Il y a un an, Khaled perdait son emploi dans l’enseignement. Et avec lui, la possibilité de s’acquitter du loyer de l’appartement familial. Contraint de quitter son logement, ce réfugié syrien ballotte ses deux petites filles, Mariam et Amal, de la maison d’un ami à celle d’un proche, à travers tout le Liban. Cela fait près d’un an que cette petite famille ne passe pas plus de quelques nuits d’affilée au même endroit.
« C’est très dur, en fait, nous sommes des sans-abri, raconte-t-il à L’Orient Today. Nos proches nous aident, mais beaucoup d’entre eux se trouvent également dans une situation précaire. »
Khaled et ses filles ont même passé des semaines à dormir aux côtés de dizaines d’autres réfugiés devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Beyrouth pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie et le manque d’assistance.
Selon une étude publiée en décembre par le Housing Monitor du Public Works Studio et l’ONG Anti Racism Movement (ARM), des histoires comme celle de Khaled deviennent de plus en plus fréquentes dans un contexte économique désastreux aggravé par les épisodes de confinement à répétition pour tenter d’enrayer la propagation du Covid-19.
« La question du logement engendre une souffrance énorme, mais souvent invisible », déclare Nadine Bekdache, urbaniste, graphiste pour Public Works Studio et coauteure du rapport. Sans surprise, ce sont les populations les plus vulnérables, comme les travailleurs migrants et les réfugiés, qui sont le plus durement touchées par cet aspect de la crise.
Plus de 80 % des cas de vulnérabilité dans l’accès à un logement signalés au Housing Monitor à la fin de 2020 concernaient des résidents non libanais, selon un rapport récent. Dans 78 % des cas signalés, les locataires étaient dans l’impossibilité de s’acquitter du loyer. Dans 81 % des cas, ils étaient menacés d’expulsion.
Si la crise économique et financière du Liban touche quasiment toute la population, ces populations en souffrent de manière disproportionnée, car elles ne trouvent pas d’emploi stable, mais journalier.
Dans le rapport publié en décembre 2020, une attention particulière a été portée à 145 cas d’insécurité en matière d’accès au logement affectant des travailleurs migrants et des réfugiés. Ces dossiers ont été reçus par l’ARM et le Housing Monitor en avril, mai et juin 2020. Les locataires venaient de neuf pays : Soudan, Syrie, Éthiopie, Sierra Leone, Nigeria, Sri Lanka, Kenya, Ghana et Bangladesh. 90 % d’entre eux se sont vu demander de quitter leur lieu de résidence pour non-paiement du loyer. Les 10 % restants avaient contacté le Housing Monitor et ARM par crainte d’être expulsés sous peu. Près de la moitié de ces 145 cas ont déclaré ne plus avoir été en mesure de payer leur loyer avant même le premier confinement décrété en mars 2020.
Dans la plupart des cas, les contrats de location étaient officieux : 95 % d’entre eux ne disposaient pas de contrat, ni même de trace écrite, qui reconnaissent leurs droits en tant que locataires. Khaled fait partie de ces cas-là.
« Au Liban, l’accès au logement se fait le plus souvent de manière informelle, explique Nadine Bekdache. Il n’y a pas de politique de logement social, ni de système pour assurer la sécurité du logement. »
Déséquilibre du pouvoir
Non seulement les réfugiés et les travailleurs migrants sont souvent victimes de stigmatisation sociale et de discrimination, mais ils sont également vulnérables en raison de leur statut juridique.
S’il est illégal d’expulser des locataires sans ordonnance du tribunal et avant trois mois de défaut de paiement, les travailleurs migrants et les réfugiés restent très fragiles en raison de ce que Rim Trad, responsable du logement chez ARM, décrit comme un « déséquilibre du pouvoir ».
Lorsque Khaled s’est retrouvé au chômage dans un contexte de ralentissement économique fin 2019, il n’a plus été en mesure de s’acquitter de son loyer de 400 000 LL pour un petit appartement à Chehim. Au bout de deux mois de retard pour le paiement du loyer, le propriétaire l’a purement et simplement expulsé, sans avertissement ni avis officiel, explique-t-il. « Je ne pouvais pas me défendre, déclare Khaled. Même si j’avais voulu porter plainte, cela n’aurait servi à rien. La loi n’est pas de mon côté en tant que réfugié syrien. »
Sur les 145 personnes interrogées pour le rapport du Housing Monitor-ARM, 135 avaient un permis de travail expiré, voire pas du tout de permis de résidence, ce qui signifie qu’elles vivent au Liban « illégalement » et risquent d’être arrêtées ou expulsées.
Dans certains cas, les propriétaires ont menacé de dénoncer les locataires à la Sûreté générale s’ils ne payaient pas le loyer à temps ou ne quittaient pas les lieux.
Au Liban, le statut d’un travailleur migrant est lié à celui de son employeur en raison du système de la kafala, ou système de parrainage. Un système qui ne leur permet pas de bénéficier de la protection du code du travail. « Cela s’apparente à de l’esclavage moderne et les prive de leurs droits, ce qui rend beaucoup plus difficile pour les migrants de signaler les menaces d’expulsion aux autorités », déclare Rim Trad.
Dans ce contexte, il arrive que quand des locataires refusent de se plier à une expulsion, certains propriétaires optent pour des mesures agressives. ARM et le Housing Monitor ont reçu de nombreux rapports selon lesquels des travailleurs migrants ou des réfugiés se sont vu enfermer dans leur logement, battus par des « voyous » ou menacés d’une arme.
Le profit avant tout
Dans la capitale, environ 50 % des propriétés résidentielles sont vacantes, selon Urban Lab de l’Université américaine de Beyrouth.
Selon Joseph Zoghbi, qui représente environ 1 000 propriétaires en tant que président du syndicat des propriétaires, beaucoup ont choisi de laisser leurs appartements vides en raison de la fluctuation de la livre libanaise et, par conséquent, de la valeur de leur bien. L’effondrement de l’économie, dit-il, a un impact énorme sur ceux qui dépendent des loyers qu’ils perçoivent pour joindre les deux bouts. « Nous devons aussi nous occuper des propriétaires, poursuit-il, je ne vais pas me priver de manger pour que quelqu’un d’autre puisse vivre. »
Plus de la moitié des personnes interrogées par ARM et le Housing Monitor ont expliqué vivre à quatre ou plus dans des espaces exigus, parfois de la taille d’une chambre. Des logements par ailleurs souvent insalubres. Dans le rapport, il est notamment fait mention de la présence de rongeurs, de problèmes structurels, de l’absence de lumière naturelle ou encore d’odeurs d’égouts.
« En l’absence de politique du logement, certains ont trouvé comme solution de proposer des logements insalubres », explique Nadine Bekdache.
L’absence de contrôles formels appropriés sur le marché de la location permet aux propriétaires « de ne pas se soucier du fardeau des mesures de sécurité pourtant nécessaires », indique le rapport qui relève « une obsession des profits au détriment du respect des normes minimales pour un logement sûr et décent ».
La double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020, n’a pas arrangé les choses, poursuit Mme Bekdache. De nombreux quartiers ayant été dévastés, des centaines de milliers de personnes ont dû se reloger ailleurs de manière temporaire. Or, l’essentiel des personnes qui habitaient près du port, une zone particulièrement touchée par la double déflagration, sont des Libanais pauvres, des réfugiés syriens et des travailleurs migrants.
Aujourd’hui, alors que les propriétaires commencent à réparer leurs biens dans les zones le plus durement touchées, la « pression immobilière » augmente, indique Nadine Bekdache, et certains locataires, qui avaient déjà enduré de lourdes souffrances en raison des explosions, sont désormais menacés d’expulsion. Et ce alors même qu’une loi adoptée en octobre dernier interdit toute éviction dans ces zones, pour une durée d’un an, et toute vente de bien immobilier, pour deux ans.
« Nous constatons que des propriétaires qui réparent leur maison finissent par réclamer un loyer plus élevé aux locataires à cause des rénovations – un montant que les locataires ne peuvent pas se permettre de payer », précise Rim Trad.
Depuis qu’ont été recensés les 145 cas de problèmes de logement au printemps dernier parmi les réfugiés et les migrants, les besoins ne cessent d’augmenter. Aujourd’hui, l’Anti Racism Monitor dispose de 323 dossiers complets concernant des cas de précarité en matière de logement ou de menaces d’expulsion. Mais, poursuit Rim Trad, « nous avons en tout 2 000 cas à traiter plus en profondeur». « Chaque jour, nous recevons de nouveaux cas de travailleurs migrants et de réfugiés menacés d’expulsion, poursuit-elle. La situation ne cesse de se détériorer car il est encore plus difficile aujourd’hui de trouver un emploi alors que la crise économique s’aggrave. »
Cet article a été originellement publié en anglais par « L’Orient Today » le 8 février 2021.
merci d'avance a ceux qui voudraient me conspuer, m'accuser de bcp de choses. Mais moi, citoyen du liban appauvri, ruine dont plus de la moitie de son peuple creve de misere, je veux rappeler que charite bien ordonnee commence par soi-meme, que ce malheureux refugie syrien avait pris l'emploi d'un citoyen libanais, illegalement avec l'assentiment- pardon la complicite de son employeur. de la je rappelle qu'un de nos maux reside en cette race d'employeurs concupiscents .
13 h 27, le 17 février 2021