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Société - Explosions du port

« Tout nous rappelle le drame du port en permanence »

Pour les pompiers de Beyrouth, les fêtes ont un goût amer. Durement éprouvés par la tragédie du 4 août qui a fait plusieurs morts dans leurs rangs, ils n’ont toujours pas accès aux dons qui leur parviennent de l’étranger, et ce en raison des méandres de la bureaucratie.


« Tout nous rappelle le drame du port en permanence »

Les photos des 10 pompiers tombés lors des explosions collées sur un des véhicules. Photos João Sousa

Depuis la catastrophe du port de Beyrouth, le 4 août dernier, Élias Akl, pompier de 33 ans à la caserne de la Quarantaine, ne porte plus que la chemise de son collègue et ami Ralph Mallaha, 24 ans. Le nom de Ralph, mort dans les explosions alors qu’il tentait d’éteindre l’incendie qui s’était déclaré dans le hangar n° 12, est brodé sur l’uniforme. Une façon, pour Élias, de perpétuer le souvenir d’un de ses meilleurs amis. « Je suis certes plus âgé que lui, mais Ralph n’était pas seulement un collègue, c’était un ami très proche. Nous partagions la même chambre dans la caserne », confie Élias à L’Orient-Le Jour. Pour les pompiers de Beyrouth, les fêtes ont un goût amer. « Tout me rappelle le drame en permanence. On voit les portraits de nos camarades partout dans la caserne. J’espère qu’on saura la vérité sur ce qui s’est passé, mais je doute que cela puisse arriver », soupire Élias. « Nous n’avons pas encore pu nous y faire. Nous avons certes repris le travail, mais je ne pense pas que nous parviendrons à retrouver notre train de vie d’avant », reconnaît-il.

Élias Akl, pompier de 33 ans, porte désormais l’uniforme d’un de ses camarades mort le 4 août.

Les pompiers de la Quarantaine sont les premiers à s’être rendus sur les lieux en ce funeste 4 août, en raison de leur proximité avec le port. Dépêchés sur place pour éteindre, au départ, un simple incendie, ils ne se doutaient pas de la catastrophe qui allait suivre quelques minutes plus tard, avec l’explosion de plus de 2 000 tonnes de nitrate d’ammonium.

« Je n’oublierai jamais ce 4 août. Je venais à peine de rentrer chez moi lorsque je reçois un appel de la caserne qui me dit qu’il y a un grand incendie dans le port », raconte le colonel Nabil Khankarli, directeur des lieux, à L’OLJ. « Nous avons rapidement envoyé 10 de nos pompiers. Sur place, ces derniers ont constaté que l’incendie était énorme, ils ont alors demandé des renforts, et c’est cet appel qui a sauvé leurs camarades », poursuit-il. « Ces derniers se préparaient à monter dans les véhicules lorsque les explosions ont eu lieu. S’ils étaient restés dans les locaux, ils auraient également péri », souligne le colonel Khankarli.

Le colonel Nabil Khankarli, directeur de la caserne de la Quarantaine. Photo João Sousa

Vingt-cinq jours de recherches

Conscient de l’ampleur du traumatisme parmi ses hommes, le colonel admet que les soldats du feu « n’ont pas encore dépassé la tragédie ». « Il y a en permanence des choses qui nous rappellent ce qui s’est passé », lance-t-il. Le colonel assure par ailleurs qu’une ONG a proposé d’offrir un soutien psychologique aux pompiers qui le souhaitaient. Certains d’entre eux auraient accepté de suivre une thérapie. Pour les soldats du feu, un des moments les plus difficiles a été les recherches pour trouver les dépouilles mortelles de leurs camarades ensevelis sous les décombres. « Les deux premiers jours qui ont suivi la catastrophe, nous n’avons réussi à extraire aucune des dépouilles mortelles de nos camarades », raconte le colonel Khankarli. « Nous avons retrouvé le corps de notre collègue Sahar Farès en premier. Une semaine plus tard, nous avons commencé à retrouver les restes des autres pompiers. Nous avons pu les identifier grâce aux tests ADN », ajoute le militaire. « La recherche des corps de nos camarades a nécessité 25 jours en tout. Nous avons conseillé à leurs familles de ne pas ouvrir les cercueils, leurs dépouilles étant déchiquetées. Il y a même un hôpital qui nous a contactés, deux mois après le drame, après avoir identifié certains restes comme appartenant à un de nos camarades. Or, ce dernier avait déjà été inhumé », poursuit-il.

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Élie Astour, pompier de 26 ans, dit avoir vécu « un choc énorme ». « Je pense que nous n’arrivons toujours pas à réaliser ce qui s’est vraiment passé », confie le jeune homme qui se trouvait à la caserne au moment du drame et qui a été légèrement blessé aux jambes. « On pense tout le temps à nos collègues décédés. Les premières semaines, on parlait d’eux en permanence. On se rappelait de ce qu’on faisait ensemble, raconte Élie. Nous avons vécu des moments très difficiles, cela se passe mieux maintenant car il faut que la vie continue. »

Les dégâts sont énormes à la caserne de la Quarantaine. Photo João Sousa

Régression de 50 ans...

Le bâtiment qui abrite la caserne porte encore les stigmates du drame. Presque entièrement détruite par les déflagrations, la bâtisse est aujourd’hui en train d’être reconstruite petit à petit grâce aux volontaires de l’ONG Offre-Joie qui ont déjà réhabilité plusieurs quartiers de la capitale. À l’étage, la plupart des murs s’étaient effondrés et le contenu des chambres a été détruit. Des traces de sang sont encore visibles sur certains murs. Toutes les archives de la caserne sont entassées dans une des salles épargnées par les déflagrations. Le matériel des pompiers a, lui, subi d’énormes dégâts.

Des traces de sang peuvent encore être aperçues sur les murs de la caserne. Photo João Sousa

« Nous nous sommes réorganisés très vite après les explosions et nous sommes opérationnels aujourd’hui, mais nous avons besoin de beaucoup de choses, confie le lieutenant Georges Kachi. Il nous faut des casques, des tenues, des bombes d’oxygène, des lampes-torches, des cordes... ». Les pompiers de Beyrouth ont reçu des tenues usagées offertes par le Canada, mais leurs besoins sont énormes, d’autant que quatre de leurs véhicules, dont leur ambulance la plus neuve, ont été détruits lors des explosions. Le colonel Khankarli confie pour sa part que « les dégâts matériels ont fait régresser la caserne de 50 ans ». « Les autorités ne nous ont pas aidés à remplacer le matériel endommagé. Depuis les explosions, nous manquons de beaucoup de choses. Plusieurs de nos véhicules ont été endommagés alors qu’ils étaient déjà vieux à la base », soupire-t-il.

Le lieutenant Georges Kachi examine les archives sauvées après les explosions. Photo João Sousa

Après le drame, l’Italie a fait don de 10 véhicules aux soldats du feu. La France leur a également offert deux véhicules, une ambulance et deux voitures tout-terrain, sauf que ces véhicules sont toujours bloqués au port, victimes des méandres de la bureaucratie. « Les véhicules reçus n’ont pas encore pu être utilisés. Ils fonctionnent au mazout et, depuis quelques années, il faut une autorisation spéciale du gouvernement pour rouler au mazout », déplore le militaire. « Sauf que je suis prêt à sortir ces véhicules du port sans respecter les procédures s’il y a des vies humaines à sauver », assure-t-il.

Depuis la catastrophe du port de Beyrouth, le 4 août dernier, Élias Akl, pompier de 33 ans à la caserne de la Quarantaine, ne porte plus que la chemise de son collègue et ami Ralph Mallaha, 24 ans. Le nom de Ralph, mort dans les explosions alors qu’il tentait d’éteindre l’incendie qui s’était déclaré dans le hangar n° 12, est brodé sur l’uniforme. Une façon, pour Élias, de...

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DRAME QU,IL FAUT ELUCIDER PAR COMMENCER A NOMMER LE PROPRIETAIRE BIEN CONNU WORLDWIDE DU NITRATE.

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 23, le 24 décembre 2020

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Commentaires (1)

  • DRAME QU,IL FAUT ELUCIDER PAR COMMENCER A NOMMER LE PROPRIETAIRE BIEN CONNU WORLDWIDE DU NITRATE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 23, le 24 décembre 2020

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