L’annonce, mardi, du recteur de l’AUB, Fadlo Khuri, a eu l’effet d’une petite bombe. Les étudiants devront désormais s’acquitter de leur frais de scolarité au taux fort, celui de 3 900 livres libanaises pour un dollar, appliqué aujourd’hui par les banques pour certaines opérations. Posté à l’angle de la rue Bliss, L’Orient-Le Jour s’est vu refuser l’accès au campus, ce qui pourrait être le signe d’une certaine tension au sein de l’université la plus prestigieuse du Liban. « L’annonce de Fadlo Khuri a ajouté une couche de stress et d’anxiété supplémentaire dans ma vie d’étudiante. Aujourd’hui, je ne suis pas sûre de pouvoir financer la fin de mes études », confie Sally, une étudiante en biologie, qui dit se trouver dans une situation extrêmement difficile. Les études à l’AUB ont toujours été une plus-value indiscutable dans le parcours universitaire d’un étudiant libanais. Mais aujourd’hui, l’enjeu n’en vaut plus la chandelle pour beaucoup, dans un pays dont l’économie s’effondre tandis que le marché de l’emploi s’atrophie. « Il n’y aura pas de travail pour nous ici. Nos parents ont économisé toute leur vie afin de nous offrir la meilleure éducation au sein de l’une des universités les plus prestigieuses de la région. Et finalement, la perspective qui nous attend, ici, c’est le chômage », ajoute Sally.
Au-delà de ces considérations, nombreux sont les étudiants qui estiment que la décision de passer le dollar à 3 900 livres allait sûrement avoir un effet néfaste sur leurs résultats à l’université. En proie à une angoisse et à un mal-être profond, ces jeunes affirment avoir des difficultés à se concentrer sur leurs études avec un tel poids financier infligé à leur famille. La décision de l’AUB vient certainement saper leur moral, déjà fortement entamé par une année terrible pour le Liban, entre la crise financière, les mouvements sociaux, la crise du Covid-19 et aujourd’hui l’hyperinflation. Un étudiant de l’AUB qui paye sa scolarité en moyenne 24 000 dollars, ce qui équivaut à 36 360 000 livres libanaises au taux officiel de 1 515, devra donc désormais s’acquitter de la somme de 93 600 000 LL à l’année, soit une multiplication par trois de ses frais universitaires. Un montant exorbitant pour les familles libanaises – à l’exception des rares qui bénéficient d’un salaire en fresh dollars – qui ont vu leurs revenus s’effondrer depuis le début de la crise. Des familles également souvent touchées par le chômage. Le salaire minimum officiel est aujourd’hui de 675 000 LL par mois, soit 450 dollars au taux officiel, mais moins de 100 dollars au taux du marché noir, supérieur à 8 000 LL ces derniers jours.
« Finir l’année au taux officiel »
Les étudiants en médecine à l’AUB payent, eux, 41 000 dollars à l’année, un montant qui paraît déjà lourd en comparaison avec le prix moyen des universités américaines dans le monde. Ces derniers se trouvent face à une situation complexe, puisque les étudiants en médecine peuvent difficilement changer d’université et continuer leur formation ailleurs, le système américain étant incompatible avec les autres facs de médecine du pays. Ils devront soit s’acquitter des 160 millions de livres libanaises, soit reprendre leurs études à zéro dans un autre établissement, ou encore changer de cap.
Le recteur de l’AUB a affirmé dans son communiqué mardi que cette augmentation des frais est la seule voie pour sauver l’université de la crise que traverse le Liban. L’université offre toutefois à la moitié de ses étudiants des bourses, complètes ou partielles, pour les aider à surmonter ces difficultés. Mais le recteur table aussi sur les étudiants pouvant s’acquitter des frais en dollars frais, un groupe qu’il évalue à 40 % des effectifs, pour compenser les pertes. « Ce que nous demandons maintenant, c’est d’avoir au moins la possibilité de finir l’année au taux officiel. Ce changement de frais en cours d’année est complètement illégal et impossible à gérer pour les familles », argue Myriam, étudiante en 5e année de médecine à l’AUB.
Pour Sherin, une ancienne de l’AUB engagée dans le club laïc, qui a récemment remporté les élections estudiantines, au moins 50 % des étudiants actuellement enregistrés devront quitter l’université. « Aujourd’hui plus que jamais, la place de l’AUB en tant qu’institution nationale ouvrant ses portes à toutes les classes de la société libanaise est remise en cause. Ils veulent transformer cette fac en un lieu élitiste », estime-t-elle.
Nombreux sont les étudiants qui regrettent que l’administration de l’AUB ait pris tout le monde de court avec cette décision. « Nous nous attendions à des augmentations, mais d’une façon graduelle », explique Sherin. De surcroît, l’administration a attendu un moment sensible, celui des examens, pour faire l’annonce et cette étudiante n’y voit pas de hasard. « Cela a été fait de façon intentionnelle, afin de s’assurer que les étudiants soient trop pris par leurs examens pour contester cette augmentation », poursuit la jeune femme. Depuis l’annonce de Fadlo Khuri, les esprits s’échauffent, les associations d’étudiants se mettent en branle, des comités se forment et la réplique s’organise. Certains affirment qu’ils ne laisseront pas passer cette mesure sans un combat pour leur avenir et celui de leur université. Une manifestation des étudiants en médecine est d’ores et déjà prévue aujourd’hui et d’autres facultés devraient suivre prochainement.
Mais c’est sûr que c’est un système élitiste qui est installé à l’AUB depuis belle lurette et que seule une classe moyenne supérieure très aisée peut se permettre......Pensez-y, qui peut se permettre de payer près de 3 à 4000 $ par mois pour que son fils étudie la médecine, sans compter qu’il a 2 à 3 autres enfants aussi dans les universités?....ça prend facilement des gens aux salaires de 10000 $ mensuel et plus ou qui appartiennent à la mafia locale.....J’ai connu des gens qui ont vendu un patrimoine familial pour leurs enfants......Les prêts étudiants n’existent presque pas au Liban..... Alors qu’aux États-unis, la majorité des étudiants en médecine commencent leur carrière avec des dettes moyennes de 200 à 300000 $ qu’ils pourront rembourser en quelques années de travail et revenu garantis...... car ils ont accès à des prêts étudiants facilement et que les démocrates style Bernie Sanders dénoncent, car pour eux, les études sont un droit acquis et devraient être gratuits!......Mais au Liban? C’est, hélas, une grosse blague!
15 h 08, le 10 décembre 2020