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Tendances suicidaires

À situation exceptionnelle, attitude exceptionnelle… Le principe est élémentaire. Sauf au Liban. Du moins au niveau de certains responsables politiques haut placés, tant dans les cercles officiels que dans la vie publique.

Il est déplorable à cet égard que l’on en soit encore à devoir rappeler encore une fois, après tant d’épreuves et de drames (et face à autant de dangers), des évidences, des lapalissades, au sujet de la situation qui sévit dans le pays depuis de nombreuses années. À ceux qui paraissent atteints ainsi de cécité politique, un bref rappel s’impose : le Liban est menacé aujourd’hui dans ses fondements par une crise existentielle profonde qui risque de remettre sérieusement en cause ce qui a fait à travers les siècles sa spécificité et qui l’a distingué des autres pays de la région.

Mues par les desseins de puissances régionales dont les Libanais n’ont que faire, certaines factions locales tentent par la force des baïonnettes, et pour servir ces mêmes puissances régionales, de modifier radicalement l’image du Liban, sa raison d’être, son pluralisme sociocommunautaire, son libéralisme, son initiative privée, sa diversité culturelle, son ouverture sur le monde… Nous assistons aujourd’hui plus que jamais à une vaste (et systématique) opération pernicieuse de déconstruction des principales institutions et des secteurs vitaux du pays. Cela a commencé avec le secteur bancaire et la Banque du Liban pour faire diversion et détourner l’attention de la véritable cause, géopolitique, de l’effondrement actuel. Avec en complément – pour bien saboter l’économie et plomber la monnaie nationale – les campagnes belliqueuses et haineuses contre les États qui traditionnellement se tiennent aux côtés du Liban pour l’aider à surmonter ses difficultés et ses épreuves. De quoi isoler le pays de la communauté arabe et internationale afin de bien briser l’ouverture sur le monde extérieur. Et, cerise sur le gâteau, une corruption généralisée et un clientélisme à caractère sectaire sciemment entretenus à plus d’un niveau de manière à gangrener les administrations étatiques et à miner le Trésor public, en faisant la sourde oreille face aux multiples mises en garde portant, à titre d’exemple, sur une révision, sur une base anarchique et irréfléchie, de l’échelle des salaires dans le secteur public…

Ce sombre tableau a été dénoncé à maintes reprises au point d’en faire un leitmotiv. Nul Libanais n’ignore – à moins de feindre d’ignorer – que ce sont l’image même et la spécificité du Liban qui sont bel et bien sérieusement menacées. Et pourtant… Il s’avère que dans les hautes sphères du pouvoir, on trouve le moyen de chicaner sur des balivernes, sur des considérations politiciennes, de manière à geler la formation d’un nouveau gouvernement alors que la population a besoin dans tous les domaines d’une opération urgente de sauvetage.

Si la cause du blocage réside dans une sourde lutte pour une amélioration de prérogatives constitutionnelles ou pour le renforcement de positions au niveau du pouvoir, un tel comportement ne pourrait être qualifié que de hautement irresponsable – pour le moins qu’on puisse dire – à l’ombre de l’effondrement généralisé actuel. L’attitude dans les hautes sphères serait encore plus irresponsable – et frôlerait le manquement au devoir constitutionnel – si le blocage institutionnel est toléré pour satisfaire le bon vouloir d’une puissance régionale. L’argument souvent avancé dans ce cadre est le souci de « préserver la paix civile » ! Mais quelle sorte de « paix civile » peut-on invoquer dans les circonstances qui prévalent depuis plus d’un an dans le pays? Au chapitre de la vie politique traditionnelle, tout aussi irresponsable et déplorable est l’attitude de ceux qui s’emploient à se lancer dans des luttes marginales, à faire prévaloir les calculs partisans réducteurs et les considérations en rapport avec des ego personnels, alors que le pays est confronté à une véritable guerre ouverte visant à saper ses fondements et à imposer un « nouveau Liban » qui soit « conforme aux orientations de la résistance », comme le soulignait récemment sans détour le député Mohammad Raad. Les calculs partisans et les ego personnels sont, certes, totalement légitimes, mais, en temps de paix, lorsque aucun danger à caractère existentiel ne plane sur le pays et ne menace la population dans sa vie quotidienne.

Mettre en sourdine le péril régional ambiant en accordant la priorité dans son action politique aux petites manœuvres politiciennes et électorales et aux règlements de comptes manifestement personnels reflète une tendance suicidaire nationale qui malencontreusement est monnaie courante chez certains chefs de file politiques de l’échiquier libanais.

À situation exceptionnelle, attitude exceptionnelle… Le principe est élémentaire. Sauf au Liban. Du moins au niveau de certains responsables politiques haut placés, tant dans les cercles officiels que dans la vie publique. Il est déplorable à cet égard que l’on en soit encore à devoir rappeler encore une fois, après tant d’épreuves et de drames (et face à autant de dangers), des...

commentaires (3)

Nous ne nous lasserons jamais de répéter, et ce, depuis 1943, que le Liban est une république indépendante, libre, laïque, et à visage arabe. Au nom de ce qui précède, le Liban n'a rien à faire dans tout ce qui se passe autour de la mer Caspienne, du golf arabo-persique, ou de la mer Egée. Nous sommes libres de notre destin. Le Liban n'a jamais été une colonie pour qu'il accepte de devenir autre chose que ce qu'il est, c'est-à-dire un pays libre et laïc.

Un Libanais

18 h 08, le 26 janvier 2021

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Commentaires (3)

  • Nous ne nous lasserons jamais de répéter, et ce, depuis 1943, que le Liban est une république indépendante, libre, laïque, et à visage arabe. Au nom de ce qui précède, le Liban n'a rien à faire dans tout ce qui se passe autour de la mer Caspienne, du golf arabo-persique, ou de la mer Egée. Nous sommes libres de notre destin. Le Liban n'a jamais été une colonie pour qu'il accepte de devenir autre chose que ce qu'il est, c'est-à-dire un pays libre et laïc.

    Un Libanais

    18 h 08, le 26 janvier 2021

  • Quelqu’un qui a la fibre nationale a dit: les nations qui tombent en se battant se relèvent et celle qui se rendent facilement sont finies. A méditer.

    Sissi zayyat

    11 h 21, le 26 janvier 2021

  • ""L’argument souvent avancé dans ce cadre est le souci de « préserver la paix civile » !"" La stabilité à tout prix, est l’argument qu’on entend depuis longtemps. Le pire, c’est qu’on en reparle maintenant, alors que le changement a déjà commencer il y a presque une quarantaine d’années. Les chefs politico-militaires qui sont à l’origine de ce changement étaient présentés au tout début, par la presse étrangère, comme des ""modérés"". Mais on ne va pas revenir là-dessus, on sera taxé de ""réactionnaire"". Et je pense, et je me trompe peut-être, que le changement est irréversible.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    08 h 57, le 26 janvier 2021

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