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Nos Lecteurs ont la Parole

Magnitsky Act et excommunication financière

– Ah si seulement notre ex-ministre des Affaires étrangères avait la nationalité américaine !

– Et pourquoi donc s’il vous plaît ?

– Eh bien, parce qu’il aurait échappé à l’opprobre et ne serait pas tombé sous la férule du Magnitsky Act. On ne vous l’a peut-être pas dit mais la bipartisan law, plus connue sous le titre officiel et ronflant de « Global Magnitsky Human Rights Accountability Act of 2012 » (GMHRAA), n’a été conçue que pour faire la chasse aux étrangers ; il suffit d’être américain pour se soustraire à son champ d’application.

Ah, si M. Gebran Bassil avait eu la double nationalité, il se serait défilé. Il aurait esquivé l’executive order qui pointe sur lui le doigt implacable du Commandeur, et qui le désigne à la vindicte internationale. Encore une occasion de ratée ! Et c’est d’autant plus regrettable que les sanctions, que cette législation impose, sont aussi coercitives et infamantes en notre monde globalisé que l’excommunication à l’époque médiévale : le malheureux qui est pris dans les filets de cette Némésis n’aura plus droit à un visa US, les éléments de son patrimoine aux États-Unis sont gelés et pas une entité américaine ne pourrait « faire commerce » avec lui sous peine de poursuites.

En bref, le sort qui lui est réservé est celui d’un pestiféré dans le monde du business. Et tant que le dollar est la monnaie-étalon, et qu’on ne connaît pas encore la suprématie du yen dans les transactions internationales, cette mise à l’index équivaut à une mise à mort au niveau commercial et financier.

Pour plus de précisions, la GMHRAA réprime ceux qui sont coupables de violations des droits de l’homme comme ceux qui sont impliqués dans des affaires de corruption publique. Le premier chef d’accusation ne concerne nullement M. Bassil qui, pour ce que l’on sait, n’a pas à son actif une carrière de tortionnaire. Par conséquent, et n’était-ce la présomption d’innocence, c’est parmi les concussionnaires qu’il faudrait le ranger.

Loi scélérate et sanctions sélectives

Or pour sa défense, comme pour celles des oligarques russes et autres kleptocrates africains qui se prélassent sur la Côte d’Azur, on peut relever que le Magnistky Act est une loi « scélérate » qui suscite au moins deux réserves ou exclamations :

1- Voilà que Washington, dans un accès de probité wasp, s’arroge le droit de sanctionner des crimes commis en pays étrangers par des ressortissants étrangers ! L’administration américaine donnerait donc des leçons de morale au monde, alors qu’elle a refusé de se joindre au Statut de Rome de 1998 qui a institué la Cour pénale internationale ; en fait, elle a cherché à « neutraliser la compétence » de cette juridiction pour que ses militaires, engagés dans toutes les régions du globe, n’aient jamais à comparaître devant elle.

Cela dit, en vertu de quelle logique le Magnitsky Act peut-il réprimer les horreurs commises par les geôliers d’une « loubyanka » russe ou syrienne et fermer les yeux sur celles commises par les garde-chiourmes d’une base navale US à Guantanamo ?

2- Mieux encore, cette loi, votée à la quasi-unanimité du Congrès et procédant des meilleures intentions du monde, peut être détournée de son but d’origine. Elle peut être instrumentalisée et servir à perpétuer des pratiques condamnables dans le domaine international. Car la mise en branle des sanctions relève de l’executive order, une décision prise par le seul président américain.

Ainsi tout dépend de son bon plaisir, de sa bonne volonté. C’est quasiment la lettre de cachet qui, sous l’Ancien Régime, embastillait un individu, sans autre forme de procès. Ainsi c’est l’arbitraire qui prévaut et qui, en l’espèce, a incriminé un député libanais plutôt que de dénoncer une altesse pétrolière, qu’on a tout intérêt à flagorner.

La GMHRAA peut se révéler un instrument de chantage : on peut l’agiter pour faire fléchir un officiel étranger récalcitrant. Et pour sa déconvenue, c’est à « l’allogène anathémisé » d’ester en justice devant les juridictions américaines, pour apporter la preuve de son innocence. Et qui plus est, la charge de la preuve est renversée.

Les relations internationales sont régies par les intérêts bien compris des nations, bien plus que par le droit et par l’équité ; et c’est bien pour ces raisons, comme n’a pas manqué de le souligner Henry Kissinger, qu’elles relèvent plus du domaine de l’adversité et des conflits que de celui du droit.

Or nous sommes là dans le domaine de la justice, et quand on entame un combat pour l’équité planétaire et qu’on veut redresser les torts, on ne fait pas dans la dentelle et encore moins dans les frappes sélectives qui s’acharnent sur les uns pour mieux absoudre les autres. L’adage américain « And Justice For All » * veut dire justice pour tous, il ne veut pas dire deux poids deux mesures.

* « Et la justice pour tous », les quatre derniers mots du « Pledge of Allegiance », le serment de fidélité et loyauté aux États-Unis et à son drapeau étoilé.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

– Ah si seulement notre ex-ministre des Affaires étrangères avait la nationalité américaine ! – Et pourquoi donc s’il vous plaît ? – Eh bien, parce qu’il aurait échappé à l’opprobre et ne serait pas tombé sous la férule du Magnitsky Act. On ne vous l’a peut-être pas dit mais la bipartisan law, plus connue sous le titre officiel et ronflant de « Global Magnitsky...

commentaires (2)

Vous écrivez : ""Ah, si M. Gebran Bassil avait eu la double nationalité, il se serait défilé."" On peut discuter à l’infini de l’extraterritorialité du droit américain, et les exemples ne manquent pas. Si la personne que citez avait la double nationalité, c’était peut-être encore pire, où tout citoyen américain, même s’il habite la planète Mars ou près de chez nous Dahyé a l’obligation de déclaration fiscale. Les Américains sont les seuls à prendre en compte la citoyenneté que le lieu de résidence, et des américains se sentant pénalisés préfèrent renoncer à leur passeport. L’OLJ a déjà parlé de FATCA, et autres "Américains accidentels". Pire Ils se disent compétents par la dollarisation de notre économie, et regardez où le vice peut mener. Jusque-là c’est facile à admettre, mais qu’en est-il des embargos qui visent non une personne mais tout un peuple, et cette politique du bâton remonte, si mes souvenirs sont bons, à la guerre d’Espagne et peut-être encore plus loin, donc bien avant la guerre de 1945 qui a consacré les usa l’empire de fait du monde. J’admets que ce n’est pas très WASP comme vous l’écrivez, mais que fait notre pays en perpétuelle recherche d’alliés pour s’en sortir. Ça va être long d’aborder les "compétences universelles" et autres ingérences quand des pays infiniment moins puissants que les States voulaient l’appliquer. C’est toujours la raison du plus fort, et l’ambassadrice en parfaite "mécanicienne de l’empire" se permets de lui rappeler à l’ordre.

L'ARCHIPEL LIBANAIS

13 h 18, le 09 décembre 2020

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Commentaires (2)

  • Vous écrivez : ""Ah, si M. Gebran Bassil avait eu la double nationalité, il se serait défilé."" On peut discuter à l’infini de l’extraterritorialité du droit américain, et les exemples ne manquent pas. Si la personne que citez avait la double nationalité, c’était peut-être encore pire, où tout citoyen américain, même s’il habite la planète Mars ou près de chez nous Dahyé a l’obligation de déclaration fiscale. Les Américains sont les seuls à prendre en compte la citoyenneté que le lieu de résidence, et des américains se sentant pénalisés préfèrent renoncer à leur passeport. L’OLJ a déjà parlé de FATCA, et autres "Américains accidentels". Pire Ils se disent compétents par la dollarisation de notre économie, et regardez où le vice peut mener. Jusque-là c’est facile à admettre, mais qu’en est-il des embargos qui visent non une personne mais tout un peuple, et cette politique du bâton remonte, si mes souvenirs sont bons, à la guerre d’Espagne et peut-être encore plus loin, donc bien avant la guerre de 1945 qui a consacré les usa l’empire de fait du monde. J’admets que ce n’est pas très WASP comme vous l’écrivez, mais que fait notre pays en perpétuelle recherche d’alliés pour s’en sortir. Ça va être long d’aborder les "compétences universelles" et autres ingérences quand des pays infiniment moins puissants que les States voulaient l’appliquer. C’est toujours la raison du plus fort, et l’ambassadrice en parfaite "mécanicienne de l’empire" se permets de lui rappeler à l’ordre.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 18, le 09 décembre 2020

  • Merci

    Massabki Alice

    01 h 00, le 09 décembre 2020

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