Le président libanais, Michel Aoun, et le président de la Chambre, Nabih Berry, ont tous deux insisté mardi sur l'importance de relancer les négociations avec Israël concernant la délimitation de la frontière maritime sud du pays, lors de réunions à Baabda et Aïn el-Tiné avec l'ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea. Washington parraine les pourparlers entre les deux pays sur leur litige frontalier, qui sont suspendus depuis fin octobre 2020 après une surenchère des deux parties concernant la superficie de la zone qu'elles revendiquent.
Le dossier frontalier a d'abord été abordé au palais de Baabda, lors d'une réunion au cours de laquelle le président Aoun a "insisté sur la position du Liban qui est en faveur de la reprise des négociations sur la base des propositions faites lors des dernières réunions", selon un communiqué de la présidence. Nabih Berry a lui aussi insisté, lors de son entretien avec Mme Shea, sur "l'importance de reprendre à un rythme soutenu" les négociations étant donné l'aspect crucial de ce dossier pour le Liban, qui souhaite "affirmer ses droits souverains et tirer profit de ses ressources" en hydrocarbures offshore.
Les négociations sur la frontière maritime sont en effet cruciales pour un Liban en plein effondrement économique, qui veut lever tous les obstacles à la prospection d'hydrocarbures en Méditerranée. Nabih Berry avait annoncé en septembre 2020, après de longues négociations, la conclusion d’un accord-cadre qui a permis le lancement des pourparlers sur la base d’une zone litigieuse de 860 km2, selon une carte enregistrée auprès de l’ONU en 2011. Les pourparlers de Naqoura ont alors commencé sous de bons auspices début octobre, mais le Liban a affirmé lors du deuxième round des négociations fin octobre que la superficie de la zone contestée comporte une partie supplémentaire de 1 430 km2 plus au Sud, s’étendant dans une partie du champ gazier de Karish. Une demande qui a suscité une riposte de la délégation israélienne qui a fixé une frontière maritime beaucoup plus au Nord, conformément à la ligne 310, qui arriverait presque au sud de Saïda. Dans le cadre de cette surenchère, Israël a affirmé que cette ligne lui donnerait des droits sur les blocs 9 et 8, et même sur une partie du bloc 5. Fin novembre, alors que les deux parties campaient sur leurs positions, les négociations avaient été reportées sine die. Israël avait alors accusé le Liban d’avoir changé de position à plusieurs reprises sur la démarcation de la frontière maritime, avertissant que cela pourrait mener à une impasse et ainsi freiner la prospection d’hydrocarbures offshore dans la région.
Puis le 31 décembre 2020, Michel Aoun avait convoqué à une réunion à laquelle avaient participé le ministre sortant des Affaires étrangères Charbel Wehbé, et les membres de la délégation libanaise. Le chef de l'Etat avait alors souligné la nécessité de s’accrocher à la superficie des 2 290 km². Selon des sources proches du chef de l’État, il avait également remis sur le tapis une proposition qu’il avait déjà formulée, avant la conclusion de l’accord-cadre, à savoir que le Liban promulgue un décret fixant la superficie de ses eaux territoriales et l’enregistre auprès de l’ONU, pour mener les négociations sur la base de ce document. Selon des sources proches de Nabih Berry, ce dernier s’était opposé à la proposition présidentielle, estimant qu’elle n’attirerait qu’un surcroît de pressions et de problèmes au Liban. Le président du Parlement a réitéré son attachement à l’accord-cadre qu’il avait annoncé. Car, selon ses milieux, Nabih Berry sait parfaitement qu’en réclamant une superficie de 2 290 km² ou en promulguant un décret, le Liban ne réaliserait aucun gain, alors qu’Israël est déjà bien avancé dans l’exploitation des hydrocarbures.
Par ailleurs, le président Aoun a évoqué mardi avec Dorothy Shea les derniers développements, ainsi que l'avenir des relations libano-américaines, après l'investiture du président Joe Biden", a indiqué le palais de Baabda sur Twitter. Joe Biden est devenu mercredi le 46e président des États-Unis. Ce dernier se pose en unificateur d'un pays traversé par des crises profondes au terme du mandat de Donald Trump qui aura cassé les codes habituels et scindé les Américains en deux camps hostiles et bousculé le monde. L'administration Trump a imposé de sévères sanctions contre plusieurs responsables libanais qu'elle accuse de corruption et de soutien au Hezbollah, classé groupe terroriste par Washington.
Selon notre correspondant politique Mounir Rabih, la diplomate américaine a, outre le dossier des frontières, abordé avec le chef de l'Etat la crise gouvernementale, appelant à la formation rapide d'un cabinet. Elle a aussi, toujours selon notre correspondant, évoqué le dossier du gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé. Ce dernier a été entendu jeudi par le procureur général Ghassan Oueidate, après une demande d'assistance juridique de la Suisse qui enquête sur des transferts d'argent présumés effectués par le gouverneur. D'après une source judiciaire libanaise citée par l'AFP, l'enquête porterait sur 400 millions de dollars (328,9 millions d'euros) qui auraient été transférés à l'étranger par M. Salamé, son frère, son assistante et des institutions liées à la Banque centrale. Selon cette source, Riad Salamé aurait évoqué lors de l'audience "des transferts ne dépassant pas les 240 millions de dollars, initiés en 2002 depuis des comptes personnels, pour financer une société fondée avec (son) frère". Des propos rejetés par une source à la BDL contactée par L'OLJ, estimant que le dossier était "monté de toutes pièces". Le gouverneur a, lui, récemment annoncé qu’il se rendra en Suisse pour répondre aux questions du ministère public de la Confédération helvétique (MPC), un choix qui lui était ouvert par la réglementation internationale pour ce type de procédure et qui lui permettait aussi de répondre aux questions du parquet suisse sur le territoire libanais.
commentaires (6)
PAS DE REPRISE AVANT QUE LE LIBAN NE REVISE ENCORE UNE FOIS SA COPIE: PLUS QUESTION DE 2290 KM2, MAIS DE 4500 DORENAVANT. QUI DIT MIEUX ?
Gaby SIOUFI
11 h 33, le 27 janvier 2021