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Monde - Éclairage

L’assaut du Capitole vu du Moyen-Orient

Le coup de force des partisans de Trump suscite une avalanche de réactions dans la région.


L’assaut du Capitole vu du Moyen-Orient

Des partisans de Donald Trump au sein du Capitole le 6 janvier. Saul Loeb/AFP

Alors que les images des violences accompagnant, mercredi, l’entrée en force d’une foule de partisans de Donald Trump dans le Capitole pour y interrompre la certification de la victoire de Joe Biden ont fait le tour de la planète, plusieurs leaders et beaucoup de ressortissants du monde arabo-musulman y sont allés de leur commentaire plus ou moins sarcastique. « Donald Trump, le président qui a apporté la paix dans certaines parties du Moyen-Orient et la violence au Capitole. Quel héritage… » s’amusait hier un internaute sur Twitter. Observé depuis la région, où les régimes autoritaires sont nombreux, l’assaut sur le temple de la démocratie américaine est inimaginable. Qu’il s’agisse de l’entrée, somme toute facile, au sein du Capitole, de partisans de Trump, de l’exfiltration des élus présents dans l’enceinte du Capitole par les agents de sécurité, ou encore de la mort d’une femme pro-Trump par un tir de police et de trois autres personnes, sans confirmation pour le moment que leur décès soit directement lié aux violences. « Le 11-Septembre, el-Qaëda n’est pas parvenu à attaquer le bâtiment du Congrès. Mais 20 ans plus tard, un autre groupe terroriste a réussi à occuper les États-Unis. Ce groupe terroriste est peut-être nouveau aux USA, mais il assassine le peuple du Moyen-Orient depuis longtemps », écrivait sur Twitter un Iranien en référence à l’administration américaine et ses supporters. Les scènes d’une Amérique à la démocratie ébranlée ravissent notamment le pouvoir iranien, ennemi traditionnel de Washington, particulièrement dans le viseur des États-Unis depuis le début du mandat présidentiel de Donald Trump.

« Ce que nous avons observé aux États-Unis hier soir et aujourd’hui a montré tout d’abord à quel point la démocratie occidentale est vulnérable et fragile », a affirmé hier le président iranien, Hassan Rohani, lors d’une allocution télévisée, alors que des médias iraniens n’ont pas hésité à instrumentaliser l’invasion du Capitole en la présentant comme une revanche de Téhéran sur Washington, en lien avec l’assassinat du général Kassem Soleimani il y a un an. Lors de son allocution, Hassan Rohani s’en est pris personnellement au président sortant et a envoyé un signe d’ouverture au futur locataire de la Maison-Blanche. « Un populiste est arrivé (au pouvoir) et il a provoqué un désastre dans son pays pendant ces quatre années (...). J’espère que le monde entier et les prochains dirigeants à la Maison-Blanche en retiendront la leçon », a-t-il dit, avant de poursuivre en affirmant que les responsables américains qui « prendront le pouvoir dans deux semaines compenseront (les dégâts causés par le gouvernement Trump) et feront retrouver à leur pays une position digne de la nation américaine, car la nation américaine est une grande nation ». Alors que Téhéran a souvent qualifié Washington de « Grand Satan » par le passé, ces propos semblent indiquer que la République islamique souhaite inaugurer un dialogue plus apaisé avec Joe Biden. Mercredi soir, plusieurs manifestants s’étaient toutefois rassemblés devant le Capitole en agitant des drapeaux iraniens. « De nombreux Iraniens soutiennent Trump. Certains sont des monarchistes et d’autres des membres de l’Organisation des moudjahidine du peuple iranien (OMPI) qui considèrent le président sortant comme quelqu’un de dur avec le gouvernement de la République islamique. Mais des deux groupes ne sont pas représentatifs des Iraniens ordinaires et restent détachés des réalités et aspirations démocratiques », nuance pour L’Orient-Le Jour Sanam Vakil, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord au centre de réflexion Chatham House.

Accusations antidémocratiques

Du côté de la Turquie, l’un des premiers pays à réagir aux événements de mercredi soir, ce sont des appels au calme qui ont été lancés. Le ministère turc des Affaires étrangères a ainsi invité, dans un communiqué, « toutes les parties aux États-Unis à la mesure et à la prudence ». « Nous pensons que les USA sortiront de cette crise politique interne d’une manière mature », a-t-il ajouté. Une réaction qui n’est pas sans rappeler celle de Washington après le putsch manqué de 2016 organisé contre le régime de Recep Tayyip Erdogan. Le gouvernement américain, alors dirigé par Barack Obama, avait appelé au calme et invité les citoyens américains à revoir leurs projets de voyage en Turquie.La Turquie et l’Iran, qui connaissent des différends avec les États-Unis, voient dans ces événements un moyen de répondre aux accusations antidémocratiques formulées par Washington à leur encontre. « Cela leur donne l’opportunité de dire : vous parlez de démocratie, regardez ce qui s’est passé dans votre pays, vous l’avez presque perdu. Vous nous reprochez nos élections ou l’usage de la force dans notre pays, regardez le chaos qui a été engendré dans le vôtre », observe Paul Salem, président du Middle East Institute, interrogé par L’OLJ. « Les États du Moyen-Orient manipulent les événements pour montrer à leur peuple que la démocratie n’est pas stable. Certains ont utilisé des images de la guerre syrienne et du Venezuela pour rappeler à leurs citoyens le chaos qui pourrait résulter de tout soulèvement », commente pour sa part Sanam Vakil. « Ces dirigeants sous-estiment non seulement l’intelligence de leur population, mais ne voient pas non plus que le mépris flagrant du président Trump pour les règles et normes américaines est similaire au comportement des autocrates et des démagogues régionaux », ajoute-t-elle.

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Cette rancœur des adversaires de Washington s’est également fait ressentir du côté de la population irakienne. Plusieurs internautes sur Twitter se sont amusés à parodier le comportement de l’ex-envahisseur américain. « Nous enverrons des émissaires arabes pour trouver des solutions pacifiques », peut-on y lire. Un site satirique en anglais, rappelant la « mission » fixée en 2003 par le président George W. Bush face à l’Irak de Saddam Hussein, a titré : « L’Irak envahit l’Amérique pour lui apporter la démocratie. » Commentant des images de manifestants pro-Trump pillant le Capitole, une journaliste britannique d’origine irakienne a tweeté avec ironie : « En espérant que ces objets anciens américains pillés seront exposés au musée national irakien de Bagdad et y seront conservés indéfiniment pour la protection ainsi que pour le plaisir culturel des habitants. » Si l’assaut des pro-Trump sur un symbole de la démocratie américaine restera gravé dans les mémoires, sa portée pourrait être nuancée. « Il ne faut pas exagérer, c’est un incident qui passera et sera largement oublié. Les États-Unis sont et resteront une superpuissance, la réalité est que les pays de la région devront traiter avec l’administration Biden et se remettre aux affaires », conclut Paul Salem.

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