Le président de l'Ordre des médecins au Liban, Charaf Abou Charaf, a tiré la sonnette d'alarme dimanche et déclaré que le Liban a enregistré le plus haut taux de contamination au coronavirus au monde, avec des chiffres dépassant les 15%. M. Abou Charaf a dans ce cadre plaidé pour "un confinement total, le port du masque sanitaire et une interdiction des rassemblements, comme solutions d'urgence", un appel qui a été lancé par plusieurs autres experts et responsables sanitaires. Ces propos interviennent alors les hôpitaux et les unités de soins intensif sont saturés dans de nombreuses régions et que le pays a officiellement déclaré plus de 5.000 contaminations quotidiennes depuis trois jours.
Si le Liban entame dimanche son quatrième jour d'un reconfinement généralisé, celui-ci comprend de nombreuses exceptions, dans une tentative de ménager l'économie d'un pays déjà en crise depuis plus d'un an. Ces exceptions sont dénoncées par de nombreux experts qui y voient un manque de sérieux dans la volonté de lutter contre la pandémie. Face à l'urgence de la situation, le président libanais, Michel Aoun, a convoqué le Conseil supérieur de défense pour une réunion extraordinaire lundi à 15h afin d'y aborder la situation sanitaire et la crise du secteur hospitalier au Liban. Une source proche de la commission nationale chargée de la lutte contre le Covid-19 a d'ailleurs indiqué à L'Orient-Le Jour que cette commission allait recommander au comité ministériel de renforcer le confinement, en fermant entre autres l'Aéroport international de Beyrouth (AIB) pendant une semaine, à partir de mercredi ou jeudi.
Le pays a dans ce contexte enregistré dimanche 3.743 nouveaux cas de Covid-19 et 16 décès en 24h. Ces chiffres portent le taux de contamination par rapport au nombre de tests effectués pour les deux dernières semaines à 15,8 %. Ils font grimper à 219.296 le nombre cumulé des contaminations depuis la détection du premier cas du virus dans le pays en février 2020, au nombre desquelles 1.606 décès et 142.099 guérisons. Parmi les cas toujours actifs, 1.460 personnes sont hospitalisées, dont 559 en soins intensifs. Cela équivaut à 35 hospitalisations de plus en 24h, et 24 admissions supplémentaires en soins intensifs. Le nombre moins élevé de contaminations officiellement enregistrées ce dimanche est dû à une baisse des tests effectués samedi, 7.000 de moins par rapport à la veille.
"Confinement total"
"Le taux de contamination au coronavirus dépasse les 15 %, ce qui est un pourcentage très élevé qu'aucun pays au monde n'a atteint", s'est alarmé Charaf Abou Charaf, selon des propos rapportés par le quotidien an-Nahar. "Nous avons atteint le scénario contre lequel nous mettions en garde précédemment, avec une augmentation rapide et intense du nombre de contaminations. Les lits d'hôpitaux, en particulier de soins intensifs pour les patients atteints du coronavirus, sont désormais tous occupés", a-t-il ajouté. "Le Liban paie le prix de la négligence des citoyens et des fonctionnaires". "La solution d'urgence doit désormais être un confinement total, le port du masque sanitaire et une interdiction des rassemblements".
En outre, le président de l'Ordre des médecins a appelé à "équiper les hôpitaux publics". "Les hôpitaux privés sont saturés de patients ayant des maladies chroniques qui ont eux aussi besoin de traitement", a-t-il déploré. Charaf Abou Charaf a également souligné "la nécessité d'une coordination totale entre le ministère de la Santé, la Croix-Rouge libanaise et les hôpitaux pour répartir les patients dans les mohafazats et localités en se référant exclusivement aux médecins, spécialistes et experts". Et de conclure : "Quant aux hôpitaux de campagne reçus après l'explosion au port de Beyrouth, ils sont similaires aux hôpitaux de campagne militaires et nécessitent une préparation spéciale pour traiter les patients atteints du coronavirus, en particulier des équipements de soins intensifs".
"Etat d'urgence sanitaire"
Face à cette situation délétère, le député Assem Araji, qui préside la commission parlementaire de la Santé, a de son côté appelé le gouvernement sortant à déclarer l'état d'urgence sanitaire dans le pays et à contraindre l'ensemble des hôpitaux publics et privés à recevoir tous les patients sur base du décret législatif publié en 1983 stipulant la nécessité d'ouvrir les hôpitaux, lors d'un entretien sur le site du journal al-Anba'. "Si ces hôpitaux ouvraient des départements coronavirus et recevaient chacun seulement dix patients, le problème serait résolu, mais malheureusement, nous sommes dans un pays où l'on se dispute à propos de tout", a souligné M. Araji, se disant surpris des gens qui "continuent d'aller se baigner et sortir comme s'ils ne se sentaient pas concernés". Et Araji d'appeler à décréter un état d'urgence sanitaire, "seule solution à la crise à l'heure actuelle". "Chaque jour, entre 50 et 60 patients sont admis à l'hôpital dans les départements dédiés au coronavirus, actuellement, il nous manque 400 à 500 lits et 67 hôpitaux refusent encore d'accueillir des patients atteints du coronavirus" a -t-il déploré, s'étonnant qu'aucune sanction n'ait été prise à leur encontre. "Il semble que chaque hôpital appartient à un parti politique, or c'est la responsabilité du ministère de la Santé et de l'État, ceux-ci doivent clarifier à l'opinion publique les raisons qui les empêchent d'être tenus pour responsables."
Le directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, Firas Abiad, a pour sa part blâmé les autorités qui ont voulu ménager intérêts sanitaires et économiques à la fois, en refusant de procéder à un confinement intégral. "Les contagions à domicile ne sont pas un événement isolé et il est donc extrêmement important de contrôler la propagation de la transmission communautaire", a affirmé M. Abiad sur son compte Twitter. "Attribuer l'augmentation récente du nombre de cas de coronavirus aux infections à domicile est incorrect et revient à éluder la cause réelle, à savoir permettre la reprise d'une activité quasi-normale malgré le taux de tests positifs supérieur à 13%", a-t-il déploré. "Il est important de tirer cette leçon. (...) Un changement de direction et une approche stricte sont nécessaires si nous voulons éviter de sombrer davantage".
L'appel à un renforcement du confinement a également été lancé par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. "Au vu de la détérioration très dangereuse de la situation sanitaire dans le pays, le gouvernement sortant doit décider immédiatement de boucler le pays de manière totale, complète et stricte (...)", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Photo polémique
Mardi, le gouvernement avait annoncé les modalités du nouveau confinement qui prévoit notamment un couvre-feu entre 18h et 5h ainsi que la fermeture de nombreux secteurs. Le pouvoir avait apporté jeudi une série de modifications aux mesures d'exception initialement annoncées.
Par ailleurs, suite à la diffusion sur les réseaux sociaux d'une photo sur laquelle on aperçoit des membres des Forces de sécurité intérieure (FSI) assis dans un café dans le Hermel, sans distanciation sociale, en train de fumer le narguilé, photo qui a suscité l'indignation des internautes, la police n'a pas tardé à réagir. "Après un suivi de cette affaire, il s'est avéré que le mardi 5 janvier 2021, des policiers de la région du Hermel ont mangé dans un restaurant à l'occasion de la promotion de certains de leurs collègues", ont confirmé les FSI dans un communiqué, soulignant toutefois que "le confinement a commencé à être appliqué à partir du 7 janvier". "Des mesures disciplinaires ont été prises à l'encontre des agents pour non-respect des mesures de prévention sanitaire et un procès-verbal a été dressé à l'encontre du propriétaire du restaurant pour la même infraction", ont précisé les FSI.
commentaires (6)
Mais au lieu d’inventer le fil à couper le beurre, prenons exemple tout simplement sur l’Europe. Fermeture totale sauf pour les commerces d’alimentation et les établissements médicaux. Sortie limitée à 1 heure par jour pour l’achat de l’indispensable. Mais fermer l’aéroport serait une grande bêtise tout comme l’isolement dans des hôtels de 2 jours n’est qu’une grande opération commerciale. Dito pour le test PCR à l’arrivée facturé 50$ en fresh dollar soit presque 450.000LL alors qu’il est facturé 150.000LL par tous les laboratoires
Lecteur excédé par la censure
21 h 44, le 10 janvier 2021