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Société - Explosions du port

Le barreau de Beyrouth prend de vitesse la société « Savaro » et épingle son rôle ambigu

La compagnie au propriétaire fantôme nie toute activité; le destinataire mozambicain FEM l’identifie formellement comme la société à laquelle il a acheté le nitrate d’ammonium.

Le barreau de Beyrouth prend de vitesse la société « Savaro » et épingle son rôle ambigu

Après l’explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Archives AFP

Prenant les devants dans une enquête aux ramifications insoupçonnées, le barreau de Beyrouth a demandé aux autorités britanniques de refuser la demande de liquidation volontaire d’une société enregistrée au Royaume-Uni, la compagnie Savaro, en raison de ses liens possibles avec la double explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth, a affirmé hier à L’OLJ Me Joseph Lahoud, chargé par l’ordre des avocats du suivi de cette affaire.

Dans une lettre du 25 janvier adressée à Margaret Hodge, députée britannique et ancienne ministre qui a dirigé la commission parlementaire des Affaires publiques entre 2010 et 2015, l’ordre des avocats de Beyrouth (OAB) demande au registre des sociétés britanniques (« Companies House ») d’empêcher la société Savaro Ltd., qu’il décrit comme étant « une entité mise en examen », d’être liquidée afin de permettre la poursuite des enquêtes sur son rôle éventuel dans le drame du port, notamment en ce qui concerne les indemnités qu’elle pourrait être amenée à payer aux victimes. Cette tragédie nationale, causée de l’aveu des autorités par le stockage sans mesures de précaution de plus de 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium, a fait 208 morts, des milliers de blessés et défiguré des quartiers entiers de la capitale.

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L’OAB est en effet mandaté par non moins de 1 400 plaignants, victimes de la double explosion, pour défendre leurs droits devant les tribunaux. En outre, l’ordre s’est pourvu partie civile lui-même, a précisé M. Lahoud, et c’est en cette qualité qu’il a pu avoir accès aux détails de l’enquête officielle.

Selon l’agence Reuters, il est affirmé dans la lettre de l’OAB, signée par son président Melhem Khalaf, que la compagnie Savaro a été inculpée par le juge libanais chargé de l’enquête, et que l’autoriser à être liquidée « avant la fin de la procédure judiciaire permettrait à une entité mise en examen d’échapper à la justice ».

Selon des sources citées par Reuters, l’enquête aurait établi que Savaro a servi d’intermédiaire entre la compagnie productrice du nitrate d’ammonium, en Géorgie, et l’acheteur FEM, identifié comme étant la société importatrice de cette matière pouvant servir en tant qu’engrais mais également à la fabrication d’explosifs, enregistrée au Mozambique. Pour sa part, l’acheteur FEM a formellement identifié Savaro comme la société à laquelle il a acheté le nitrate d’ammonium, assure Reuters.

L’enquête cherche donc à déterminer quelle part de responsabilité assume Savaro dans le déchargement au Liban de la cargaison, transportée par le navire Rhosus, plutôt que dans le pays de destination initial, le Mozambique, et s’il y a « complicité, mauvaise foi ou simple négligence » à ce niveau, précise Me Lahoud.

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De son côté, Marina Psyllou, la femme répertoriée auprès de Companies House comme propriétaire de Savaro, a refusé de répondre à Reuters, qui lui a demandé de commenter la lettre adressée par M. Khalaf à Mme Hodge. À l’agence, Mme Psyllou avait déclaré la semaine dernière qu’elle agissait en tant qu’agent de Savaro au nom d’un autre bénéficiaire effectif, dont elle ne pouvait pas révéler l’identité. Et d’ajouter que Savaro Ltd « n’a jamais eu d’activité à ce jour », rapporte Reuters. « La compagnie, depuis qu’elle s’est enregistrée, est restée inactive, sans aucune transaction ou autre activité, ni de comptes en banque, car le projet auquel elle était dédiée n’a jamais été réalisé », a expliqué Mme Psyllou, sans toutefois fournir d’informations sur le projet de la société.

Ces allégations sont bien entendu contestées par l’OAB. La lettre adressée par l’ordre à la parlementaire britannique assure en effet que le nom et l’adresse de Savaro « figuraient sur des documents en sa qualité d’acheteur de la cargaison de nitrate d’ammonium à haute densité qui a finalement explosé en août 2020 ».

Autres détails de l’enquête

Sur le plan national, l’enquête sur l’explosion du 4 août est toujours en veilleuse, en attendant que la chambre spéciale de la Cour de cassation se prononce sur l’exception d’incompétence soulevée contre le juge Fadi Sawan par les deux ministres et députés Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter. Le juge comptait les interroger comme inculpés en leurs qualités respectives d’anciens ministre des Finances et ministre des Transports responsables du stockage illégal du nitrate d’ammonium au port. Depuis, l’enquête est au point mort, d’abord en raison des délais de notification aux intéressés des motifs de l’exception d’incompétence, ensuite en raison des congés liés aux fêtes de fin d’année, et aujourd’hui, en raison des dispositions liées au confinement total. Certes, convient l’avocat, en droit pur, M. Sawan aurait pu poursuivre son enquête, mais il a choisi sa suspension provisoire « par souci éthique ». On sait que la Chambre des députés doit approuver, par une procédure spéciale, la levée de l’immunité des deux députés et anciens ministres, avant qu’ils puissent être déférés en justice.

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Enfin, au sujet des trois hommes d’affaires syriens dont le journaliste d’investigation Firas Hatoum a révélé l’existence dans cette affaire, Me Lahoud précise que l’enquête privée a permis d’établir « qu’ils étaient en rapport soit avec la société Savaro, soit avec l’établissement bancaire qui finançait la compagnie », mais que leur responsabilité dans l’introduction au Liban de la matière explosive « n’est pas encore établie ». Les trois hommes, proches du régime syrien, sont syro-russes. Il s’agit de George Haswani (Hesco Engineering and Construction), Imad Khoury (IK Petroleum Industrial Company Limited) et Moudallal Khoury.

Prenant les devants dans une enquête aux ramifications insoupçonnées, le barreau de Beyrouth a demandé aux autorités britanniques de refuser la demande de liquidation volontaire d’une société enregistrée au Royaume-Uni, la compagnie Savaro, en raison de ses liens possibles avec la double explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth, a affirmé hier à L’OLJ Me Joseph Lahoud,...

commentaires (8)

La vērité est que le mécanisme le plus probable de cette transaction criminelle est simple: Hizb-Allah procure la demande d'achat des explosifs, a travers ses contacts en Afrique Les Syriens commande, paye, transporte, via la Mafia Russe Hizb-Allah s'occupe de la gestion en gros et a la piece. Il ne faut OUBLIER, que les 2750 tonnes, ne sont pas les seuls! Le Journal a publier que l' Armée Libanaise a détruit 520 tonnes, sans dire où ils étaient. Ce commerce a du être en place, indépendamment des 2750 tonnes.

Joseph Bouchi

19 h 03, le 28 janvier 2021

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Commentaires (8)

  • La vērité est que le mécanisme le plus probable de cette transaction criminelle est simple: Hizb-Allah procure la demande d'achat des explosifs, a travers ses contacts en Afrique Les Syriens commande, paye, transporte, via la Mafia Russe Hizb-Allah s'occupe de la gestion en gros et a la piece. Il ne faut OUBLIER, que les 2750 tonnes, ne sont pas les seuls! Le Journal a publier que l' Armée Libanaise a détruit 520 tonnes, sans dire où ils étaient. Ce commerce a du être en place, indépendamment des 2750 tonnes.

    Joseph Bouchi

    19 h 03, le 28 janvier 2021

  • On ne saura jamais la vérité .......

    Eleni Caridopoulou

    16 h 34, le 28 janvier 2021

  • Dans un pays délaissé par son gouvernement et ses dirigeants tel un navire abandonné en mer par son capitaine et ses marins et qui sombre peu à peu dans l’abîme, la rescousse ou du moins la tentative de résolution de l’un des événements mystérieux et meurtriers que notre pays - et plus précisément notre capitale - a subi, à savoir l’explosion mortelle et traumatisante du port de Beyrouth, vient non pas des autorités du pays ni d’un organisme mondial mandaté par le gouvernement libanais ou par l’ONU mais du Barreau de Beyrouth et quelques rares journalistes courageux qui osent s’aventurer sur le chemin dangereux de la vérité au risque de leur vie. Saluons leur « courage de chercher la vérité et de la dire » pour reprendre les mots de Jean Jaurès.

    Hippolyte

    13 h 23, le 28 janvier 2021

  • Le jour où cette Madame Psylou se retrouvera derrière les barreaux pour complicité et entrave à la justice elle crachera le morceau. Il faut que la, justice utilise tous les moyens en sa possession pour contourner les leurres des assassins qui se croient intouchables parce qu’ils se cachent derrière des mercenaires moyennant salaires ou menaces de mort.

    Sissi zayyat

    12 h 07, le 28 janvier 2021

  • ouf....tous des criminels...pendaison!

    Marie Claude

    08 h 46, le 28 janvier 2021

  • Bravo aux journalistes d'investigation qui nous revelent des choses que nos politiciens vereux veulent sciemment nous cacher

    Goraieb Nada

    08 h 17, le 28 janvier 2021

  • AVEC LES SOCIETES LTD OFFSHORES AU CAPITAL DE 100 DOLLARS OU 100 STERLINGS C,EST UNE PERTE DE TEMPS. LE PROPRIETAIRE ET UTILISATEUR DU NITRATE ET AUTRES PRODUITS CHIMIQUES EST BIEN CONNU INTERNATIONALEMENT. COMMENCEZ PAR LA TETE ET NON PAR LA QUEUE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 24, le 28 janvier 2021

  • C’est louche cette histoire. Il faudrait aussi creuser le lien avec la raison qui a fait entrer le Rhosus au port de Beyrouth. Ce n’est certainement pas par hasard. Quel était ce cargo supplémentaire, à qui appartenait-il, et surtout comment le propriétaire ou commanditaire du bateau en a-t-il eu vent juste au moment où le Rhosus est passé au large de nos côtes, et pourquoi il a pris la décision d’envoyer le Rhosus le récupérer tout en sachant qu’il ne pourrait pas l’embarquer. En effet le Rhosus était certifié pour embarquer 1900 tonnes, et il était déjà chargé de près de 3000 tonnes... Bizarre, non?

    Gros Gnon

    01 h 40, le 28 janvier 2021

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