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Moyen-Orient - Éclairage

Biden en passe d’infliger un sérieux revers à MBS

Le renseignement américain s’apprête à rendre public un rapport déclassifié sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, qui pourrait pointer du doigt la responsabilité du prince héritier.

Biden en passe d’infliger un sérieux revers à MBS

Un manifestant tenant une pancarte sur laquelle apparaît le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, lors d’une manifestation tenue peu après sa mort devant le consulat saoudien à Istanbul, le 25 octobre 2018. Yasin Akgul/AFP

Sa publication pourrait être le signe d’une nouvelle étape dans la volonté de Joe Biden de « recalibrer » les relations entre Washington et Riyad. La Maison-Blanche a fait savoir mercredi que le nouveau président des États-Unis allait « bientôt » rendre public le rapport des services de renseignements américains sur le meurtre du journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi. Selon l’agence de presse Reuters, qui a pu échanger avec quatre responsables américains – sous couvert d’anonymat – au fait du dossier, le rapport montrerait que le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane « avait approuvé et probablement ordonné le meurtre de Khashoggi ». Si la CIA avait déjà admis par le passé que MBS avait joué un rôle dans cet assassinat, l’agence de renseignements n’a jamais fait de déclaration officielle dans ce sens ni présenté de preuves à l’encontre du prince héritier saoudien. « Nous savons que les États-Unis pensent que MBS a ordonné ce meurtre. La question est de savoir s’ils le disent ouvertement dans ce rapport », observe Michael Stephens, expert du Moyen-Orient au Royal United Services Institute (RUSI).

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Une décision qui devrait intervenir simultanément à un appel entre le roi Salmane d’Arabie saoudite et le nouveau président américain, le premier du genre depuis l’accession au pouvoir de Joe Biden. Ce dernier a indiqué mercredi qu’il ne traiterait qu’avec le roi, marquant ainsi une rupture avec la relation personnelle nouée entre son prédécesseur et le prince héritier. « Ce sera la première fois qu’un président américain coupera tous les contacts personnels avec un héritier saoudien, qui est généralement le dirigeant de facto. Joe Biden a autorisé le secrétaire à la Défense à traiter avec MBS en tant que ministre de la Défense, d’homologue à homologue », précise David Ottaway, spécialiste de l’Arabie saoudite au Wilson Center.Interrogée par la presse mercredi, la porte-parole de la Maison-Blanche n’a pas confirmé les informations avancées le jour même par le média Axios, selon lesquelles le coup de téléphone entre les deux chefs d’État aurait lieu dans la journée, précédant la publication du document le lendemain. À l’heure de mettre sous presse, aucun rapport n’avait été publié. Cet appel « aura lieu bientôt, nous sommes encore en train de programmer le moment précis », a déclaré Jen Psaki, avant d’ajouter que le « rapport déclassifié » sera divulgué « bientôt » par la directrice du renseignement national Avril Haines. Plus tard dans la journée, le nouveau locataire de la Maison-Blanche a fait savoir à la presse qu’il avait lu le compte-rendu. « Oui, je l’ai lu », a simplement rétorqué Joe Biden aux journalistes, sans donner davantage de détails. Alors que l’administration Biden pourrait infliger un sérieux revers à Riyad en mettant en avant le rôle du prince héritier dans cet assassinat, des documents top secret récemment consultés par la chaîne américaine CNN semblent aboutir aux mêmes conclusions. Déposés par un groupe de sociétés d’État saoudiennes dans le cadre d’une poursuite pour détournement de fonds ouverte le mois dernier au Canada contre un ancien chef en exil du renseignement saoudien, Saad Aljabri, ces documents indiquent que les deux jets privés utilisés par le commando responsable du meurtre de Jamal Khashoggi provenaient d’une société « saisie moins d’un an plus tôt par le puissant » MBS. Signés par un ministre du gouvernement de Riyad suivant « les instructions de Son Altesse le Prince héritier », ils illustrent le transfert de propriété de la compagnie « Sky Prime Aviation » dans le fonds souverain du royaume fin 2017.

« J’ai lui ai sauvé la peau »

Drogué puis démembré par des agents saoudiens dans le consulat de son pays à Istanbul en octobre 2018, Jamal Khashoggi, exilé aux États-Unis depuis 2017, était un fervent critique du prince héritier et de la politique du royaume saoudien. Si Riyad avait admis peu après les faits que la mort du journaliste était préméditée, le royaume a pris soin d’épargner le prince héritier, sous le feu des critiques internationales depuis le début de l’affaire. En septembre dernier, huit inculpés du meurtre ont été condamnés par un tribunal saoudien à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison, alors que la fiancée du dissident avait accusé Riyad de refermer ce dossier sans que les noms des réels commanditaires ne soient révélés. Selon un enquêteur des Nations unies en juin 2019, l’idée selon laquelle MBS n’était pas au courant de l’opération était tout simplement « inconcevable ». Dans le même esprit, le Sénat américain avait conclu à l’époque, d’après des informations de la CIA, que le prince héritier avait ordonné l’assassinat du dissident. Mais Donald Trump, soucieux de préserver son alliance avec Riyad, avait fait mine de ne rien savoir. « J’ai lui ai sauvé la peau », avait même déclaré l’ancien président américain lors d’une interview.

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« La publication du rapport Khashoggi est une étape nécessaire pour tourner de manière décisive la page sur la politique saoudienne de l’administration Trump. Le président Biden a déclaré qu’il souhaitait recalibrer les relations entre Washington et Riyad, il s’agit donc d’un pas important dans cette direction », commente Kristin Diwan, chercheuse à l’Arab Gulf States Institute à Washington. Depuis son accession à la Maison-Blanche, la nouvelle administration a déjà pris une série de mesures allant dans le sens d’un réajustement de la politique américaine au Moyen-Orient. En un mois, le président démocrate a annoncé la suspension des ventes d’armes en cours à Riyad et Abou Dhabi, ainsi que l’arrêt du soutien américain à la coalition menée par ces deux pays au Yémen. Les États-Unis entendent également révoquer la désignation des rebelles houthis, soutenus par l’Iran et combattus depuis 2015 par le royaume saoudien et ses alliés au Yémen, comme groupe terroriste. Sans oublier le changement de position adopté par Joe Biden à l’égard de Téhéran. « La nouvelle administration américaine veut en faire le moins possible pour s’assurer que la politique de la région soit plus stable qu’elle ne l’était sous Trump, tout en affirmant “ne pas maintenir le statu quo”. Il s’agit premièrement de régler l’accord nucléaire avec l’Iran et d’amener les États de la région à se comporter de manière moins perturbatrice pour l’ordre régional », note Michael Stephens.

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Face au changement de ton de Joe Biden à l’égard de l’ancien interlocuteur privilégié de Donald Trump dans le Golfe, MBS semble avoir donné des gages à la nouvelle administration américaine au cours des dernières semaines. Alors que deux Américano-Saoudiens arrêtés en 2019 ont été provisoirement relâchés dans l’attente de leur procès au cours du mois, Riyad a également libéré sous caution, il y a une dizaine de jours, l’activiste pour les droits des femmes Loujain al-Hathloul, détenue depuis près de trois ans. « Bien que la publication de ce rapport indique que Joe Biden s’écarte des liens personnels avec le prince héritier, l’administration américaine s’efforcera de maintenir des liens plus institutionnels et corrects avec le royaume saoudien », estime Kristin Diwan. « Ce ne sera pas facile, mais ces distinctions sont nécessaires pour envoyer un message clair : la poursuite saoudienne des dissidents politiques et des réformateurs sociaux – en particulier au-delà de ses frontières – aura des conséquences », ajoute la spécialiste.

Sa publication pourrait être le signe d’une nouvelle étape dans la volonté de Joe Biden de « recalibrer » les relations entre Washington et Riyad. La Maison-Blanche a fait savoir mercredi que le nouveau président des États-Unis allait « bientôt » rendre public le rapport des services de renseignements américains sur le meurtre du journaliste et dissident saoudien...
commentaires (4)

Heureusement qu'il y avait Macron pour sauver Hariri...

Eleni Caridopoulou

18 h 12, le 26 février 2021

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Heureusement qu'il y avait Macron pour sauver Hariri...

    Eleni Caridopoulou

    18 h 12, le 26 février 2021

  • Donc si je comprends bien MBS va bientôt être admis au même club très sélect dont font partie Gebran, Ali-Hassan, et Youssef?

    Gros Gnon

    17 h 14, le 26 février 2021

  • Clair comme l’eau de roche qui a donné les Ordres...dans un pays totalement autocratique comme l’Iran... mais pas pire ! Ce qui est incompréhensible, c’est que le roi Salmane s’accroche à lui, alors qu’il y a un grand nombre de postulants valables dans les rangs princiers..

    LeRougeEtLeNoir

    12 h 25, le 26 février 2021

  • biden chercherait a accomplir quel but ? coincer ainsi MBS ? je veux bien , mais alors Israel ? Assad ? et tant d'autres tyrans a travers le monde ? on les laissent vaquer a leurs occupations eux ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 31, le 26 février 2021

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