Le calme était revenu hier à Tripoli après les violences et les actes de vandalisme qui ont notamment marqué la journée et la soirée de jeudi. La folie furieuse qui s’est emparée de la ville a laissé ses empreintes sur plusieurs bâtiments officiels incendiés ou saccagés, comme le bâtiment municipal historique, le Sérail ou encore le siège du tribunal chérié. Au moins cinq personnes parmi les auteurs présumés des actes de vandalisme ont été arrêtées par les agents de l’ordre, dont certaines ne seraient pas libanaises. Les responsables de sécurité ont tenu une réunion sous la présidence du ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, pour discuter des émeutes des derniers jours et évaluer la coordination entre les différents services de sécurité, point sur lequel M. Fahmi a insisté. Mais il en fallait beaucoup plus pour calmer l’indignation des personnalités politiques et religieuses sunnites, qui ont vu dans ce qui s’est passé dans la capitale du Liban-Nord des tentatives d’exploiter la misère des gens à des fins politiques, liées notamment à l’épreuve de force engagée autour du dossier gouvernemental. Elles sont mêmes allées jusqu’à dénoncer « un crime organisé ».
Cette prise de position, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, l’a exprimée dans un communiqué publié jeudi tard dans la nuit. « Ce qui s’est passé ce soir (jeudi à 23 heures) est un crime organisé dont sont responsables tous ceux qui ont conspiré pour secouer la stabilité de la ville, et brûler ses institutions et sa municipalité », a déploré le leader du Futur, dont Tripoli est considérée comme l’un des plus importants fiefs. Pour Saad Hariri, les auteurs de ces actes « n’appartiennent pas à Tripoli ». Il s’en est ouvertement pris à l’armée, l’accusant d’avoir « manqué à son devoir », et s’est posé la question de savoir « pourquoi les forces régulières sont restées les bras croisés lors des incendies perpétrés contre la municipalité et le Sérail de Tripoli au lieu d’essayer de les empêcher ». Il s’agit d’une des rares fois où le leader du Futur décoche ses flèches en direction de l’institution militaire, en dépit de son discours politique principalement axé sur l’édification d’un État de droit doté d’une armée forte.
« Il est évident que l’institution militaire n’a pas accompli ses devoirs jeudi soir », défend Moustapha Allouche, vice-président du Futur. Dans une déclaration à L’Orient-Le Jour, il se demande s’il n’y avait pas un mot d’ordre qui aurait empêché l’armée d’agir. « Nous ne saurons les véritables motifs de ces agissements que si l’État arrête les instigateurs », dit-il.
Autosécurité
Le Premier ministre sortant Hassane Diab s’est, lui, engagé, dans une déclaration à la presse, à identifier les auteurs de ces actes de vandalisme. Il a sans ambages estimé que la violence des trois derniers jours à Tripoli « devait servir à faire passer des messages politiques », sans donner plus de précisions. M. Diab avait exprimé une position similaire il y a quelques jours, estimant que les échauffourées dans cette ville n’ont rien à voir avec les demandes de la « révolte de la faim ».
Quoi qu’il en soit, le commandement de l’armée a répondu aux accusations de Saad Hariri. Dans un communiqué, il a fait savoir que la troupe a été déployée à Tripoli dans la journée de jeudi et a arrêté des individus soupçonnés d’avoir pris part aux affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.
Il n’en demeure pas moins que les responsables de la ville ont commencé à évoquer la possibilité d’un recours à l’autosécurité. C’est ce qui ressort notamment des propos de Nagib Mikati, ex-Premier ministre et un des notables de Tripoli, interrogé par la chaîne al-Jadeed. « Nous parions toujours sur les institutions militaires. Mais si l’armée ne parvient pas à nous protéger, nous serons contraints d’assurer notre propre sécurité », a-t-il tonné, appelant à l’accélération du processus gouvernemental.
Un communiqué allant dans le même sens a été publié hier aussi par les quatre anciens Premiers ministres, Saad Hariri, Nagib Mikati, Fouad Siniora et Tammam Salam. « Les rancuniers et les individus stipendiés exploitent les manifestations populaires, profitant de la colère des gens pour provoquer une discorde entre Tripolitains », ont-ils lancé à l’issue d’une réunion tenue à distance. Et les anciens chefs de gouvernement d’assurer que la capitale du Liban-Nord ne restera pas les bras croisés face « à une atteinte motivée, dans la forme, par la crise sociale, mais qui, dans le fond, tend à entraver la formation du gouvernement ».
Les ex-Premiers ministres laissaient ainsi entendre que les actes de violences observés dans un grand fief de la formation haririenne sont un message au Premier ministre désigné pour former son équipe le plus rapidement possible, conformément aux conditions que tentent de lui imposer ses détracteurs, à savoir le camp du président de la République.
Les autorités religieuses aussi
À leur tour, les autorités religieuses sunnites ont stigmatisé une éventuelle exploitation politique de la misère de Tripoli de la part de certains individus qui n’en sont pas issus. C’est notamment le cas du mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane. Dans une déclaration, il a assuré que « les Tripolitains ne peuvent pas brûler leur ville ». « Il y a des criminels qui veulent secouer la sécurité, profitant des besoins des gens et de leur chômage », a-t-il estimé, appelant lui aussi à la formation rapide d’un nouveau cabinet.
De son côté, le mufti de Tripoli, Mohammad Imam, a présidé une réunion regroupant les personnalités et notables de la ville. Il en a profité pour entrer en contact par téléphone avec le président de la République, Michel Aoun, et le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, insistant sur la préservation de la sécurité de la ville.
commentaires (4)
QU'EST CE QU'ILS ONT RÉALISÉ TOUS CES MILIARDAIRES POUR TRIPOLI POUR QU'ON SOI AGRESSÉ PAR LEURS PORTRAITS AU LONG DES ANNÉES, DES ULTRAS POSTERS DE 100 MÈTRES DE HAUTEUR PRESQUE FIXÉS SUR LES IMMEUBLES AUX CENTRES VILLES ET AU LONG DES ROUTES ET AUTOROUTES. DES POLLUTIONS VISUELS À COUPER LE SOUFLE ET DONNER LE NOSÉ. ? RIEN.
Gebran Eid
19 h 51, le 30 janvier 2021