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Politique - Gouvernement

Les Affaires étrangères : quel ministre pour quelle politique étrangère ?

Le CPL ne voit « aucun problème » à ce que ce poste relève de la quote-part haririenne.

Les Affaires étrangères : quel ministre pour quelle politique étrangère ?

Gebran Bassil au ministère des AE. Photo d’archives AFP

Les critères unifiés et le choix des ministrables chrétiens : c’est autour de ces deux points que s’articule le bras de fer opposant le Premier ministre désigné Saad Hariri au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, mais aussi au président de la République Michel Aoun. D’où le surplace que fait actuellement le processus gouvernemental.

Tandis que nombreux sont ceux qui estiment que le prochain cabinet sera le dernier sous le mandat Aoun, les protagonistes jouent leur va-tout politique pour peser sur les grandes lignes de la prochaine phase, notamment en ce qui concerne la politique étrangère du Liban. Certes, pour le moment, le ministère des Affaires étrangères ne semble pas être au centre d’une bataille politique acharnée entre Saad Hariri et Gebran Bassil, lui-même ex-chef de la diplomatie pendant près de six ans entre 2013 et 2019. À moins de deux ans des législatives prévues en principe en mai 2022, les divers partis se disputent plutôt les portefeuilles qualifiés de « juteux » et ceux dits de services, ainsi que les ministères qui leur permettent de consolider leur emprise sur les institutions de l’État. Il s’agit de l’Intérieur, de la Défense, des Travaux publics et de l’Énergie, pour ne citer que ces exemples. C’est ce qui ressort d’ailleurs des propos tenus jeudi dernier par le leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt. Dans une interview accordée à la chaîne panarabe Sky News, il avait déploré que le Courant patriotique libre ait obtenu l’Intérieur, l’Énergie, la Défense et la Justice. Ce alors que M. Hariri n’a toujours pas présenté sa mouture au président Aoun.

La bataille pour les portefeuilles juteux ne réduit toutefois en rien l’importance politique du ministère des Affaires étrangères dans un pays rarement épargné par les crises et jeux d’influence régionaux. Un pays qui, en outre, peine toujours à définir sa politique étrangère, les uns prônant la distanciation, tandis que les autres, ceux gravitant dans l’orbite de la moumanaa, y sont hostiles, même si cela serait à même de menacer les rapports entre le Liban et les pays arabes, notamment ceux du Golfe, qui abritent une large partie de la diaspora libanaise et ont pu être des soutiens économiques du pays.

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Tout semble donc dépendre de la personnalité et des affinités politiques du futur chef de la diplomatie, sachant que le cabinet est supposé inclure des spécialistes indépendants des protagonistes décriés par le mouvement de contestation.

Certains observateurs rappellent dans ce cadre que le mandat du leader du CPL, principal allié du Hezbollah, au ministère des Affaires étrangères a témoigné d’une véritable « descente aux enfers » du Liban. D’autant que Gebran Bassil était accusé d’écarter le Liban, membre fondateur des Nations unies et de la Ligue des États arabes, de son environnement naturel. En pleine crise entre l’Iran et l’Arabie saoudite, rappellent ces observateurs, le Liban, représenté par son ministre des Affaires étrangères, s’était abstenu de condamner les attaques perpétrées en 2016 contre l’ambassade saoudienne à Téhéran. Le 2 janvier 2016, des manifestants avaient mis à sac la représentation diplomatique en réaction à l’exécution du dignitaire chiite saoudien Nemr el-Nemr dans le royaume. Gebran Bassil avait en outre plaidé à plusieurs reprises pour une réintégration de la Syrie de Bachar el-Assad au sein de la Ligue arabe.

Ce n’est que très tardivement, en septembre 2019, que le chef de la diplomatie a tenté de rééquilibrer la position du Liban concernant les conflits des axes. Il avait notamment condamné les attaques perpétrées le 14 septembre 2019 contre le géant pétrolier saoudien Aramco. M. Bassil a aussi pris le soin de dénoncer des frappes saoudiennes au Yémen, autre champ de bataille politico-militaire entre Riyad et Téhéran.

La rotation des portefeuilles

Aujourd’hui, la formation du nouveau cabinet intervient dans un contexte particulier : le Liban, plongé dans de graves crises économique, financière et sanitaire, auxquelles est venue s’ajouter la tragédie du 4 août, a un besoin pressant d’aide internationale. Et donc d’un ministre des Affaires étrangères capable d’assurer l’ouverture du pays tant vers l’Orient que l’Occident.

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Dans ce contexte, certains observateurs hostiles à la moumanaa craignent un retour du Hezbollah ou de ses alliés à la tête de la diplomatie libanaise. D’autant que le principe de la rotation des quatre portefeuilles dits régaliens, à savoir la Défense, l’Intérieur, les Finances et les Affaires étrangères, a rapidement été enterré. Prôné initialement par Saad Hariri, ce principe devait s’appliquer à ces portefeuilles, avant que le Premier ministre désigné n’appelle à ce qu’il soit respecté lors du partage des portefeuilles de services. Une façon pour lui de justifier la concession faite au tandem chiite. Dans une volonté de faciliter sa mission, M. Hariri avait accepté de maintenir les Finances aux mains du tandem chiite et la possibilité pour lui d’en nommer le ministre. Une proposition qui n’avait pas tardé à susciter la colère de Baabda et du CPL. Ces deux parties ont donc brandi l’exigence de critères unifiés pour prendre part au choix des ministres, au même titre que le tandem Amal-Hezbollah.

Ce contexte tendu prête à croire que tous les ministères, y compris les Affaires étrangères, feraient l’objet d’un bras de fer entre MM. Hariri et Bassil, chacun voulant y imposer son orientation pour la prochaine phase. Mais dans les milieux haririens comme dans les cercles aounistes, on assure qu’il n’en est rien. Contacté par L’Orient-Le Jour, un parlementaire aouniste confie que dans le cadre de sa toute première mouture, Saad Hariri avait réparti les quatre ministères régaliens comme suit : les Finances à un chiite, l’Intérieur et la Défense aux chrétiens (maronite et grec-orthodoxe respectivement) et les Affaires étrangères à un sunnite. Et d’affirmer que le CPL n’y voit aucun problème.

Attribuer les Affaires étrangères à un sunnite signifie confier le poste à un haririen après le refus de Walid Joumblatt d’y nommer un druze, préférant la Santé ou les Affaires sociales, « comme l’avait promis M. Hariri », confie un proche de Moukhtara à L’OLJ.

La politique de distanciation

Ce serait naturellement une opportunité pour Saad Hariri de tenter de rééquilibrer la position du Liban sur le plan international. Il serait ainsi en capacité de tenter un rapprochement avec les pays arabes, tout en renforçant les liens avec la communauté internationale. « Cela signifie qu’il souhaite jouer un rôle à l’échelle internationale et faire usage du levier diplomatique que son père Rafic Hariri avait utilisé tout au long de sa carrière politique », commente pour L’OLJ l’analyste politique Karim Bitar, avant d’ajouter : « M. Hariri a finalement compris que pour sortir de la crise, il faut passer par une réintégration du Liban dans un système international. » Et d’appeler le futur chef de la diplomatie à adopter la politique de « distanciation ». Il est rejoint sur ce point par Nassif Hitti, ancien ministre des AE. « Il faut opter pour une neutralité intelligente, c’est-à-dire qu’il faut savoir quand et comment prendre une position utile », dit-il, insistant par ailleurs sur la nécessité de choisir une personnalité dotée d’une certaine marge de liberté.

Les critères unifiés et le choix des ministrables chrétiens : c’est autour de ces deux points que s’articule le bras de fer opposant le Premier ministre désigné Saad Hariri au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, mais aussi au président de la République Michel Aoun. D’où le surplace que fait actuellement le processus gouvernemental. Tandis que nombreux sont ceux qui...

commentaires (6)

De 2013 -2019 Mr. Bassil ministre des affaires Étrangère , on voit le résultat l'Occident a laissé tomber le Liban comme des vieilles chaussettes. Dans mon temps le ministère des affaires étrangeres était aux Grecs Orthodoxes

Eleni Caridopoulou

20 h 24, le 07 décembre 2020

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Commentaires (6)

  • De 2013 -2019 Mr. Bassil ministre des affaires Étrangère , on voit le résultat l'Occident a laissé tomber le Liban comme des vieilles chaussettes. Dans mon temps le ministère des affaires étrangeres était aux Grecs Orthodoxes

    Eleni Caridopoulou

    20 h 24, le 07 décembre 2020

  • Le CPL ne voit « aucun problème » à ce que ce poste relève de la quote-part haririenne. ET VOUS COONTINUEZ A DIRE QUE SEUL AOUN SE MELE DE FORMER LE GOUVERNEMENT AVEC HARRIRI POUR COMBIEN DE TEMPS VOUS ALLEZ NOUS FAIRE CROIRE QUE BASSIL NE TIRE PAS LES FICELLES ET QUE AOUN EST JUSTE LA FACADE?

    LA VERITE

    13 h 36, le 07 décembre 2020

  • La photo de l'article est top . Expressive.

    LE FRANCOPHONE

    12 h 42, le 07 décembre 2020

  • Tout continue à se faire en bafouant la constitution. Ils s’en sont pris à la justice, la jurisprudence et maintenant à l’armée les trois piliers d’un état démocratique en les soudoyant pour mieux les dominer et maintenant ils continuent le partage sûrs que rien ne peut plus les ébranler. Alors pourquoi ne pas former un gouvernement anticonstitutionnel sans l’accord de ces vendus qui prônent le respect de la constitution alors qu’ils l’ont bafoué et piétiné et ainsi les renvoyer dans leurs retranchement avec l’aide de l’armée qui assurerait le sauvetage du pays loin de ce marchandage nauséabond? C’est la seule solution et le Liban ne sera pas le premier pays à avoir recours à cette méthode pour restaurer l’autorité de notre état. Ça n’est pas le HB qui oserait retourner ses armes contre l’armée nationale il serait lynché par,le,peuple et le monde qui n’attend qu’un seul faux pas pour l’anéantir. C’est le moment où jamais alors à l’action. Un gouvernement technocrate et rien d’autre et advienne que pourra. Qui ne tente rien n’a rien.

    Sissi zayyat

    12 h 00, le 07 décembre 2020

  • "Tandis que nombreux sont ceux qui estiment que le prochain cabinet sera le dernier sous le mandat Aoun"... "Le dernier cabinet" veut donc dire qu'on en a eu des cabinets durant ce aahed??? Really?! ?? L'iran s' aggripant des decisions du pays depuis 2006 et tenant les rênes du pouvoir au Liban depuis 2016 peut on vraiment croire qu'on a eu des cabinets ou plutôt des groupes de marionnettes aux ficelles, très souvent, grossièrement visibles. Ces cabinets ne sont formés que par des figurants qui ne font que gober des dizaines de salaires obscènes pour la seule tâche de livrer la Patrie et le Peuple à l'abattoir!!!!........... Ya ayb el choum!!!

    Wlek Sanferlou

    11 h 19, le 07 décembre 2020

  • Pour Bassil. l'essentiel est l'Energie. Il ne tient pas à ce qu'y soit nommé un ministre intègre: il risquerait d'être tenté d'examiner la gestion de ses prédécesseurs et Bassil , se retrouvant devant les tribunaux, perdrait ses chances de succéder à son beau-père sur le fauteuil de Baabda. Pour assurer ses arrières, il tient également au portefeuille de la Justice.

    Yves Prevost

    07 h 18, le 07 décembre 2020

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