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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

En Cisjordanie, la « techno » n’est pas au goût de tous

L’arrestation de Sama Abdulhadi, DJ palestinienne de renom, relance la polémique quant aux méthodes répressives de l’Autorité palestinienne.


En Cisjordanie, la « techno » n’est pas au goût de tous

La musicienne palestinienne Sama Abdulhadi à Paris, où elle séjournait pour une résidence artistique, le 7 décembre 2017. Lionel Bonaventure/AFP

Une « rave party » dans un lieu saint de l’islam. Il n’en fallait pas plus pour mettre à jour les contrastes de la société palestinienne. Sama Abdulhadi, la « reine de la techno palestinienne », a été arrêtée dimanche à Ramallah par les forces de sécurité palestiniennes, après une soirée de Noël organisée à Maqam Nabi Moussa, près de Jéricho en Cisjordanie. Un évènement festif, qui avait reçu l’aval des autorités, mais qui a suscité la colère d’une partie de la frange conservatrice de la population, notamment en raison de la présence de larges quantités d’alcool.

Alors que des dizaines de jeunes étaient venus pour l’occasion de Ramallah, Bethléem ou Jérusalem-Est, des centaines de religieux opposés à la tenue de l’évènement se sont rendus sur place dans la soirée de samedi afin de manifester leur colère et de chasser les participants. Le lendemain, des dizaines d’autres sont venus y prier, tout en détruisant et brûlant le matériel de la fête sur le site.

A la suite de l’arrestation de l’artiste et musicienne, une demande de libération sous caution a été refusée, tandis que sa détention a été renouvelée, mardi, pour 15 jours supplémentaires sous le motif que « la musique techno ne fait pas partie de l’héritage palestinien » .

La jeune femme de 30 ans était connue des médias, considérée comme l’une des premières à avoir importé la musique électronique en Palestine, l’une des meilleures DJ de la région, et l’une des rares femmes dans le domaine. En quelques jours, une pétition en ligne réclamant sa libération immédiate a obtenu des dizaines de milliers de signatures à travers la région.La controverse déclenchée tient en partie à la nature sensible du lieu. Maqam Nabi Moussa, où Moïse serait enterré selon l’islam, est considéré par certains comme un lieu saint. Datant du XIIe siècle, le site avait servi comme centre de réhabilitation pour drogués, avant d’être récemment rénové et transformé en centre touristique pourvu d’un hôtel et d’une mosquée dans le cadre d’un projet financé par l’Union européenne.

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« Nabi Moussa n’est pas simplement un site religieux, mais également un lieu touristique », a affirmé à l’AFP Ammar Dweik, directeur de la Commission palestinienne indépendante pour les droits de l’homme. « Si la musique électronique n’y est pas appropriée, le ministère n’aurait pas dû donner son accord », poursuit ce dernier. Sur les réseaux sociaux, certains craignent également que l’évènement ne dépasse le cadre palestino-palestinien et soit récupéré par Israël, qui pourrait à l’avenir avoir recours à l’argument de la « liberté d’expression » afin d’organiser des soirées similaires dans des lieux saints de l’islam.

États policiers parallèles

Pour l’heure, c’est surtout l’Autorité palestinienne qui est au cœur des critiques. « Le gouvernement a donné la permission de faire cette soirée, avant de procéder à des arrestations pour la même raison ! », s’indigne un jeune sur Twitter. L’Autorité palestinienne est tenue pour responsable d’avoir autorisé l’évènement : le site relève de la responsabilité du ministère du Tourisme, dont l’accord écrit a été obtenu avant la soirée. « La détention de Sama Abdulhadi, afin d’apprivoiser la colère publique, est une fuite officielle de la part de l’Autorité palestinienne, qui se cache derrière Sama au lieu de faire face à la crise et d’assumer sa responsabilité », déclare la pétition en ligne.

L’Autorité palestinienne, qui craint que l’incident ne porte atteinte à la crédibilité du gouvernement, a lancé une commission d’enquête afin de « déterminer ce qu’il s’est passé à Nabi Moussa ». Le Premier ministre, Mohammad Chtayeh, a quant à lui appelé à tenir pour responsables devant la justice les organisateurs. Des organisations de défense des droits de l’homme ont, de leur côté, appelé à la libération de la jeune femme et au respect de la liberté d’expression, culturelle et artistique. Pour Shawan Jabarin, directeur général de l’organisation de défense des droits palestiniens al-Haq interrogé par l’AFP, cette arrestation est « arbitraire » et vise à satisfaire une partie de l’opinion publique palestinienne.Le bilan en matière des droits de l’homme de l’Autorité palestinienne, et des organes sécuritaires et militaires palestiniens plus généralement, est montré du doigt depuis plusieurs années. Des organisations dénoncent la généralisation des méthodes répressives, d’arrestations arbitraires et de tortures afin de faire taire toute opposition politique.

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Au printemps, Amnesty International appelait les autorités de Cisjordanie, mais aussi le Hamas à Gaza, à libérer les personnes arrêtées pour avoir exprimé une opinion critique quant à la gestion de l’épidémie de Covid-19. En 2018, un rapport de Human Rights Watch dénonçait la détention de plusieurs dizaines de personnes « sans raison claire, sinon pour avoir écrit un article ou un post Facebook critique ou pour appartenir au mauvais mouvement politique ou groupe étudiant ». « 25 ans après Oslo, les autorités palestiniennes n’ont qu’un pouvoir limité en Cisjordanie et à Gaza, mais là où ils ont une autonomie, ils ont développé des États policiers parallèles », déclarait alors Tom Porteous, directeur de programme adjoint à Human Rights Watch.

Une « rave party » dans un lieu saint de l’islam. Il n’en fallait pas plus pour mettre à jour les contrastes de la société palestinienne. Sama Abdulhadi, la « reine de la techno palestinienne », a été arrêtée dimanche à Ramallah par les forces de sécurité palestiniennes, après une soirée de Noël organisée à Maqam Nabi Moussa, près de Jéricho en...

commentaires (1)

Abstraction faite des attardés intégristes qui n'aiment ni musique, ni art, ni rigoler, ni rires etc... Il est vrai que ces "boum boum" électroniques sont un vrai casse tête pour des mélomanes ( dont j'en fais partie malheureusement , dans ce siècle de sons électroniques). Heureusement qu'il y a encore des André Rieu, des Guy Manoukian... etc... dans ce monde avec de la vraie musique. Ceci dit "la liberté d'expression musicale" est une liberté non négociable . N'en déplaise aux intégristes de tout poils et ...de toutes barbes.

LE FRANCOPHONE

02 h 19, le 31 décembre 2020

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Commentaires (1)

  • Abstraction faite des attardés intégristes qui n'aiment ni musique, ni art, ni rigoler, ni rires etc... Il est vrai que ces "boum boum" électroniques sont un vrai casse tête pour des mélomanes ( dont j'en fais partie malheureusement , dans ce siècle de sons électroniques). Heureusement qu'il y a encore des André Rieu, des Guy Manoukian... etc... dans ce monde avec de la vraie musique. Ceci dit "la liberté d'expression musicale" est une liberté non négociable . N'en déplaise aux intégristes de tout poils et ...de toutes barbes.

    LE FRANCOPHONE

    02 h 19, le 31 décembre 2020

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