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Moyen-Orient - Témoignages

« À cause du “Muslim Ban”, je n’ai jamais pu revoir mon grand-père avant son décès le mois dernier »

L’abrogation, par Joe Biden, du décret migratoire controversé de Donald Trump soulage de nombreux Américains d’origine étrangère.

« À cause du “Muslim Ban”, je n’ai jamais pu revoir mon grand-père avant son décès le mois dernier »

Des Américains manifestent contre le « Muslim Ban » devant la Cour suprême des États-Unis à Washington, le 26 juin 2018. Mandel Ngan/AFP/Getty Images

Quelques heures seulement après son investiture à la présidence des États-Unis, mercredi, Joe Biden a pris plusieurs décrets symboliques pour changer les politiques phares de son prédécesseur. Comme il l’avait annoncé durant sa campagne, le nouveau locataire de la Maison-Blanche s’est empressé d’annuler le fameux « Muslim Ban », adopté par Donald Trump en 2017, visant à interdire l’entrée sur le sol américain aux ressortissants de sept pays majoritairement musulmans. Une décision applaudie par de nombreux Américains sur les réseaux sociaux. « Je n’oublierai jamais que j’ai pleuré toute la nuit quand cela (le Muslim Ban) s’est produit. Au revoir, Muslim Ban dégoûtant. J’espère enfin pouvoir accueillir à nouveau ma famille dans ce pays », écrit sur Facebook une Américaine d’origine iranienne.

L'édito de Issa GORAIEB

Des chiffres et des lettres

Adopté par l’ex-président une semaine seulement après son investiture, il y a 4 ans, le décret, présenté comme un moyen de « protéger la nation de l’entrée de terroristes étrangers », a affecté des dizaines de milliers de personnes souhaitant pour beaucoup rejoindre des membres de leurs familles installées aux États-Unis. Après plusieurs versions du texte et de nombreux recours devant la justice, le décret a fermé les frontières américaines aux citoyens venant de Syrie, d’Irak, d’Iran, du Yémen, de Libye, du Soudan et de la Somalie. « Mon grand-père en a fait les frais », confie à L’Orient-Le Jour Sam Hashemi, étudiant en droit d’origine iranienne.

Ce jeune homme de 22 ans, vivant à San Francisco, est arrivé avec ses parents aux États-Unis à l’âge de un an. Ayant reçu la visite de son grand-père au début des années 2000, le visa de ce dernier a expiré après son retour en Iran. « Ma mère a déposé une nouvelle demande pour lui et ma grand-mère des années plus tard. Le visa de ma grand-mère a été accordé en janvier 2016, mais celui de mon grand-père devait prendre quelques semaines de plus, et lorsque l’interdiction a pris effet, sa demande a été définitivement annulée », explique Sam.

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Ce dernier, qui a vu son grand-père pour la dernière fois en 2011, en Iran, ne cache pas la colère qu’il a ressentie lorsqu’il a appris la nouvelle. « Il me manquait beaucoup et je me suis senti immensément vaincu. Tout cela à cause d’une interdiction de voyager sans fondement, cruelle et raciste », témoigne ce dernier. « L’état de santé de mon grand-père avait également empiré à ce moment-là, et l’une des raisons pour lesquelles nous voulions qu’il vienne aux États-Unis était pour lui obtenir un meilleur traitement médical », ajoute t-il.

Ayant la double nationalité américaine et iranienne, Sam craint d’être obligé d’effectuer son service militaire s’il se rend en Iran alors qu’il atteint l’âge de 18 ans, en 2017, et décide par précaution de ne pas s’y rendre. Il y a un mois, le jeune homme apprend la mort de son grand-père, victime, selon lui, de l’administration Trump. « À cause du Muslim Ban, je n’ai jamais pu revoir mon grand-père avant son décès », se désole t-il.

« Aucun espoir »

Des histoires comme celle-ci, les États-Unis en comptent des tonnes depuis 2017, selon Bahareh Ajami, professeure d’immunologie dans une école de médecine à Portland, dans l’Oregon, originaire elle aussi d’Iran et installée dans cet État du nord-ouest des États-Unis avec son mari et leur fille en bas âge. « Mon histoire n’est pas unique. Beaucoup ont souffert davantage », explique la quadragénaire, qui a pourtant échappé au pire. Début 2020, les médecins lui diagnostiquent un cancer. « Mes parents ont voulu venir me voir lorsqu’ils l’ont su mais ils n’ont pas pu obtenir de visa. La partie la plus difficile de mon parcours contre le cancer a été la peur de ne pas avoir l’occasion de leur dire au revoir si les choses tournaient mal », dit-elle. « Nous avons même fourni à l’ambassade des documents de mes médecins indiquant que j’avais un cancer très agressif, mais ils ont dit que c’était l’ordre du président et qu’ils ne pouvaient délivrer aucun visa. Nous avons contacté plusieurs avocats de haut niveau et ils nous ont tous dit qu’il n’y avait aucun espoir », regrette Bahareh, qui se souvient de l’état de ses parents, incroyablement dévastés.

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L’enseignante reçoit des traitements qui ont prouvé leur efficacité jusqu’à présent. Cependant, « je me souviens qu’un jour, j’ai été amenée d’urgence à l’hôpital après ma chimiothérapie. J’avais des problèmes respiratoires et les médecins ont pensé que j’allais avoir une crise cardiaque. Il n’y avait personne pour prendre soin de ma fille. Mon mari a donc dû rester dans le parking de l’hôpital avec elle pendant deux jours. Si mes parents avaient pu venir, cela ne serait pas arrivé. Beaucoup de gens ignorent les conséquences de ce décret sur la vie réelle des gens », explique Bahareh. « Maintenant que l’interdiction a été abrogée, mes parents vont tout de suite déposer une demande de visa. J’espère qu’ils pourront venir », se réjouit-elle. Des retrouvailles qui risquent d’être retardées à cause des restrictions de voyage dues à la pandémie de Covid-19.

« Mesure discriminatoire »

Certains Américains étaient toutefois parvenus à déjouer le « Muslim Ban » et faire venir un membre de leur famille, non sans difficultés. « J’ai dû vivre sans voir ma mère pendant 5 ans. Comme beaucoup d’autres, elle s’est vu interdire l’entrée dans ce pays simplement en raison de sa nationalité yéménite », accuse Ayad Algabyali, activiste de 24 ans œuvrant auprès des communautés marginalisées aux États-Unis, parti du Yémen avec sa grand-mère à l’âge de 9 ans pour rejoindre son père à New York.

Depuis le début de la guerre civile au Yémen, en 2014, Ayad n’a pas pu retourner dans son pays natal. Sa mère fuit les combats en trouvant refuge en Égypte et alors qu’elle fait une demande de visa pour les États-Unis au début du mandat Trump, le Muslim Ban l’empêche de rejoindre son mari et son fils. « C’est une mesure discriminatoire. Il y a la guerre chez nous, nous ne pouvons pas retourner dans notre pays et nous ne pouvons pas ramener notre famille ici », témoigne le jeune homme. En 2020, après des années durant lesquelles le père d’Ayad fait pression auprès du département d’État et de membres du Congrès, sa mère parvient à rejoindre sa famille et à obtenir la carte verte, qui lui permet de rester dans le pays. Une victoire, qui n’a pas empêché son fils de continuer le combat pour réclamer l’abolition du décret.

Le jeune homme participe aux nombreuses manifestations qui, de 2017 à 2020, rassemblent des milliers de personnes à l’appel d’associations de défense des immigrés et réfugiés pour protester contre cette mesure et réclamer la libération de ressortissants étrangers retenus par la police. « Ce qu’on ressent est indescriptible. On vous envoie le message que vous n’êtes pas accueillis dans votre propre pays car votre famille n’est pas la bienvenue. Vous sentez que vous êtes des étrangers aux yeux de la société et c’est ce qu’ont ressenti de nombreux musulmans sous Trump », affirme Ayad.

Malgré l’abrogation du décret qui réjouit ce dernier, le travail n’est pas fini selon lui. « La question demeure. Comment le département d’État continuera-t-il à délivrer des visas? Quelles sont les lignes directrices auxquelles il faut s’attendre avec l’administration Biden ? Va t-il délivrer des visas aux citoyens du monde entier ou y aura t-il des pays interdits? » interroge t-il.

Zarif appelle Biden à lever « sans conditions » les sanctions contre l’Iran À peine deux jours après l’entrée en fonctions du nouveau président américain Joe Biden, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif publie une tribune dans la revue diplomatique américaine Foreign Affairs sur la façon dont il convient à ses yeux de sauver ce pacte qui menace de voler en éclats depuis que l’ex-président Donald Trump en a sorti les États-Unis en 2018. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche doit lever « sans conditions » les sanctions imposées par son prédécesseur à Téhéran s’il veut sauver l’accord sur le nucléaire iranien, avertit le chef de la diplomatie d’Iran. « Le nouveau gouvernement américain peut encore sauver l’accord mais seulement s’il peut agréger à Washington une véritable volonté politique permettant de montrer que les États-Unis sont prêts à être un partenaire fiable pour un effort collectif », écrit Mohammad Javad Zarif. « Le gouvernement (Biden) doit commencer par supprimer sans conditions toutes les sanctions imposées (à l’Iran) depuis l’arrivée au pouvoir de Trump », ajoute-t-il. « En retour, l’Iran annulera toutes les mesures correctives qu’il a prises dans le sillage du retrait (des États-Unis) de l’accord », assure M. Zarif, qui met aussi en garde contre toute tentation du nouveau président américain de vouloir « arracher des concessions » à l’Iran.
Quelques heures seulement après son investiture à la présidence des États-Unis, mercredi, Joe Biden a pris plusieurs décrets symboliques pour changer les politiques phares de son prédécesseur. Comme il l’avait annoncé durant sa campagne, le nouveau locataire de la Maison-Blanche s’est empressé d’annuler le fameux « Muslim Ban », adopté par Donald Trump en 2017, visant...

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