Contraintes de jongler depuis plus d’un an de crise avec la coexistence de plusieurs taux de change dollar/livre – à savoir la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar ; le taux officiel des agents de change fixé par la Banque du Liban (BDL) à 3 900 livres ; et le taux des revendeurs illégaux qui flotte autour de 8 500 livres –, les entreprises libanaises sont désormais autorisées à prendre en compte le taux du marché parallèle dans leur comptabilité.
Dans une récente décision (1/893, publiée le 31 décembre 2020), le ministère des Finances a en effet autorisé toutes les entreprises « contribuables » du pays (sociétés privées, sous-traitants privés en contrat avec l’État et auto-entrepreneurs) à enregistrer leurs achats de marchandises ou d’actifs en livres en se basant sur le taux du marché parallèle. Jusqu’à présent, ces contribuables étaient contraints de calculer leurs prix en livres en tenant compte du taux officiel et devaient, à la fin de l’année comptable, inscrire la différence de change en tant que perte dans leurs comptes de résultat, ce qui posait d’importantes difficultés sur le plan comptable.
« Prix véritable payé »
« Le ministère des Finances reconnaît officiellement qu’il y a un taux de change parallèle, désigné par l’expression “prix véritable payé” inscrit dans la décision », explique à L’Orient-Le Jour Nadim Daher, membre du conseil de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) et associé-gérant de Daher & Partners. « Cette décision va aider les entreprises à clôturer leurs comptes de l’exercice 2020 en prenant en considération la fluctuation du taux de change », ajoute-t-il.
En pratique, une société qui achète un ordinateur à 1 000 dollars pour équiper ses bureaux ou qui vend 1 000 dollars de marchandises dans le cadre de son activité pourra désormais inscrire l’une ou l’autre opération dans ses comptes à leur valeur en livres au taux du marché parallèle en vigueur à la date à laquelle la somme a été enregistrée – soit 8,5 millions de livres au lieu 1,5 million hier, par exemple.
Saluant cette décision pour laquelle il avait milité, notamment dans une tribune publiée le 7 septembre dans Le Commerce du Levant, Nadim Daher considère toutefois que le ministère devrait rapidement préciser certains éléments restés flous.
En premier lieu, la décision ne fait aucune référence à la source pouvant être retenue pour déterminer le taux de change parallèle. Or, ce dernier, utilisé par les revendeurs illégaux, mais aussi par une grande partie des agents agréés ainsi que par les réseaux d’entrepreneurs et de particuliers qui se sont formés depuis le début de la crise, est relayé chaque jour par une multitude de sites et d’applications qui ont vu le jour depuis que la livre a commencé à dévisser. Des sites et applications non reconnus par l’État. Une partie de ces sites avaient même été temporairement bloqués par les autorités en mai 2020, dans le cadre d’une vaste opération visant à appréhender les changeurs illégaux, mais qui n’avait finalement pas durablement perturbé l’activité sur le marché noir. De plus, l’expression « prix véritable payé » utilisée ne permet pas de savoir avec certitude si la décision du ministère englobe également le taux imposé par l’application Sayrafa, réservée aux agents de change et opérée avec les banques du pays. Elle institue actuellement le taux de 3 850 livres pour un dollar à l’achat et 3 900 livres à la vente.
Cas de la TVA
Seconde zone floue, la décision ne donne aucune indication concernant les conséquences de cette décision sur le calcul de la TVA, qui était pourtant l’un des principaux problèmes pratiques posés par les règles fiscales en vigueur. « Je suppose que le ministère souhaite que la TVA soit désormais calculée en prenant pour base le prix en livres au taux réel, mais le ministère est resté muet sur cette question. D’autres décisions devraient suivre », commente Nadim Daher. Contacté, le ministère des Finances n’était pas en mesure de donner plus d’informations sur ce point dans l’immédiat.
« Jusqu’à présent, les entreprises encaissaient séparément la TVA en livres sur base du taux officiel, tandis que les transactions liées étaient encaissées en dollars ou en livres au taux parallèle. Avec la nouvelle décision, tout devrait pouvoir être calculé sur base du taux du marché », expose encore Nadim Daher. Il considère que seuls les entrepreneurs qui facturaient en dollar mais encaissaient en livre la totalité de la somme pourraient se retrouver exposés à un risque de redressement fiscal.
Nadim Daher souligne enfin l’incompatibilité d’une des dispositions de la décision avec les règles comptables internationales. « Le texte prévoit que toute différence de change latente liée à des marchandises acquises mais non encore vendues n’affecte pas les comptes de résultat des entreprises et doit être enregistrée sur un compte de régularisation à l’actif ou au passif du bilan (comptable) jusqu’à ce que les marchandises en question soient écoulées. Or, cette disposition est contraire aux normes comptables internationales IFRS, et notamment l’IAS 21 sur les effets des variations des cours des monnaies étrangères, qui exigent justement que ces différences latentes soient inscrites dans le compte de résultat », conclut Nadim Daher.
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Bande de voyous, de gangsters et de voleurs, rendez nous notre épargne avant de penser à encaisser des taxes et des impôts de la population. Vous devez tous être pendus haut et court pour vos crimes
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21 h 10, le 06 janvier 2021