Aujourd’hui, un mois plus tard donc, les tentes de ces hôpitaux de campagne, les lits et le matériel médical sont toujours dans leurs cartons, entassés dans un entrepôt au sous-sol de la Cité sportive au sud de Beyrouth. Si le nombre quotidien de contaminations a légèrement diminué suite au confinement de deux semaines, le nombre de malades nécessitant une hospitalisation augmente. Or quatre lits sur cinq dans les unités de soins intensifs Covid-19 des hôpitaux libanais sont occupés.
« Il est vraiment urgent que cet hôpital soit mis en place et commence à fonctionner le plus tôt possible », affirme Ali Darwiche, député de Tripoli, à L’Orient Today. « Nous avons un taux de contamination élevé et les hôpitaux de la région sont presque pleins », poursuit-il. Lundi, des manifestants venus de Tripoli se sont rassemblés devant le ministère de la Santé à Beyrouth pour réclamer l’installation de l’hôpital dans leur ville.
Plus tard dans la journée, le ministre de la Santé a donné une conférence de presse au cours de laquelle il a expliqué que plusieurs facteurs empêchaient les hôpitaux d’entamer leurs opérations, notamment un manque de personnel, un équipement inapproprié et le fait que l’emplacement de l’hôpital de Tripoli n’ait pas encore été décidé.
L’équipe technique du ministère de la Santé, accompagnée de Ali Darwiche, avait initialement envisagé le site de la Foire internationale Rachid Karamé pour installer l’hôpital de campagne qatari. Mais, indique M. Darwiche, l’endroit avait été jugé inadapté après que les inspecteurs ont trouvé des structures en béton instables et partiellement effondrées, ce qui posait des risques pour la sécurité. Un membre de l’équipe du ministère, ayant requis l’anonymat car n’étant pas autorisé à échanger avec les médias, assure toutefois que l’équipe est en pourparlers avec plusieurs hôpitaux privés et publics de Tripoli pour voir s’il serait possible d’installer l’hôpital sur un de leurs sites.
« Entre les mains du ministère » En ce qui concerne Tyr, le syndicat des municipalités a déjà préparé un site pour l’hôpital de campagne – 5 000 mètres carrés de terrain dans le parc public de la ville – mais attend les instructions du ministère de la Santé pour continuer. « Nous apporterons toute l’aide possible pour préparer cet hôpital, assure le président du conseil municipal Hassan Dabouq. Mais, maintenant, c’est entre les mains du ministère de la Santé. »
Or selon la députée locale Inaya Ezzeddine, le ministère n’a pas présenté de plan ni de calendrier précis pour le début des travaux sur l’hôpital. Un retard que le fonctionnaire précité du ministère attribue à la complexité de la mise en place d’un hôpital apte à traiter des centaines de patients atteints de Covid-19.
« Un hôpital de campagne n’est habituellement pas censé être une installation permanente pour traiter les patients. Il s’agit généralement d’une installation temporaire en situation de guerre ou de catastrophe pour fournir les premiers soins et les chirurgies d’urgence, jusqu’à ce que le patient puisse être transféré dans un hôpital normal », poursuit-il. Préparer les hôpitaux de campagne à recevoir des patients atteints de coronavirus nécessite d’importants travaux d’infrastructure, comme l’installation de plomberie et de sanitaires adéquats pour garantir que les déchets médicaux potentiellement infectieux ne présentent pas de risque pour la communauté environnante, ajoute-t-il.
Le ministère doit également engager des équipes pour soigner les patients, alors que le système de santé libanais est déjà confronté à une pénurie de personnel. Les hôpitaux à travers le pays ont eux-mêmes du mal à doter leurs unités Covid-19, et médecins et infirmières sont contraints de travailler de longues heures pour un salaire dérisoire.
« Il ne sert à rien d’installer l’hôpital si nous n’avons pas ce dont nous avons besoin, qu’il s’agisse du personnel, de la logistique, de l’infrastructure ou de quoi que ce soit d’autre », lance le fonctionnaire.
Lors de sa conférence de presse de lundi, Hamad Hassan avait présenté une justification similaire pour le retard, affirmant qu’il valait mieux attendre que l’hôpital soit entièrement équipé avant de se précipiter. Le ministre a également assuré avoir contacté la Banque mondiale pour obtenir un financement du matériel supplémentaire, mais que la « bureaucratie » faisait obstacle. Contacté par L’Orient Today, le bureau de la Banque mondiale au Liban n’a pas souhaité répondre avant publication de cet article.
Pas de date
Une fois réglée la question du terrain et des infrastructures, c’est l’armée libanaise qui sera responsable de la mise en place des hôpitaux. En attendant, assure le colonel Élias Aad, porte-parole de l’armée, cette dernière veille à ce que les matériaux soient correctement stockés à la Cité sportive jusqu’à ce qu’on lui demande de transporter et d’installer les hôpitaux. Ce qui ne semble pas être pour un avenir très immédiat. Si les « choses évoluent dans la bonne direction », assure le fonctionnaire du ministère de la Santé, il reconnaît ne pas pouvoir donner de date aujourd’hui quant à l’installation des hôpitaux.
Le fait que l’attente se poursuive, alors que les établissements de santé sont de plus en plus sollicités, irrite de plus en plus les autorités locales. « Jusqu’à présent, nous avons pu nous en sortir à Tyr, déclare la députée Ezzeddine. Mais si quelque chose de plus grave devait se produire dans les jours ou les semaines à venir, j’ignore ce que nous serions en mesure de proposer. »
Une inquiétude que partage Ali Darwiche : « L’hôpital doit être installé le plus rapidement possible. Il est totalement injustifié que tout cela traîne davantage. »
* Cet article a été originellement publié en anglais par L’Orient Today, le 11 décembre.
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POUR LAISSER LE CHAMP LIBRE AU FLEAU DE SE REPANDRE PAR LA GRACE DES ABRUTIS MAFIEUX QUI GOUVERNENT CE PAYS.
LA LIBRE EXPRESSION
01 h 23, le 14 décembre 2020