
Le Premier ministre libanais sortant, Hassane Diab, s'adressant aux Libanais, le 6 mars 2021. Photo Bureau de presse de Hassane Diab
Le Premier ministre libanais sortant, Hassane Diab, a commenté samedi, pour la première fois depuis leur reprise en masse il y a cinq jours, les manifestations populaires de colère contre la crise qui s'aggrave au Liban, affirmant que le pays était "au bord de l'explosion" et se disant prêt à s'"abstenir de remplir (ses) fonctions si cela contribue à la formation d'un gouvernement".
Lors d'un discours adressé aux Libanais, le PM sortant a commencé son allocution par une série de questions : "Qu'est-ce que les Libanais ont à voir avec les conflits du monde? Pourquoi le Liban reste-t-il la ligne de démarcation dans la région ? Qui utilise notre pays comme arène pour régler des comptes étrangers ? Qu'ont fait les Libanais pour payer le prix des convoitises, des rêves, des ambitions et des chamailleries politiques?".
"Le Liban est au bord de l'explosion après l'effondrement (économique). Nous craignons d'arriver à un point où les risques ne pourraient plus être contenus", a mis en garde Hassane Diab. "La déchéance du pays est-elle de mise ? L'État va-t-il se décomposer après être devenu le maillon faible ?", s'est-il demandé.
Alors que la livre libanaise battait un nouveau record de dépréciation en s'échangeant samedi aux alentours de 10.450LL contre le dollar, de nombreux Libanais battaient le pavé dans tout le pays pour exprimer leur colère contre les dirigeants. Les coupures de routes à travers le territoire se poursuivaient ainsi, du Nord vers le Sud, en passant par la capitale et la plaine de la Békaa, pour le cinquième jour consécutif.
"Ruée vers le lait"
'Les Libanais souffrent d'une grave crise sociale qui risque de s'aggraver si un nouveau gouvernement compétent n'est pas formé, un gouvernement animé par une impulsion politique interne et un soutien extérieur pour faire face à cette crise", a encore prévenu le PM sortant. "La ruée vers le lait ne constitue-t-elle pas une incitation suffisante pour transcender les formalités et arrondir les angles afin de former un gouvernement ?", a demandé M. Diab, alors que ces derniers jours, des images de clients se disputant dans des supermarchés pour s'arracher des denrées subventionnées ont suscité un tollé dans le pays.
Le Liban connaît depuis l'été 2019 une grave crise économique et financière, marquée par la dépréciation de la monnaie nationale et une inflation galopante. Un marasme encore aggravé par les mesures de confinement sanitaire mises en place pour lutter contre la pandémie de coronavirus et la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, le 4 août dernier. Six jours après le drame, le Premier ministre Hassane Diab avait annoncé sa démission, mais son cabinet continue d'expédier les affaires courantes depuis cette date, alors que le Premier ministre désigné, Saad Hariri, n'arrive toujours pas à former son équipe depuis octobre dernier, en raison d'un bras de fer politique avec le président de la République.
"Les jours à venir ne sont pas de bon augure"
"Malheureusement, aujourd'hui, environ sept mois après la démission de notre gouvernement, le nouveau gouvernement n'a pas encore été formé, ce qui nous place dans la ligne de mire et un grand dilemme, avec de nombreuses complications et des opinions divergentes concernant les pouvoirs du gouvernement intérimaire", a constaté Hassane Diab. "Certains demandent au gouvernement sortant d'exercer les pouvoirs d'un gouvernement en place sous prétexte de circonstances exceptionnelles. D'autres mettent en garde le gouvernement intérimaire contre le contournement des pouvoirs spécifiés dans la Constitution au sens étroit de l'expédition des affaires courantes. Cependant, ce débat est résolu au Parlement, car il constitue la référence pour l'interprétation de la Constitution", a tranché Hassane Diab. "Les conditions sociales s'aggravent; les conditions financières mettent le pays à rude épreuve; les conditions politiques sont de plus en plus complexes; le pays est confronté à d'énormes défis qu'un gouvernement normal ne peut pas relever en l’absence d’un consensus politique; alors comment un gouvernement intérimaire peut-il relever ces défis !?", a dénoncé M. Diab. "Nous n'avons pas failli à notre rôle dans la conduite des affaires publiques, et nous remplissons notre devoir au plus haut niveau, comme le permet la Constitution", s'est-il défendu, estimant qu'il faut concentrer les efforts sur l'accélération de la formation d'un nouveau gouvernement pour poursuivre le cours des réformes engagées par notre gouvernement et reprendre les négociations avec le FMI sur la base du plan de réforme que nous avons établi, après l'avoir mis à jour. Aujourd'hui, à la lumière des défis croissants, rien ne devrait prendre le pas sur la formation du nouveau gouvernement le plus tôt possible".
"Je suis disposé à m'abstenir de remplir mes fonctions si cela contribue à la formation d'un gouvernement, même si cela va à l'encontre de mes convictions, car cela porte atteinte à la marche de l'État et aux intérêts des Libanais", a encore fait savoir Hassane Diab. "Mettons de côté l'illusion et l'ambition du pouvoir, car les jours à venir ne sont pas de bon augure si l'intransigeance, la défiance et l'arrogance restent des obstacles à la formation d'un nouveau gouvernement", a-t-il conclu.
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Rien ne se fera tant que le Hezbollah continuera de posséder des armes et agira de manière anticonstitutionnelle. Le pays continuera de sombrer tant que cet état de fait restera en force. Ce doit être le seul but de toute action pour pouvoir permettre aux objectifs de la révolution a prendre enfin leur cours. Il ne faut surtout pas se laisser embourber dans des sujets secondaires que les Diab et compagnie essaient de promouvoir pour noyer le poisson dans l'eau. Une cause, un chemin, un but: Les armes du Hezbollah ! Le reste coulera de soi sans aucuns obstacles ou problèmes. Il faut tenir, on continue!
Pierre Hadjigeorgiou
13 h 48, le 08 mars 2021