hui autour des 14 000 livres/dollar chez les agents de change du pays, qu’ils soient agréés ou illégaux, après un mardi marqué par une pointe au-dessus des 15 000 livres. La barre des 11 000 livres n’avait été dépassée qu’une semaine plus tôt, et la monnaie nationale a déjà perdu près de 90 % de sa valeur par rapport au taux officiel de 1 507,5 livres fixé en 1997 par la Banque du Liban (BDL).

Presque plus de super

Conséquence : alors que le ministère prévoyait d’augmenter le prix des 20 litres d’essence de 1 500 livres mardi, selon nos sources, c’est finalement une majoration de plus de 4 000 livres qui a été imposée à l’issue de discussions hier en milieu de matinée, comme rapporté par le représentant des distributeurs de carburant, Fady Abou Chakra, et celui du syndicat des propriétaires de station-service, Georges Brax. Cette hausse hebdomadaire est deux à trois fois plus élevée que les variations maximales enregistrées depuis le début de l’année, elles-mêmes doublement, voire triplement, supérieures aux variations habituelles.

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Les 20 litres de super (98 octane, que presque plus personne ne vend ou n’achète dans le pays pour des questions de prix) sont désormais vendus à 40 000 livres, après une majoration de 4 200 livres, tandis que l’ordinaire (95 octanes) est désormais facturé 38 900 livres, soit une hausse de 4 100 livres. Le prix du mazout, carburant notamment consommé par les générateurs privés qui fournissent du courant pendant les heures de coupures imposées par Électricité du Liban, a, lui, été rehaussé de 3 300 livres, pour atteindre 27 700 livres, tandis que la bonbonne de gaz standard se vend désormais à 28 100 livres, soit 2 300 livres de plus. Ces deux variations en hausse sont également nettement plus élevées que les moyennes enregistrées ces derniers mois.

Les prix de l’essence sont calculés en fonction d’un mécanisme qui prend en considération la moyenne des prix mondiaux hebdomadaires du carburant, relayés par la société américaine S&P Global Platt, l’évolution du taux dollar/livre, les charges fiscales, ainsi que les charges et marges des distributeurs. Selon Georges Brax, l’augmentation des prix de l’essence cette semaine a été calculée sur base d’un taux de 14 000 livres pour un dollar et d’un prix du baril à 68 dollars. « Sur ce total, 10 500 livres correspondent à la prise en charge du taux de change, plus 8 900 livres pour les différentes charges fiscales, le reste répercutant le prix du baril, les charges fixes et les marges », détaille le syndicaliste. Le service de presse du ministère de l’Énergie, que nous avons contacté pour vérifier cette répartition, n’a pas répondu à nos sollicitations.

Répercussions « dramatiques »

M. Brax alerte en outre sur les répercussions « dramatiques » sur les prix du carburant que pourrait provoquer une rationalisation mal organisée – et sans réformes préalablement lancées – des mécanismes de subvention du taux de change dont bénéficie la filière. Face à la fonte de ses réserves de devises, fruit de plusieurs décennies de politiques monétaires risquées compte tenu de la gestion calamiteuse du pays, la BDL a arrêté de soutenir le taux dollar/livre à partir de l’été 2019, avant de mettre en place des mécanismes permettant aux importateurs de produits stratégiques et de première nécessité d’acheter leurs dollars à un taux plus avantageux que celui du marché parallèle. Depuis, les importateurs d’essence peuvent obtenir, au taux officiel et auprès de la BDL, 90 % des montants en dollars nécessaires pour payer leurs fournisseurs, à condition de fournir eux-mêmes les 10 % restants en devises.

Or, au vu du niveau inquiétant atteint par les réserves de devises de la BDL, les autorités prévoient de rationaliser les mécanismes de subvention existants dans les prochains mois. S’agissant du carburant, la première étape consisterait à abaisser le ratio de dollars pris en charge de 5 points de pourcentage, à 85 %, comme l’a souligné Ghazi Wazni à Bloomberg mardi. « Si cette décision était validée, avec les paramètres pris en compte pour ajuster les prix de l’essence cette semaine, cela représenterait selon nos calculs une hausse de plus de 11 000 livres sur le prix des 20 litres d’essence ordinaire », a estimé Georges Brax. « Mais ce chiffre est purement théorique, car une baisse du ratio provoquera une hausse de la demande de dollars et donc une très probable hausse du taux dollar/livre », prévient-il, avant d’ajouter : « Imaginez ce qui se passerait si les subventions étaient totalement supprimées dans ces conditions. »

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Si l’incertitude règne pour l’instant à ce sujet, le risque immédiat de pénurie de carburant semble écarté, selon les sociétés importatrices qui s’étaient confiées à L’Orient-Le Jour mardi, ainsi que le président du syndicat représentant les sociétés distributrices sur le territoire, Fady Abou Chakra, principal acteur à évoquer ce scénario depuis plusieurs jours. Dans un entretien à la chaîne al-Jadeed, le syndicaliste a en effet indiqué que les livraisons avaient repris dans le sud du pays où plusieurs stations-service avaient fermé ces derniers jours. La réouverture des stations a été confirmée par notre correspondant Mountasser Abdallah. La situation était à peu près comparable dans les autres régions, avec certaines stations-service accusant des retards de livraison. Pour rappel, les sociétés importatrices ont diminué les quantités de carburant livrées sur le marché local en raison de la crise et du fait que certains distributeurs locaux en revendaient une partie sur le marché noir ou en Syrie.

Les pharmaciens annoncent une grève face à la dépréciation de la livre
De nombreuses pharmacies prévoient de se mettre en grève aujourd’hui afin de protester contre la dépréciation record de la livre qui a flotté hier entre 13 000 et 15 000 livres pour un dollar sur le marché parallèle, après avoir affolé les compteurs mardi. Le syndicat des pharmaciens a confirmé hier cette annonce à L’Orient Today, tout en précisant ne pas être à l’origine de cette initiative. La volatilité de la monnaie nationale et ses répercussions sur le pouvoir d’achat, l’inflation ainsi que la disponibilité des liquidités pour les importateurs sont un quelques-uns des stigmates les plus visibles de la crise que traverse le Liban depuis plus d’un an et demi.
La rationalisation prochaine, annoncée par les autorités, des mécanismes de subvention sur le taux de change mis en place par la BDL et dont bénéficient encore certains importateurs – dont ceux de médicaments – fait également partie des motifs d’inquiétude de la profession. Son syndicat s’était en outre plaint à plusieurs reprises de la lenteur d’exécution par la BDL des procédures prévues et des retards de paiement occasionnés.
Concrètement, ces dispositifs permettent aux importateurs éligibles d’échanger auprès de la BDL leurs livres contre des dollars au taux officiel ou à un taux plus avantageux que celui du marché parallèle. Leur coût a été estimé à 500 millions de dollars par mois et 6 milliards par an.
Enfoncés jusqu’aux oreilles dans une crise qui ne cesse de s’aggraver, sur fond de tensions sécuritaires croissantes, les Libanais ont eu la mauvaise surprise hier matin d’apprendre que le ministère de l’Énergie et de l’Eau avait revu à la hausse, et dans des proportions record, son ajustement hebdomadaire des prix des carburants domestiques – essence, mazout et gaz compris.
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commentaires (3)

C'est 4 fois moins cher (en dollars) qu'en Arabie Saoudite, en fait c'est l'essence la moins chère du monde ! Ce qui révèle le vrai taux de dévaluation de la LL ! Je ne sais pas comment les Libanais font pour survivre, une révolution grandiose est inévitable.

Robert Malek

14 h 25, le 18 mars 2021

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Commentaires (3)

  • C'est 4 fois moins cher (en dollars) qu'en Arabie Saoudite, en fait c'est l'essence la moins chère du monde ! Ce qui révèle le vrai taux de dévaluation de la LL ! Je ne sais pas comment les Libanais font pour survivre, une révolution grandiose est inévitable.

    Robert Malek

    14 h 25, le 18 mars 2021

  • ET LE TRAFIC VERS LA SYRIE CONTINUE. PAS SEULEMENT MAZOUT, FUEL ET BENSINE MAIS AUSSI LE PAIN ET LES DENREES ALIMENTAIRES SURTOUT SUBVENTIONNEES ET PRESQUE TOUT. ET LES PRIX FLAMBENT AU LIBAN AU DETRIMENT DU PEUPLE LIBANAIS APPAUVRI ET AFFAME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 43, le 18 mars 2021

  • Prix moyen de l’essence en Europe 1.60$, aux US 0.60$, au Liban 0.13$... Ce n’est pas l’essence qui augmente, c’est la livre qui diminue...

    Gros Gnon

    01 h 22, le 18 mars 2021

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