Sur les réseaux sociaux, un même hashtag a été partagé ces derniers mois par plusieurs ressortissants iraniens pour décrire les joies de leur nouvelle vie à l’étranger. Sous le hashtag « #Normal_life », des Iraniens vivant désormais aux États-Unis ou dans un pays voisin de l’Iran, comme la Turquie, n’hésitent pas à dénoncer la détérioration de la situation politique et économique de la République islamique et la comparer à celle du pays dans lequel ils ont trouvé résidence. Des Iraniens vivant toujours dans le pays se sont également accaparés le mot-clé : « #Normal_life. Cela signifie une paix insouciante. Bien sûr, dans ce pays, c’est impossible », « Cela signifie que tu te lèves le matin, que tu sors et que tu peux t’habiller comme tu veux », écrivent des internautes sur Twitter.
Depuis plusieurs décennies, des milliers d’Iraniens ont quitté leur pays pour élire domicile en Turquie. Selon le rapport « Iran Migration Outlook 2020 », publié par le gouvernement iranien, le nombre de migrants iraniens dans le monde en 2019 était estimé à 1,93 million sur les près de 82 millions d’habitants que compte la République islamique. Mais des estimations non officielles rapportent qu’ils seraient en réalité proches de 3 millions, parmi lesquels 67 000 vivraient en Turquie, l’un des 5 pays où ces derniers peuvent voyager sans visa. « Beaucoup fuient l’Iran pour la Turquie parce que les Iraniens n’ont pas besoin de visa pour s’y rendre. Certains d’entre eux, qui ont été actifs contre le régime, n’ont pas de passeport et s’enfuient donc illégalement vers ce pays », observe Arvin Khoshnood, spécialiste de l’Iran et enseignant à l’Université de Lund, en Suède. « Beaucoup d’entre eux sont généralement arrêtés par la police turque, ce qui les oblige à demander le statut de réfugié en Turquie », ajoute-t-il.
Parmi ces nouveaux arrivants, certains élisent résidence dans le pays et prévoient d’y rester pour de nombreuses années. Une aubaine pour Ankara, dont le programme d’investissement du pays permet à tout étranger qui achète un bien immobilier d’au moins 250 000 dollars d’acquérir la citoyenneté du pays. Un montant qui était auparavant d’un million de dollars mais qui a été abaissé en 2018, alors que la Turquie était touchée de plein fouet par la crise économique. Une opportunité toutefois réservée aux citoyens les plus aisés. Mais la Turquie n’est pas toujours la destination finale : nombreux sont les Iraniens qui s’y rendent dans l’espoir d’obtenir un visa pour un pays occidental. « Les pays européens et occidentaux n’octroient que très rarement le visa aux Iraniens. Ces derniers, en particulier les jeunes, souhaitent aller en Europe après avoir étudié ici », commente pour sa part Pejman Abdolmonhammadi, professeur adjoint principal au programme Moyen-Orient de l’Université de Trento, en Italie, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Beaucoup d’entre eux n’optent pas pour la Turquie par choix mais parce qu’ils sont obligés, parce que c’est le seul moyen de sortir du pays », ajoute-t-il.
« Mon pays voulait ma mort »
C’est parce qu’il n’avait pas le choix qu’Ashkan Haji Hosseinzadeh, originaire de la province iranienne d’Ahvaz, dans le sud-ouest du pays, l’a quittée pour la Turquie il y a 5 ans, alors qu’il était âgé de 30 ans. Le jeune homme apprend alors que son père, réfugié aux États-Unis depuis 10 ans, est recherché par les autorités du régime, mais ignore pourquoi. « En voulant trouver mon père, le régime a su que je travaillais comme modèle photo et coach de musculation et a ordonné mon arrestation », confie-t-il, avant d’ajouter : « Le mannequinat est un crime en Iran. » Ashkan est torturé et emprisonné par les forces de sécurité du pays. Après avoir été libéré, il décide de partir illégalement pour la Turquie. « J’ai fui parce que mon pays voulait ma mort », explique Ashkan, qui ajoute que sa mère, qui vit toujours en Iran, est sous la menace des autorités du pays qui souhaitent savoir où se trouve son mari.
Malgré l’espoir de vivre une meilleure vie en Turquie, Ashkan constate que les choses ne sont pas si simples. « Je travaille illégalement en cuisine où je fais la plonge, mais tout est à l’arrêt pour le moment à cause du Covid-19 », explique-t-il. Le jeune homme, qui a demandé l’aide des Nations unies, se sent abandonné par l’organisation. « L’ONU ne nous aide pas et dit qu’elle ne peut rien faire pour nous. Tout est entre les mains de la police turque, nous dit-elle », se désole Ashkan.
Les réfugiés iraniens sont autorisés à travailler uniquement dans la ville qui leur est assignée par les Nations unies. Or ce sont des « petites villes, sans opportunités de travail », selon Hamid Bolghani, patron d’un restaurant iranien à Ankara, qui emploie depuis quatre mois Afshin Saleh, 44 ans, réfugié iranien arrivé en Turquie il y a 4 ans. Alors qu’il exerçait comme tailleur à Téhéran, Afshin a reçu des menaces du régime pour avoir participé aux activités d’une église établie dans une maison. « Une fois, j’ai été emmené quelque part où j’ai dû prendre l’engagement de ne pas continuer ces activités, puis j’ai été libéré et j’ai perdu mon emploi », confie celui qui a rapidement fui pour la Turquie. « J’ai d’abord été confrontés aux problèmes de tout étranger débarquant dans un pays dont il ne maîtrise pas la langue. En plus, la ville que l’ONU m’a assignée était petite et religieuse. Il n’y avait pas de travail pour moi. Je suis alors allé à Ankara pour trouver un emploi sans autorisation », poursuit Afshin, qui est convoqué au tribunal pour avoir quitté la ville qu’on lui a assignée. Le quadragénaire vit maintenant dans de bonnes conditions et se sent surtout mieux mentalement. Il pense désormais à son avenir en Turquie avec sa femme et sa fille, âgée de 2 ans. « Nous ne nous sommes pas mariés avec ma femme en Iran à cause des mauvaises conditions sociales et économiques », explique-t-il.
Comme Ashkan et Afshin, nombreux sont ceux qui ont fui la situation politique et économique du pays, en détérioration constante ces dernières années. Le pays fait face à une hyperinflation, alors que le rial iranien perdait en 2020 près de 50 % de sa valeur par rapport au dollar. « Au cours de la dernière décennie, les conditions de vie de la population se sont aggravées et les experts (sur la base des données du régime) estiment que 50 à 70 % des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. La situation est bien pire, mais en raison de la censure sévère administrée en Iran, il est difficile d’enquêter sur des questions telles que la pauvreté », note Arvin Khoshnood.
Une situation économique fragilisée par la décision de Donald Trump, en mai 2018, de retirer les États-Unis de l’accord nucléaire iranien et d’imposer de nouvelles sanctions économiques. « La situation économique est critique, non seulement en raison de la fragilité du système économique de la République islamique, mais également des sanctions impressionnantes infligées à Téhéran depuis 2018 », observe Pejman Abdolmonhammadi.
Le flux d’Iraniens quittant leur pays pour la Turquie ou ailleurs a augmenté depuis 2018, ainsi que l’achat de biens immobiliers par des Iraniens en Turquie. Ce qui n’est pas pour plaire aux autorités iraniennes. « Les activités lucratives telles que l’importation de produits de luxe ou l’achat de biens immobiliers à l’étranger doivent être pénalisées », a ainsi déclaré le président iranien Hassan Rohani lors d’une vidéoconférence avec les membres de son cabinet.
ENCORE UNE CHANCE QU'ILS NE VIENNENT PAS CHEZ NOUS... NOUS AURIONS EU A SUBIR UNE GUERRE INTER IRANIENS CHEZ NOUS- ENTRE HEZB ANGES GARDIENS ET CES IRANIENS "BLANCS".
18 h 31, le 28 janvier 2021