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Un conte de Noël ?

C’est une veillée, dit-on, propice aux contes. Il en est de meilleurs que d’autres, et tout dépend à la fin du talent du conteur. Mais tous parlent de manque, de tristesse et de pauvreté. Ils viennent de temps pas très anciens où le manque de nourriture était chose commune, où les enfants étaient laissés à eux-mêmes, allez savoir pourquoi, soit qu’on en faisait trop, soit qu’on mourait trop jeune, les laissant à leur sort. Pour en rajouter une couche, les soirs de Noël sont toujours, dans les contes, mordus par le froid. Il faut aussi plusieurs strates de malheurs et tout autant de bonté pour faire surgir la magie là où on ne l’attend pas et transporter les enfants de l’autre côté du réel.

On va donc imaginer qu’il fait très froid et même qu’il neige. Pourquoi la neige, d’ailleurs, alors que Noël célèbre la naissance de Jésus et que Jésus est né tout près du désert ? Sans doute parce qu’aux contes, il faut un feu de poêle ou de cheminée vers lequel les mains se tendent et dont s’envole une bonne odeur chaude de châtaignes grillées. Une bonne flambée crée du lien, change la qualité du silence qu’elle enchante de crépitements délicieux. Elle fédère toutes les générations autour des grands-parents auxquels elle donne le meilleur rôle.

À la fin des contes, l’orphelin misérable, la fillette abandonnée ne sont jamais privés de la joie de Noël. Elle leur est même obligatoire. En général, contrairement à ce qui se passe dans la vraie vie, ce sont eux qui reçoivent cadeaux et friandises, alors que les enfants de riches en sont quittes pour un martinet, en punition d’une arrogance dont ils ne sont au fond ni responsables ni conscients, simplement parce qu’ils n’ont pas été éduqués ou qu’ils l’ont mal été. Ou parce qu’on leur a mis en tête qu’ils étaient en droit d’avoir à défaut d’être.

Petit à petit, l’enfance, plus qu’une étape, est devenue un état reconnu et privilégié de la vie. L’enfance a été enfin vue pour ce qu’elle était : un trésor éphémère dont il fallait retenir, pour plus tard, pour soutenir l’adulte qu’on sera devenu, quelques étincelles. Les parents ne pouvaient plus compter sur la magie et les miracles des contes pour émerveiller les petits. Ils le savent, eux, que le père Noël n’existe pas (ce journal ne devrait pas être mis entre les mains des moins de 6 ans). Alors, ils endossent la hotte et s’en vont quérir, entre deux permanences de télétravail, le dragon rose, mais pas rose comme ça, juste à peu près comme ça, avec des yeux qui lancent des rayons bleus, pas rouges ; et aussi le bateau avec lequel on peut aller sur l’eau, jusqu’en Amérique, tu sais ; et aussi un tout petit enfant, pas une poupée, qui pourrait rester avec moi, me parler quand on me gronde, se cacher dans ma boîte à crayons. Et aussi, une boîte en forme de fleur dans laquelle il y aurait une fée que je serais la seule à voir… Ah ! la liste du père Noël… on lui dirait deux mots, celui-là, s’il était pour de vrai. À la fin, il n’y aurait qu’à faire comme l’aviateur du Petit Prince, apporter des boîtes vides et attendre que les enfants y trouvent ce dont ils rêvent, dragons ou moutons.

Est-il triste, ce Noël 2020 ? Est-il joyeux ? Nul ne saurait le dire tant il est mitigé sous nos cieux. Le cœur n’y est pas, ça c’est sûr. On ne va pas énumérer les malheurs extravagants que cette année qui s’achève enfin aura déversés sur nous plus que d’autres. Mais nous avons encore tant de proches qui ne sont pas remis de la double explosion. Tant de deuils impossibles à guérir. Tant de difficultés à nous adapter à une situation économique qui nous a pris de court. Et la pandémie qui s’en mêle, jette les gens dans les hôpitaux, éreinte le personnel soignant déjà à bout de force, instille angoisse et méfiance, rancune peut-être contre des porteurs imprudents ou inconscients qui sèment leur virus avec une légèreté inconsidérée. Mais Noël est une trêve qui nous appelle à laisser une place à l’espérance. Que l’on soit croyant ou pas, comment ne pas voir dans le chaos qui est le nôtre les douleurs d’un travail en cours, d’un accouchement irréversible après lequel rien ne sera jamais pareil ? Il ne tient qu’à nous de soutenir la jeunesse pour amener à la tête de ce pays un sang neuf, inspiré, bienveillant, conscient des enjeux du siècle. Aussi amère que soit cette fête, elle le sera moins pour nous que pour les représentants crapuleux de ce système effondré. Qu’on se le dise : ils n’auront pas notre joie.

C’est une veillée, dit-on, propice aux contes. Il en est de meilleurs que d’autres, et tout dépend à la fin du talent du conteur. Mais tous parlent de manque, de tristesse et de pauvreté. Ils viennent de temps pas très anciens où le manque de nourriture était chose commune, où les enfants étaient laissés à eux-mêmes, allez savoir pourquoi, soit qu’on en faisait trop, soit...

commentaires (1)

Le 25-26 décembre de l’an de disgrâce 2020. Le Père Noël nous a fait parvenir un simple texto, qu’il ne dépose rien au pied du cèdre millénaire. Motif ? Il en a assez de ces publications sur un mode iconoclaste. Que fait-il en ce moment, après que même l’OMS s’est chargée de rassurer tous les enfants du monde, que le microbe du Covid n’a aucune prise sur lui. Boudeur, il préfère écouter en boucle le Weihnachts-Oratorium de Bach (et il a bien raison) plutôt que le rock ‘n roll libanais d’un groupe ayant fait une petite notoriété qui ne dépasse pas les plages de Byblos, sur la figure sacrée des temps de la nativité. Il a bien consulté la météo, que ""les soirs de Noël sont toujours, dans les contes, mordus par le froid"", et qu’il préfère atterrir en Australie par ces temps de canicule, en invité d’honneur d’un barbecue géant, et dont s’envole ""une bonne odeur très chaude de châtaignes grillées"", mais également de viandes et de saucisses. La convivialité australienne ou africaine plutôt que celle de chez nous, où un papa de bonne réputation attendait ses deux fillettes pour les conduire à l’école, avant les fêtes de fin d'année, et qu’il ira dormir dans sa tombe. Images sacrées ou photos compromettantes, le Père Noël n’est pas Libanais.

L'ARCHIPEL LIBANAIS

18 h 03, le 26 décembre 2020

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Commentaires (1)

  • Le 25-26 décembre de l’an de disgrâce 2020. Le Père Noël nous a fait parvenir un simple texto, qu’il ne dépose rien au pied du cèdre millénaire. Motif ? Il en a assez de ces publications sur un mode iconoclaste. Que fait-il en ce moment, après que même l’OMS s’est chargée de rassurer tous les enfants du monde, que le microbe du Covid n’a aucune prise sur lui. Boudeur, il préfère écouter en boucle le Weihnachts-Oratorium de Bach (et il a bien raison) plutôt que le rock ‘n roll libanais d’un groupe ayant fait une petite notoriété qui ne dépasse pas les plages de Byblos, sur la figure sacrée des temps de la nativité. Il a bien consulté la météo, que ""les soirs de Noël sont toujours, dans les contes, mordus par le froid"", et qu’il préfère atterrir en Australie par ces temps de canicule, en invité d’honneur d’un barbecue géant, et dont s’envole ""une bonne odeur très chaude de châtaignes grillées"", mais également de viandes et de saucisses. La convivialité australienne ou africaine plutôt que celle de chez nous, où un papa de bonne réputation attendait ses deux fillettes pour les conduire à l’école, avant les fêtes de fin d'année, et qu’il ira dormir dans sa tombe. Images sacrées ou photos compromettantes, le Père Noël n’est pas Libanais.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    18 h 03, le 26 décembre 2020

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