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L’ADN des Libanais

Au début des années 90, alors que le régime syrien renforçait d’une manière insidieuse son emprise dans tous les domaines sur la scène locale, une poignée de cadres, dont l’auteur de ces lignes, étaient reçus par le patriarche Nasrallah Sfeir à qui ils voulaient exprimer leurs vives appréhensions quant aux menaces réelles qui pesaient à l’époque sur la liberté d’expression et le pluralisme politique dans le pays. Sans se départir de sa légendaire sérénité, il nous indiqua d’un vaste geste de la main le lieu de notre rencontre, le grand salon de Bkerké, en nous disant : « Nous avons été confrontés au cours de notre histoire à des dangers beaucoup plus graves et beaucoup plus préoccupants, et voyez, nous sommes toujours là… ».

Effectivement, les dernières décennies qui ont jalonné la petite histoire de la guerre libanaise – et même bien avant le déclenchement de la crise de 1975 – ont été jalonnées de plusieurs tentatives visant à museler la presse, restreindre la liberté d’expression sous toutes ses formes et porter atteinte au pluralisme politique qui constitue l’une des principales spécificités du pays du Cèdre dans cette partie du monde. L’on se souvient notamment qu’au lendemain de la légalisation du déploiement de son armée au Liban sous le couvert de la Force de frappe arabe (FFA), après la première phase de la guerre (1975-1976), le régime syrien a voulu « syrianiser » la presse et imposer une censure préalable sur les journaux libanais en s’appuyant sur certains organes sécuritaires locaux. Cette tentative a toutefois duré ce que durent les roses…

Les différentes milices qui se sont partagé le terrain durant les années de guerre n’ont pas été en reste non plus et se sont livrées à toutes sortes d’intimidation lorsque les journalistes se montraient quelque peu audacieux, sans compter à l’évidence les fréquents débordements des organisations palestiniennes qui ne se privaient pas de manifester, quand elles le jugeaient « utile », leur mauvaise humeur vis-à-vis des libres-penseurs. De même, ceux qui ont atteint aujourd’hui un « âge certain » se souviendront en outre des pratiques un peu trop musclées des agents du Second Bureau de l’armée dans les années 60 contre les partisans des partis d’opposition.

Ce bref rappel apporte de l’eau au moulin à la petite phrase lancée par feu le patriarche Sfeir et confirme, s’il en était encore besoin, ce que nul n’ignore dans le pays, à savoir l’attachement farouche des Libanais aux libertés publiques et d’expression. Cette ferme détermination à préserver un tel acquis est en quelque sorte inscrite dans l’ADN des Libanais, à un point tel que le patriarche Sfeir avait été amené à lancer un jour, à un moment où le régime syrien et ses acolytes locaux accentuaient leur pression sur la scène libanaise : « Si nous sommes contraints un jour d’opérer un choix entre la liberté et la coexistence, nous opterons pour la liberté… ».

Les dernières menaces frontales lancées à la fin de la semaine écoulée par le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah contre les médias et les journalistes ne sauraient changer la donne sur ce plan et ébranler l’attachement des Libanais à la liberté d’expression et de la presse. Le directoire du parti pro-iranien n’ignore sans doute pas qu’à travers toute l’histoire tumultueuse du Liban, depuis peut-être le XIXe siècle, à l’époque de la lente émergence d’une identité libanaise, aucune faction, aucune communauté, aucun parti, n’a pu imposer de façon durable son diktat et sa vision du Liban aux autres composantes de la société.Le pluralisme politico-socio-culturel et son corollaire, le respect des libertés publiques et individuelles, constituent la raison d’être, la pierre angulaire, de la Maison libanaise, et l’attachement aux libertés a été à travers les années un dénominateur commun entre les parties locales, toutes tendances confondues. L’échec retentissant de l’expérience syrienne au Liban dans ce domaine est particulièrement révélateur de cet « ADN des libertés » inscrit dans les gènes des Libanais.

Le surplus de force milicienne dont a été doté le Hezbollah ces dernières années ne changera rien à l’affaire. Il ne saurait modifier des constantes historiques. L’histoire ancienne et contemporaine du Liban montre que les multiples tentatives d’imposer un quelconque diktat, interne ou externe, au pays du Cèdre se sont toujours avérées vaines. Si bien que dans notre cas spécifique de figure, il serait pertinent de rappeler la citation du poète chilien Pablo Neruda : « Ils pourront couper toutes les fleurs, mais ils n’empêcheront pas le printemps »…

Au début des années 90, alors que le régime syrien renforçait d’une manière insidieuse son emprise dans tous les domaines sur la scène locale, une poignée de cadres, dont l’auteur de ces lignes, étaient reçus par le patriarche Nasrallah Sfeir à qui ils voulaient exprimer leurs vives appréhensions quant aux menaces réelles qui pesaient à l’époque sur la liberté d’expression...

commentaires (2)

MAIS DURANT TOUS CES TEMPS TEMPETUEUX IL N,Y AVAIT PAS AU LIBAN UNE TETE... SANS TETE... AUJOURD,HUI IL Y EN A MALHEUREUSEMENT UNE !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 35, le 13 janvier 2021

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Commentaires (2)

  • MAIS DURANT TOUS CES TEMPS TEMPETUEUX IL N,Y AVAIT PAS AU LIBAN UNE TETE... SANS TETE... AUJOURD,HUI IL Y EN A MALHEUREUSEMENT UNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 35, le 13 janvier 2021

  • Encore faut il une union sacrée de tous les médias libanais pour faire des scandales un scoop collégial en mettant de côté leur envie de faire le Buzz chacun dans son coin. On peut se prendre à un journal voir deux mais lorsque tous les médias s’accordent personne n’arrivera à les déstabiliser. C’est par la que commence une résistance. On revient à la même chose, l’union fait la force. Il faut arriver à déborder ses adversaires. Au lieu de blablater, les dénonciations des vols et des trahisons devaient occupées les unes de ces médias tout le temps et être synchronisées avec des titres unanimes au lieu de relayer leurs discours et leurs mensonges tour à tour. On a oublié que le rôle de la presse a toujours été une arme et que son rôle n’est pas de relayer des informations inutiles mais de participer au sauvetage du pays. Ils sont en première ligne et ont le pouvoir de le faire Alors où est donc ce pouvoir qu’ils oublient d’utiliser.

    Sissi zayyat

    11 h 17, le 12 janvier 2021

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