Certes, le calme est revenu à Tripoli, après les actes de violence qui ont secoué la ville la semaine dernière. Mais la tension reste palpable et les forces de l’ordre renforcent leur présence autour du sérail et d’autres bâtiments officiels. Aussi bien pour les Tripolitains que pour les militaires et les responsables, l’alerte a été chaude et, selon plusieurs rapports sécuritaires, ce qui s’est passé dans la nuit de mercredi à jeudi derniers, lorsque le siège de la municipalité a été incendié, n’était pas une simple expression de la colère populaire.
D’ailleurs, l’enquête se poursuit avec les 18 personnes arrêtées, dont trois Syriens et un Palestinien. À ce stade, il semblerait qu’un plan grave était en préparation dans la capitale du Liban-Nord. Certes, selon les premières investigations, une partie des personnes arrêtées et interrogées aurait agi à la demande de certaines parties locales que l’enquête refuse encore de dévoiler, chacune voulant envoyer un message politique aux responsables. Mais d’autres seraient carrément impliquées dans un plan plus grave lié au terrorisme. Selon des sources sécuritaires, certaines personnes interrogées auraient révélé une collusion avec des groupes extrémistes proches de Daech (acronyme arabe du groupe État islamique). C’est d’ailleurs sur la base de ces révélations que l’armée a effectué hier des arrestations à Ersal, dans le but de démanteler un réseau chargé de relancer les attaques terroristes au Liban. Selon les sources précitées, ce plan serait en harmonie avec la redynamisation de Daech en Syrie et en Irak. Il s’agirait donc en quelque sorte de pousser cette organisation à reprendre ses activités dans toute cette région. Ce qui s’est passé la semaine dernière à Tripoli s’inscrirait ainsi, en partie, dans ce cadre, même si ce ne sont pas les extrémistes qui auraient déclenché les manifestations de protestation. Ils se seraient contentés de profiter de la colère populaire pour lancer des attaques contre les bâtiments officiels et contre les symboles de l’État au Liban-Nord. Toujours selon les premières investigations, il semblerait que le projet de transformer Tripoli et le Nord en général en base arrière des groupes terroristes qui voudraient reprendre leurs activités en Syrie soit redevenu d’actualité. D’autant que le niveau de pauvreté et de misère dans la ville ainsi que l’affaiblissement des institutions étatiques dû aux divisions internes et à l’impossibilité de former un gouvernement constituent un facteur favorable à la propagation des thèses extrémistes. De plus, l’absence d’un leadership clair et unifié à Tripoli permet aux groupes extrémistes de s’infiltrer au sein de la population et d’y consolider leur influence auprès des habitants qui se sentent abandonnés de tous. Bien entendu, à ce stade, cette influence reste limitée et la grande majorité de la population de Tripoli et du Nord n’est pas sensible aux thèses extrémistes. Mais dans la situation actuelle de crise sociale extrême, les groupes terroristes peuvent plus facilement trouver des oreilles réceptives.
Toujours selon les rapports sécuritaires, l’objectif du regain d’activités des groupes extrémistes n’est pas encore clair et plusieurs scénarios sont évoqués. L’un d’eux évoque une volonté de créer un lien entre les groupes extrémistes en Syrie et ceux au Liban pour prendre en tenailles les forces du régime syrien et faire de Tripoli et du nord du Liban un bastion acquis aux forces de l’opposition syrienne.
Un autre scénario va plus loin. Même s’il ne s’agit encore que d’une éventualité, il évoque la possibilité de créer à Tripoli et au Nord une force sunnite armée capable de faire l’équilibre avec le Hezbollah chiite. Cette force serait formée de Libanais et de Syriens unis dans leur détermination à affronter le Hezbollah, ou en tout cas à limiter son extension. Ce serait en quelque sorte une réédition de l’expérience du cheikh salafiste Ahmad el-Assir qui avait, pendant près de trois ans (entre 2012 et 2015, date de son arrestation), tenté de créer une force sunnite pour faire face au Hezbollah à Saïda et au sud du Liban en général. D’ailleurs, il avait réussi, pendant un moment, à contrôler la route côtière du Sud avant d’entrer en conflit avec l’armée libanaise. Aujourd’hui encore, Ahmad el-Assir, bien qu’il soit en prison, continue d’avoir des partisans à Saïda. Ils sont certes peu nombreux et dépourvus de soutien politique et financier local ou régional, mais cela ne les empêche pas de se manifester de temps à autre.
Dans ce contexte de tension, de misère et d’absence de visibilité, toutes les hypothèses deviennent possibles, même si la géographie du Nord n’est pas celle du Sud, étant plus directement liée à celle de la Syrie qu’aux régions à population majoritairement chiite.
En tout état de cause, les forces de sécurité ont décidé de ne prendre aucun scénario à la légère et de renforcer la coordination entre elles pour parer à toute éventualité. Certes, le projet de former une force militaire sunnite pour faire face au Hezbollah a besoin de financement et de soutien régional ou international, ce qui pour l’instant ne semble pas assuré. Il ne peut donc pas être réalisé par des groupes internes sans un aval externe et rien n’indique qu’à ce stade, un tel soutien soit assuré, les pays arabes étant soit occupés par leurs propres problèmes, soit peu intéressés à investir dans un projet de ce type au Liban. Mais selon les sources sécuritaires précitées, la vigilance doit rester de mise et il est nécessaire d’étouffer dans l’œuf les possibilités d’un tel projet. D’où l’importance des investigations menées actuellement. Toutefois, de l’avis de ces mêmes sources, la meilleure protection du Liban, c’est la stabilité politique qui passe par la formation d’un gouvernement en mesure de mettre le pays sur les rails d’une sortie de crise.
commentaires (2)
quand verrons nous tout ce monde aveugle , et/ou de mauvaise foi cesser leurs analyses rocambolesques - sachant qd meme qu'ils doivent pondre "n'importe quel papier"-quand voudront ils s'avouer que les vrais extremistes, les vrais malfaisants, les vrais ennemis de notre nation sont ceux la memes que ces gens adulent, couvrent et pour qui ils trouvent les pretextes les plus mensongers a leurs crimes, pire encore chanter leurs exploits et gloire ?
Gaby SIOUFI
10 h 51, le 04 février 2021