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Environnement - Ressources hydrauliques

Appel d’offres pour le tunnel du Awwali :un timing qui pose question

Des écologistes dénoncent « un projet à 80 millions de dollars qui n’est pas une priorité » ; le CDR rétorque qu’il ne s’agit que de la continuité d’un projet visant à acheminer l’eau vers Beyrouth. Quid de la qualité de l’eau en route vers la capitale ?

Appel d’offres pour le tunnel du Awwali :un timing qui pose question

Carte tirée du document du projet d’acheminement de l’eau du Awwali vers Beyrouth, fournies par le LEM. On y voit que le Qaraoun est l’une des sources de l’eau qui se retrouve au Awwali pour y être acheminée vers Beyrouth.

En pleine crise financière, politique et sanitaire, l’annonce avait de quoi surprendre : le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) a lancé un appel d’offres pour des travaux d’isolation du tunnel d’acheminement de l’eau du fleuve Awwali (Sud) vers Beyrouth. Un appel d’offres suivant un budget de 80 millions de dollars, révèle Paul Abi Rached, président du Mouvement écologique libanais (LEM). Ce tunnel fait partie d’un grand projet d’alimentation en eau de la capitale, qui comprenait également le barrage de Bisri, annulé depuis quelques mois sous la pression. Toutefois, ce tunnel a été creusé et devrait acheminer, indépendamment de l’autre composante annulée, 250 000 m3 d’eau par jour vers la capitale et ses environs, selon le CDR.

Paul Abi Rached souligne que le timing de cet appel d’offres interpelle les observateurs, étant donné la période délicate que traverse le pays, ce qui n’en fait absolument pas une priorité, d’autant plus que le barrage n’est plus d’actualité. « N’aurait-il pas mieux valu demander à la Banque mondiale, le bailleur de fonds, de détourner ce budget vers des alternatives plus viables telles que l’agrandissement du tunnel de Jeïta, qui fournit de l’eau à la capitale à partir du Nord ?

Ou de mieux exploiter des puits artésiens près de Beyrouth ? Pourquoi cette insistance à poursuivre ce projet coûte que coûte ? » dit-il à L’Orient-Le Jour.

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Interrogé par L’OLJ, Nabil Jisr, président du CDR, trouve toute cette polémique injustifiée. « Il ne s’agit pas d’un nouveau projet, mais de la continuité d’un projet en cours, explique-t-il. Ce tunnel de 24 kilomètres avait été confié à une compagnie italienne qui a fait faillite. Avant de jeter l’éponge, cette compagnie avait creusé tout le tunnel, mais n’en avait isolé que deux kilomètres. Après avoir récupéré les équipements et les garanties, nous venons de lancer un appel d’offres pour l’isolation du reste du tunnel, tout comme pour l’achèvement de canalisations entre les trois parties de cet ouvrage. »

Pourquoi avoir décidé de lancer un projet de 80 millions de dollars en pareilles circonstances ? « Cet argent fait partie d’un crédit existant qui nous a été accordé par la BM, là aussi il n’y a rien de nouveau, souligne-t-il. Le crédit original était de 200 millions de dollars, nous en avons dépensé 120 millions, il en reste 80. Quant au coût des travaux en question, il dépendra de l’offre gagnante. » M. Jisr n’a pas voulu s’étendre sur l’identité des entreprises susceptibles d’être intéressées par pareil appel d’offres ou dire s’il s’agirait plutôt d’entrepreneurs locaux ou internationaux.

Doutes sur la qualité de l’eau

Le budget et le timing ne sont pas les seuls arguments de Paul Abi Rached contre la poursuite de ce projet. « Il existe de sérieuses craintes concernant la qualité de l’eau qui serait acheminée vers la capitale par ce tunnel, explique-t-il. En effet, outre celle du fleuve Awwali, et comme l’attestent les documents du projet (dont L’OLJ a pu consulter une copie), une partie de cette eau proviendra du lac Qaraoun, via l’une des stations hydroélectriques qui déverse son eau dans un lac artificiel du fleuve Awwali. Or l’eau du Qaraoun, comme l’attestent plusieurs scientifiques, est polluée au point qu’elle n’est plus traitable. Que sait-on de cette eau qui se retrouvera dans les foyers de Beyrouth ? »

Pour sa part, Nabil Jisr reste vague sur la provenance de l’eau, assurant que les stations d’épuration nécessaires seront construites pour assurer le traitement. « Il est important de pouvoir acheminer cette eau vers une capitale qui en manque cruellement aujourd’hui », ajoute-t-il.

Cette eau provenant du Awwali est-elle donc traitable ? Les craintes des écologistes sont-elles justifiées ?

Kamal Slim est chercheur, spécialiste des ressources hydrauliques, et participe actuellement à un projet d’étude scientifique personnel sur les réservoirs artificiels de Anan et de Joun, où parviennent les eaux de l’une des stations hydroélectriques du barrage Qaraoun (celle qui porte le nom du président Charles Hélou), pour se déverser ensuite dans le fleuve Awwali. Donc en définitive destinées à être acheminées vers Beyrouth par ce tunnel. Le Dr Slim a été l’un des premiers à dénoncer la pollution du lac Qaraoun par une algue très difficilement traitable, les cyanobactéries. Or quand il est interrogé sur la qualité de l’eau à Anan et Joun, il pèse ses mots.

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« Jusque-là, nous n’avons pas constaté la présence de cyanobactéries à ce niveau-là, même si une partie de cette eau provient du Qaraoun », dit-il à L’OLJ. L’explication, selon lui, se trouverait dans le fait que les cyanobactéries prospèrent à la surface du lac Qaraoun, sur une profondeur de quatre à cinq mètres, alors que l’eau qui traverse les stations hydroélectriques vient d’une partie plus profonde du lac. « Cette partie n’en est pas moins polluée par la dégradation de matières organiques mortes, mais cette pollution est moins dangereuse que les toxines cyanobactériennes, et demeure traitable », poursuit-il.

En bref, selon l’expert, la qualité de l’eau qui finit dans le Awwali est « acceptable » jusqu’à présent, donc tout à fait traitable en station, même s’il faut rester vigilant concernant « toute trace de cyanobactéries qui pourrait s’y retrouver à l’avenir ». « On constate aussi, à Anan et Joun, une prolifération naturelle de lentilles d’eau, une plante qui purifie les polluants de l’eau tels que le nitrate ou le phosphate, ce qui représente un atout positif, explique-t-il également. Si la future station d’épuration de Wardaniyé (devant traiter l’eau acheminée du Sud vers Beyrouth, NDLR) fonctionne suivant les normes internationales, et que les cyanobactéries restent absentes, cette solution sera viable. Dans le cas contraire, il faudra aviser. Dans tous les cas, le suivi est indispensable. »

En pleine crise financière, politique et sanitaire, l’annonce avait de quoi surprendre : le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) a lancé un appel d’offres pour des travaux d’isolation du tunnel d’acheminement de l’eau du fleuve Awwali (Sud) vers Beyrouth. Un appel d’offres suivant un budget de 80 millions de dollars, révèle Paul Abi Rached, président du...

commentaires (2)

Encore un politicien qui veut se sucrer au passage... La léthargie des libanais et les failles du systeme corrompu actuel encouragent pareille entreprise. Merci a l’Orient le Jour de denoncer ces abus.

Cadige William

13 h 49, le 14 janvier 2021

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Commentaires (2)

  • Encore un politicien qui veut se sucrer au passage... La léthargie des libanais et les failles du systeme corrompu actuel encouragent pareille entreprise. Merci a l’Orient le Jour de denoncer ces abus.

    Cadige William

    13 h 49, le 14 janvier 2021

  • Waw nos chers écolos sont inquiets si l’eau potable est propre !! Tiens ; mais ils sont aveugles devant la saleté qui jonchent toutes nos routes juste à la sortie de leur résidences ( ceci renforce l’immunité du citoyen n’est-ce pas ?) Entre temps l’eau du Bisri , coule, coule calmement …. vers la mer . Surement ils ont mis en stock des pneus à bruler l’été prochain quand Beyrouth sera sans eau .

    aliosha

    11 h 17, le 14 janvier 2021

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