Les funérailles multireligieuses en hommage à l'intellectuel et militant Lokman Slim, assassiné la semaine dernière au Liban-Sud, ont suscité une polémique jeudi sur les réseaux sociaux, des chrétiens et des musulmans proches du Hezbollah critiquant avec virulence la cérémonie.
Le chercheur et essayiste, un Libanais musulman chiite engagé en faveur de la laïcité et de la démocratie et fervent opposant au Hezbollah, avait été longtemps critiqué et menacé pour ses prises de positions. Il a été retrouvé mort le 4 février, tué de plusieurs balles dans la tête et le dos. Durant l'hommage qui lui a été rendu jeudi, des passages du Coran ont été lus et des hymnes chrétiens entonnés par des représentants des deux grandes communautés du pays. Si de nombreux Libanais ont salué cette cérémonie comme une expression de la coexistence interreligieuse, les partisans chrétiens et musulmans du Hezbollah et de son allié le Courant patriotique libre (CPL, parti du président chrétien Michel Aoun) ont critiqué la commémoration.
Ali el-Khalil, le récitateur chiite qui a lu le Coran pendant l'hommage, a même dû s'excuser publiquement après avoir été attaqué sur les réseaux sociaux par des partisans du Hezbollah. "Je m'excuse auprès de tous mes frères et soeurs", a déclaré l'homme dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux. "Je n'aurais pas dû (...) me mettre dans une posture qui suscite la suspicion." "Mon orientation (politique) est connue", a-t-il dit en référence à son soutien au Hezbollah.
أسرع سحسوح بالعالم ، اسرع من الصوت !
— علاء (@alaa86ala) February 11, 2021
الشيخ عم يعتذر !#لبنان pic.twitter.com/Xt7uDMG9U2
Des militants ont vu dans ses excuses une preuve supplémentaire de la pression exercée par le parti chiite sur ses dissidents mais aussi sur ses sympathisants. "Ils (le Hezbollah, ndlr) l'ont fait s'excuser parce qu'il avait prié pour Lokman Slim", pouvait-on lire sur la page Facebook du site BlogBaladi. "Même le récitateur du Coran a été menacé et accusé de traîtrise et s'est alors excusé!", a de son côté dénoncé la journaliste de Sky News Arabia, Larissa Aoun, sur son compte Twitter.
La cérémonie célébrée dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du parti chiite, a rassemblé de nombreux amis, intellectuels, journalistes et diplomates, dont l'ambassadrice américaine Dorotha Shea.
Les partisans du CPL sont également montés au créneau pour dénoncer la lecture d'hymnes chrétiens. "C'est une hérésie claire et une insulte au sacré", a lancé sur Twitter un homme se présentant comme un partisan du CPL. "Les rituels chrétiens dictent que les hymnes du Vendredi saint soient entonnés exclusivement lors de funérailles de chrétiens", a-t-il argué. L'archevêché maronite de Beyrouth a également réagi à cette polémique en affirmant que le prêtre qui a entonné les cantiques chrétiens aux funérailles ne lui était pas affilié. "Après avoir reçu plusieurs appels condamnant le chant religieux par un prêtre lors des obsèques du militant et intellectuel Lokman Slim, l'archevêché tient à préciser que ce prêtre ne lui est pas affilié, et que l'évêque Boulos Abdel Sater ne l'a pas chargé de le représenter à la cérémonie", peut-on lire dans le communiqué publié dans la soirée.
Ceux qui ont critiqué le prêtre avec virulence n'ont condamné l'assassinat de Lokman Slim, quand ils l'ont fait, que du bout des lèvres.
10 h 30, le 13 février 2021