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Économie - Industrie

La BDL envisage-t-elle de contraindre les exportateurs à rapatrier leurs fonds ?

Malgré la confirmation du ministère de l’Industrie, entre autres, la banque centrale réfute être l’auteure de ces propositions figurant dans un document anonyme.

La BDL envisage-t-elle de contraindre les exportateurs à rapatrier leurs fonds ?

Malgré la confirmation du ministère de l’Industrie, entre autres, la Banque du Liban réfute être l’auteure de ces nouvelles propositions. Photo P.H.B.

Un document non signé contenant deux propositions afin « de rapatrier l’argent provenant des exportations en devises » a été envoyé la semaine dernière par la Banque du Liban (BDL) au ministère de l’Industrie, selon son directeur général, Dany Gédéon, ainsi que plusieurs sources concordantes, bien que la banque centrale ait démenti cela jeudi soir à L’Orient-Le Jour. La BDL serait ainsi en négociation avec les professionnels de l’industrie pour décider du meilleur mécanisme à mettre en place à cet effet, alors qu’elle subventionne certaines importations de matières premières de ce secteur, en réaction à la raréfaction des devises sur le marché depuis la fin de l’été 2019. Des subventions toutefois compromises par la fonte des réserves de devises de la BDL, en marge de la crise économique et financière dans laquelle s’enfonce le Liban et des restrictions imposées de manière unilatérale par les banques sur les retraits et les transferts en devises depuis plus d’un an. Cependant, l’Association des industriels du Liban (AIL) et le ministère de l’Industrie nient que les professionnels du secteur fassent sortir cet argent du pays, au regard de leurs frais de fonctionnement à payer au Liban. Ils accusent de plus la BDL de modifier le régime économique libéral du Liban, ce qui a également été relevé par le PDG de FFA Pivate Bank, Jean Riachi, sur Twitter, regrettant que le pays adopte des mesures « interventionnistes » au lieu de libéraliser l’économie.

Propositions de la BDL

Les industriels bénéficient pour le moment de deux mécanismes élaborés par la BDL. Le premier leur permet d’importer au taux de 3 900 livres certaines matières premières comprises dans le « panier alimentaire élargi », mis en place par la circulaire n° 564 du 8 juillet 2020, qui amende le mécanisme du texte n° 557 de mai dernier. Le second permet à la banque centrale de fournir 90 % du montant de la facture d’importation au taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar, le reste devant être fourni au taux du marché noir, qui avoisinait hier les 11 000 livres, selon la circulaire n° 556 du 27 mai 2020. L’enveloppe globale s’élève à 100 millions de dollars et chaque industriel possède une limite de 300 000 dollars. De plus, l’usine bénéficiaire qui exporte « doit transférer au Liban les profits en devises correspondant au minimum à la valeur des matières premières importées via ce mécanisme et utilisées dans la fabrication du produit exporté ».

C’est justement sur ce dernier point que s’appuient les nouvelles propositions de la BDL, la première imposant aux importateurs de rapatrier une partie de la facture d’exportation sous 45 jours de l’envoi. Sinon, la banque centrale pourrait « suspendre le numéro (de l’industriel) aux douanes temporairement et l’empêcher d’importer ou d’exporter (…) ou lui imposer d’autres sanctions, telles des amendes, ou ne pas lui permettre de profiter des subventions sur l’importation des matières premières ».

L’exportateur pourra, selon cette proposition, retirer une portion proportionnelle aux profits moyens du secteur dans lequel il opère en « dollars frais » (sur lesquels ne s’applique aucune restriction) en liquide ou l’utiliser pour ouvrir des lignes de crédit pour importer de nouvelles matières premières. Le reste pourra être employé à de nouvelles importations tout en fournissant un montant supplémentaire en livres, en considérant un taux de change « supérieur à celui fixé pour les banques, soit 4 000 livres pour un dollar » – ce taux est à présent fixé à 3 900 livres par la circulaire n° 572 du 9 octobre 2020 qui prolonge la n° 151 du 21 avril 2020. Ces comptes devront également être utilisés pour payer certains frais locaux, comme les salaires. Le texte défend ses objectifs en indiquant que « le taux de change subventionné a pour but de préserver le pouvoir d’achat des Libanais et qu’il convient d’arrêter d’octroyer des crédits subventionnés aux importateurs qui ne font qu’exporter », au vu des faibles réserves en devises de la BDL, qui s’élevaient en novembre à « 17,9 milliards de dollars » selon Reuters, alors que les réserves obligatoires (que la BDL ne peut en principe pas toucher) s’élèvent à 17,5 milliards de dollars. Or, en plus des matières premières industrielles, la banque centrale subventionne la majorité des importations de blé, carburant, médicaments et matériel médical (circulaires n° 530 et n° 535) au taux officiel et certaines denrées alimentaires à 3 900 livres.

La seconde proposition est, elle, moins punitive et préfère plutôt fournir des incitations et des garanties aux industriels qui auront plus de facilité à obtenir des crédits, retirer à un taux supérieur à celui fixé pour les banques, ou encore des réductions d’impôts.

Réactions des industriels

Bien que la volonté de la BDL soit de diminuer la pression sur ses réserves, les industriels réfutent les accusations de non-rapatriement. En effet, Dany Gédéon explique que les matières premières constituent en moyenne « entre 40 et 50 % » du coût du produit, le reste est en majorité libellé en livres (main-d’œuvre, électricité, télécoms et une partie du transport). Les bénéfices, eux, forment, selon lui, entre « 5 et 10 % de la facture totale ». Ainsi, entre « 50 et 60 % de la facture d’exportation » est transférée au Liban pour payer les coûts locaux. Il admet que certains industriels gardent une somme d’argent à l’étranger mais, selon lui, elle ne dépasse pas les coûts des matières premières additionnés aux bénéfices. « Nous sommes une économie libérale, donc les citoyens peuvent placer leurs profits là où ils le souhaitent. De plus, je comprends les industriels qui gardent le montant des matières premières à l’étranger de peur que les banques libanaises ne les bloquent », explique-t-il. Même son de cloche de la part d’un membre de l’AIL, qui indique que « la majorité d’entre eux rapatrie l’argent gagné au Liban », même s’il admet qu’une minorité garde tout l’argent à l’étranger, en raison des restrictions. Il révèle qu’uniquement « 16 millions de dollars ont été débloqués » sur les 100 millions promis, indiquant ainsi que, selon lui, il s’agit de l’argent des industriels et non celui de la BDL qui est utilisé pour les importations. Dany Gédéon rappelle d’ailleurs qu’il est difficile pour un Libanais d’ouvrir des comptes dans des banques à l’étranger en raison de la peur de sanctions. « Cela fait quatre mois qu’un industriel libanais essaye d’ouvrir un compte aux Émirats arabes unis », révèle-t-il.

Toutefois, le directeur général du ministère de l’Industrie comprend la détermination de la BDL de financer la consommation locale et non étrangère, et c’est pour cela qu’il préfère la deuxième proposition, qui incite uniquement « les quelques rares industriels » à rapatrier une partie de leur argent au Liban. Cette option est également respectueuse du libéralisme économique auquel adhère le Liban, selon Dany Gédéon.

Un document non signé contenant deux propositions afin « de rapatrier l’argent provenant des exportations en devises » a été envoyé la semaine dernière par la Banque du Liban (BDL) au ministère de l’Industrie, selon son directeur général, Dany Gédéon, ainsi que plusieurs sources concordantes, bien que la banque centrale ait démenti cela jeudi soir à L’Orient-Le Jour....

commentaires (3)

La BDL devrait s’activer à rapatrier les milliards pillés avant toute chose. Après on avisera

Sissi zayyat

12 h 22, le 14 mars 2021

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Commentaires (3)

  • La BDL devrait s’activer à rapatrier les milliards pillés avant toute chose. Après on avisera

    Sissi zayyat

    12 h 22, le 14 mars 2021

  • pour compenser la participation de la BDL subventionner leurs de matieres 1eres importations, trouver une autre formule est surement facile a trouver ET a appliquer, qui sauverait au moins une partie des benefices reels des joueurs economiques encore survivants . TOUT EN ETANT BEAUCOUP PLUS SEVERE VIS A VIS LES BANQUIERS EUX MEMES .

    Gaby SIOUFI

    11 h 31, le 13 mars 2021

  • si l'intention est reelle c'est que riad salame est devenu aussi stupide que criminel. rapatrier leurs fresh $ pour les remettre a la mafia du secteur bancaire aussi stupide ou ignorante?_j'en doute- mais surtout prete a les "absorber" -restons polis- en 1 clin d'oeil ? Non Mais "ils sont fous ces banquiers " !

    Gaby SIOUFI

    11 h 27, le 13 mars 2021

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