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Société - Reportage

Pas rémunérés et dépourvus de moyens, les volontaires de la Défense civile aident envers et contre tout

À la caserne de Jdeideh, une des plus grandes et des plus actives du pays, les volontaires sont souvent contraints de payer eux-mêmes l’essence et les réparations des véhicules utilisés lors de leurs missions.

Pas rémunérés et dépourvus de moyens, les volontaires de la Défense civile aident envers et contre tout

Tony, banquier durant la journée et volontaire de la Défense civile pendant son temps libre. Photo João Sousa

Ils réparent eux-mêmes les véhicules en panne, se cotisent pour payer l’essence des camions-citernes utilisés pour éteindre les feux de forêts ou celle des ambulances qui transportent les malades du Covid-19... Bienvenue chez les volontaires de la Défense civile de Jdeideh, l’une des casernes les plus grandes et les plus actives du Liban. « Cette ambulance nous a coûté 1 300 dollars de réparations », confie Jad Homsi, le chef de la caserne, en pointant le véhicule du doigt. Par « nous a coûté », M. Homsi veut dire que ce sont les volontaires qui ont payé, sur leurs propres deniers, les réparations.

Dans le parking, trois ambulances sont stationnées. L’une des trois est en attente de réparation. De même qu’un pick-up et une jeep qui ne fonctionnent plus depuis des mois. L’équipe dispose également de deux camions-citernes, d’une moto-ambulance et d’un petit tractopelle qui, eux, marchent toujours. Ici, l’ambiance est bon enfant. Les après-midi où il n’y a pas de missions à accomplir, tout le monde se retrouve autour d’un café ou d’un bon repas. Les plus anciens sont là depuis vingt ans et prennent les nouvelles recrues sous leurs ailes. « À chaque catastrophe ou événement majeur dans le pays, des dizaines de personnes nous contactent pour rejoindre les rangs de la Défense civile », indique le chef de la caserne, âgé de 39 ans, à L’Orient-Le Jour. « Beaucoup de personnes l’ont fait après les explosions du port de Beyrouth, le 4 août 2020 », ajoute-t-il. La caserne est située dans un immeuble de deux étages appartenant à la direction générale de la Défense civile. Le bâtiment compte des chambres à coucher pour les volontaires, une salle pour entreposer le matériel et les tenues, une salle pour les opérations, ainsi qu’une salle de séjour et une cuisine.

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Au fil des années et des missions, les volontaires sont devenus des amis, voire des frères. « Je me sens chez moi ici. Je ne suis pas rentré à la maison depuis des mois », confie Iyad, un étudiant de 25 ans volontaire depuis presque un an. « Nous sommes en famille ici. Les jours où je ne suis pas à la caserne, je me sens perdu », renchérit Roudy, chômeur d’une trentaine d’années et volontaire depuis huit mois.

Georges, volontaire à Jdeideh, pose en tenue, masque sur le visage et bouteille d’oxygène sur le dos. Photo João Sousa

« Je dors ici tout le temps »

Comme ils ne sont pas rémunérés, la plupart des membres de la Défense civile sont contraints de travailler durant la journée, contrairement aux pompiers qui bénéficient du statut de fonctionnaires et exercent leur métier à plein temps. Responsable d’une station-service durant la journée, Jad Homsi passe la majeure partie de son temps libre à la caserne, au détriment de sa vie de famille. « Ma femme accepte que je ne sois pas aussi présent en ce moment, parce qu’elle sait que je fais un travail important et parce qu’il vaut mieux que je limite mes déplacements, par précaution en raison du Covid-19. Je vois donc ma fille de loin et de temps en temps », confie le chef de la caserne.

Tony, la quarantaine, est employé dans une banque durant la journée et volontaire de la Défense civile la nuit. « J’ai rejoint l’équipe en 2003. Ces derniers temps, je dors ici tout le temps. Je vais à la caserne chaque après-midi et je repars le lendemain au travail », raconte-t-il, cigarette à la main.

Non seulement les volontaires ne sont pas rémunérés, mais ils doivent souvent mettre la main à la poche, la Défense civile souffrant d’un manque cruel de moyens, surtout depuis les explosions du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Selon les calculs de Jad Homsi, la caserne « dépense au moins 500 000 LL d’essence par mois ». Un carburant payé par les volontaires. « Personne ne s’est présenté au dernier appel d’offres pour fournir la Défense civile en carburant, à cause de la flambée du dollar et parce que l’État ne règle qu’en livres libanaises, au taux de 1 500 LL », explique Tony.Mohammad, un chômeur de 44 ans, a rejoint les volontaires après la guerre de juillet 2006. Il est devenu l’un des piliers de la caserne de Jdeideh. Originaire de Brital, dans la Békaa, ce père de trois enfants passe cinq nuits par semaine sur place, en attendant de trouver du travail. Il rentre chez lui chaque week-end, avant de retrouver la caserne tous les lundis matins. « Je suis convaincu de mon utilité ici, d’autant que je suis sans emploi depuis un moment. J’offre mes services de volontaire en attendant de voir comment les choses vont évoluer », confie-t-il.

Lorsqu’ils ne sont pas en mission, les volontaires se retrouvent pour une pause bien méritée. Photo João Sousa

Pas assez de tenues pour tous

Feux de forêts, incendies, inondations, ou encore transport de malades et de blessés, les missions de la Défense civile varient en fonction des saisons et de la demande. Actuellement, les volontaires épaulent souvent la Croix-Rouge, débordée par la crise sanitaire, et transportent les malades du Covid-19 vers les hôpitaux de la région. Sauf que l’équipe doit compter sur ses généreux donateurs pour s’approvisionner en masques et combinaisons de protection contre le coronavirus.

Les volontaires de Jdeideh ont également été particulièrement actifs lors de la catastrophe du port. « Nous avons pris part aux opérations de sauvetage sur le port pendant plusieurs semaines », confie Chady, volontaire depuis une dizaine d’années, et employé dans une station-service durant la journée. « Nous ne dormions plus et l’un de nos véhicules a été endommagé au port », révèle-t-il.

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La situation de la Défense civile est si critique que la caserne de Jdeideh ne possède pas assez de tenues pour l’ensemble de ses 130 volontaires, dont une vingtaine de femmes. « Nous nous passons les tenues d’une personne à l’autre. La plupart d’entre elles sont usées et devraient être changées, mais pas moyen de le faire à l’heure actuelle », soupire le chef de la caserne. « Plus les tenues sont usées, moins elles protègent face au feu, ce qui met la vie des volontaires en danger », explique Jad Homsi. Les volontaires le savent, mais ils continuent quand même d’aller sur le terrain avec leurs tenues usées quand il le faut. « L’envie d’aider est profondément en moi. Quand je suis sur le terrain, je ne pense plus au danger de nos missions », confie Iyad.

En plus de se cotiser pour la réparation de leurs véhicules, les volontaires ont aussi financé la mise sur pied d’une salle des opérations digne de ce nom. « Nous avons meublé cette salle de A à Z. Nous avons récupéré les ordinateurs et le matériel nous-mêmes. Nous prenons les appels ici et nous documentons tout », indique Georges, un des volontaires, en montrant fièrement la salle.

« De nombreux centres de la Défense civile ont tout simplement arrêté de travailler par manque de moyens », révèle Jad Homsi, qui met toute son énergie au service de sa caserne. « Aucun d’entre nous ne fait ce travail dans l’espoir que les autorités se décident à nous rémunérer un jour, lance-t-il. L’envie de venir en aide aux autres est tout simplement ancrée en nous. » Puis il finit par lâcher : « Si ce travail était payé, tout serait tout de même beaucoup plus facile. »

Ils réparent eux-mêmes les véhicules en panne, se cotisent pour payer l’essence des camions-citernes utilisés pour éteindre les feux de forêts ou celle des ambulances qui transportent les malades du Covid-19... Bienvenue chez les volontaires de la Défense civile de Jdeideh, l’une des casernes les plus grandes et les plus actives du Liban. « Cette ambulance nous a coûté...

commentaires (5)

Que les chefs de municipalités,riches corrompus a gogo,leur paye entretemps !

Marie Claude

09 h 12, le 17 février 2021

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Commentaires (5)

  • Que les chefs de municipalités,riches corrompus a gogo,leur paye entretemps !

    Marie Claude

    09 h 12, le 17 février 2021

  • C'est magnifique!

    NAUFAL SORAYA

    16 h 03, le 16 février 2021

  • Au lieu d'acheter des bolides 4x4 pour les convois des politiciens mafieux et leurs sbires, il aurait été mieux de payer ces héros et de leur donner les équipements necessaires...

    Fadi Chami

    13 h 46, le 16 février 2021

  • Bravoooo vous êtes extraordinaires ! C’est vous qui devriez être ministre et membres des affaires sociales. En fait si les libanais font un renversement politique la société civile est tout à fait prête et à même de s’occuper de toutes les affaires de l’état

    Khoury-Haddad Viviane

    09 h 04, le 16 février 2021

  • Un "Bravo" et un "merci" ne suffisent pas, bien sûr, mais ils sont tout de même bien mérités.

    Yves Prevost

    07 h 20, le 16 février 2021

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