Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Éclairage

Washington entame un réajustement de sa diplomatie dans le Golfe

Les États-Unis ont annoncé la suspension de ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats, mais ce gel peut ne pas être définitif. 

Washington entame un réajustement de sa diplomatie dans le Golfe

Un avion de chasse furtif F-35 américain. Christophe Archambaut/AFP

Une semaine seulement après la passation des pouvoirs à Washington, l’administration Biden a concrétisé ses engagements de réajustement diplomatique en infligeant un coup, qui peut encore être tout relatif, aux anciens alliés privilégiés du président sortant Donald Trump dans le Golfe. Le département d’État américain a ainsi annoncé mercredi la suspension temporaire des ventes d’armes en cours à Riyad et Abou Dhabi, parmi lesquelles des munitions de précision promises à l’Arabie saoudite ainsi que 50 chasseurs furtifs F-35 et 18 drones de combat aux Émirats arabes unis, dans l’objectif de « réexaminer » ces transactions et s’assurer qu’elles répondent aux « objectifs stratégiques » de Washington. Selon un porte-parole du département d’État, il s’agirait d’une « mesure administrative typique de la plupart des transitions ».

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la volonté affichée du nouveau locataire de la Maison-Blanche et de son équipe de rééquilibrer les alliances de Washington dans la région. « L’administration Biden envoie le message selon lequel il n’y a plus de traitement préférentiel dont certains dirigeants du Golfe semblaient bénéficier de la part de la Maison-Blanche sous Donald

Trump », observe pour L’Orient-Le Jour Kristian Coates Ulrichsen, spécialiste des pays du Golfe à Chatham House. « Les décisions américaines seront soumises au processus normal d’élaboration des politiques qui requiert une consultation et un examen avant tout arbitrage plutôt que la “politique sans processus” qui caractérisait souvent les prises de décision de l’administration Trump », ajoute-t-il.

Cadeau de Donald Trump

Estimé à 23 milliards de dollars, l’accord émirati conclu avec les États-Unis serait « en cours d’examen » tandis que l’accord saoudien, prévoyant la vente de munitions pour 478 millions de dollars, serait « bloqué » pour le moment. L’ambassadeur des EAU aux États-Unis, Youssef al-Otaïba, a réagi à l’annonce américaine, tout en mettant en avant la contribution de son pays à la stabilité dans la région. « À l’instar des États-Unis, (les F-35) permettent aux Émirats arabes unis de maintenir une forte dissuasion contre toute agression. Parallèlement au nouveau dialogue et à la coopération en matière de sécurité, ils contribuent à rassurer les partenaires régionaux », a-t-il déclaré sur Twitter, avant d’insister sur la collaboration américano-émiratie. « Les Émirats arabes unis ont toujours combattu aux côtés des États-Unis. Et grâce à des centaines de missions conjointes et à la participation à six efforts de la coalition dirigée par les États-Unis, nous avons appris que la clé de la coordination militaire est l’interopérabilité », a ajouté l’ambassadeur émirati. À l’heure de mettre sous presse, aucune réaction officielle n’avait été observée du côté de Riyad. La décision prise par le président Joe Biden revêt une dimension symbolique alors que la vente des chasseurs furtifs F-35 à Abou Dhabi avait été interprétée comme un cadeau de Donald Trump suite à la normalisation des relations, intervenue l’été dernier, entre les EAU et Israël sous l’égide de Washington. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a concrétisé une mesure souhaitée par les démocrates depuis plusieurs semaines alors que ces derniers avaient échoué de peu à bloquer la vente de ces avions de chasse à Abou Dhabi en décembre dernier.

Lire aussi

Pour les pétromonarchies, le risque d’un retour à l’ère Obama

Le Premier ministre israélien a indiqué hier dans une conférence de presse diffusée sur sa page Facebook que le gel des ventes d’armes américaines ne changerait rien aux liens entre son pays et les Émirats. « Nous avons dépassé le point de non-retour », a affirmé Benjamin Netanyahu. Lors de la signature des accords d’Abraham, en août dernier, ce dernier s’était fermement opposé à l’acquisition des F-35 par Abou Dhabi en vertu de l’ engagement pris par Washington, fin octobre, de maintenir la « supériorité militaire » de l’État hébreu dans la région. Israël a notamment été le premier pays, en dehors des États-Unis, à avoir un escadron entièrement composé de ces avions de chasse convoités pour leur supériorité technique dans le but premier de faire face à la menace iranienne.

Violations des droits humains

Au cours des dernières décennies, les États-Unis ont facilité des dizaines d’accords d’armes avec l’Arabie saoudite, mais ces derniers méritent un examen aux yeux de l’administration actuelle. En cause : les violations des droits de l’homme commises par la coalition menée depuis 2015 par le royaume saoudien au Yémen, dont fait partie Abou Dhabi, mais également sur plusieurs dossiers comme le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, en 2018. Depuis le début de sa campagne présidentielle, Joe Biden a fait part à plusieurs reprises de son intention de « réévaluer » la relation de Washington avec Riyad. Il y a encore une semaine, le nouveau secrétaire d’État américain, Antony Blinken, s’engageait à « mettre fin » au soutien de son pays à la « campagne militaire menée par l’Arabie Saoudite au Yémen ». Il a d’ailleurs indiqué au lendemain de la désignation des rebelles houthis, combattus par Riyad, comme organisation terroriste, le 18 janvier dernier, que cette désignation sera « réexaminée immédiatement » afin de s’assurer qu’elle « n’entrave pas l’acheminement de l’aide humanitaire ». L’administration américaine a été sous le feu des critiques après cette décision, accusée d’être responsable de la mort de Yéménites faute de pouvoir recevoir de l’aide des organisations humanitaires. Les États-Unis sont également attaqués pour vendre des armes qui se retrouvent dans les mains de la coalition responsable de bombardements sur des civils au Yémen. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), en 2017, trois armes sur cinq utilisées par la coalition provenaient des États-Unis.Mardi, le PDG de l’entreprise américaine de défense Raytheon avait déjà déclaré aux investisseurs que la société s’attendait à ce que Joe Biden suspende un accord d’armement avec un « client au Moyen-Orient » anonyme, d’une valeur de 519 millions de dollars, sans préciser s’il s’agissait de l’Arabie saoudite. Le royaume avait signé, le mois dernier, un accord avec Raytheon prévoyant l’achat de 7 500 bombes à guidage de précision. Les États-Unis sont le premier gros fournisseur d’armes de l’Arabie saoudite. Toujours selon le Sipri, 73 % des importations d’armes saoudiennes provenaient de Washington entre 2015 et 2019. Si la suspension aboutit à l’arrêt des ventes d’armes américaines à Riyad et Abou Dhabi, ces derniers pourraient considérer l’achat d’armes russes ou chinoises, note Dania Thafer, directrice exécutive de l’institut Gulf International Forum (GIF), basé à Washington, interrogée par L’Orient-Le Jour. La marge de manœuvre de Washington trouve cependant des limites alors qu’il ne peut pas complètement se mettre à dos Riyad, son allié principal dans la région. « À ce stade, il est prématuré de penser aux conséquences. Ce n’est pas un changement de politique mais une suspension pour examiner les accords », insiste-t-elle.


Washington reviendra dans l’accord nucléaire seulement si Téhéran respecte d’abord ses engagements
Les États-Unis ne reviendront dans l’accord nucléaire iranien signé en 2015 qu’une fois que l’Iran aura renoué avec ses engagements dont il s’est affranchi, ce qui « prendra un certain temps », a prévenu mercredi le nouveau chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. « L’Iran a cessé de respecter ses engagements sur plusieurs fronts. Cela prendra un certain temps, s’il prend cette décision, de revenir dans les clous, et il faudra aussi du temps pour que nous puissions évaluer s’il respecte ses obligations. Nous en sommes loin, c’est le moins que l’on puisse dire », a-t-il déclaré lors de sa première conférence de presse. « Ensuite, nous utiliserions cela comme un point de départ pour bâtir, avec nos alliés et partenaires, ce que nous avons appelé un accord plus durable et plus fort, pour gérer plusieurs autres sujets qui sont très problématiques dans la relation avec l’Iran », a-t-il réaffirmé. Alors que les États-Unis sont sortis de l’accord en 2018 sous l’ancienne administration de Donald Trump, Téhéran exige que Washington fasse le premier pas et lève les sanctions américaines avant toute chose, laissant présager des tractations ardues. Antony Blinken est toutefois resté vague sur la manière dont il envisage de résoudre ce casse-tête. Il s’est entretenu mercredi avec ses homologues français, britannique et allemand, très attachés à l’accord iranien.
Une semaine seulement après la passation des pouvoirs à Washington, l’administration Biden a concrétisé ses engagements de réajustement diplomatique en infligeant un coup, qui peut encore être tout relatif, aux anciens alliés privilégiés du président sortant Donald Trump dans le Golfe. Le département d’État américain a ainsi annoncé mercredi la suspension temporaire des ventes...

commentaires (3)

Noooooon ! Ils ont signé "la paix" pour rien >:(

Gros Gnon

16 h 39, le 29 janvier 2021

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Noooooon ! Ils ont signé "la paix" pour rien >:(

    Gros Gnon

    16 h 39, le 29 janvier 2021

  • DES RETOUCHES DU RIEN ET RIEN QUE POUR LA FORME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 46, le 29 janvier 2021

  • """. la suspension de ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats, mais ce gel peut ne pas être définitif.""" A MOINS D'UNE DOCTRINE BIDEN, HERITIERE DE CELLE DE OBAMA POUR QUI LES ARABES DOIVENT S'INCLINER DEVANT L'IRAN APRES L'AVOIR FAIT DEVANT ISRAEL.

    Gaby SIOUFI

    11 h 16, le 29 janvier 2021

Retour en haut