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Idées - Humanitaire

Assurer une gestion transparente et efficace de l’aide internationale au Liban

Assurer une gestion transparente et efficace de l’aide internationale au Liban

Le président français Emmanuel Macron lors de la visioconférence sur l’aide financière au Liban, le 2 décembre 2020. Ian Langsdon/AFP

Quatre mois après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth, la communauté internationale s’est à nouveau réunie cette semaine pour « réaffirmer sa solidarité avec la population libanaise » et annoncer que plus de 280 millions d’euros avaient été décaissés (contre 250 millions promis en août dernier). Comme depuis le début de la crise économique, sociale et désormais humanitaire que traverse le pays, elle a toutefois assorti cette annonce d’un nouvel appel aux autorités à mettre en œuvre les réformes promises, faute de quoi « l’aide structurelle internationale ne pourrait être déclenchée », comme l’a rappelé le président français Emmanuel Macron.

Si lors des nombreuses crises qu’il a traversées dans son histoire, le Liban a souvent pu compter sur une aide internationale de grande ampleur pour financer la reconstruction et son redressement social et économique, cette fois-ci, le contexte est différent à bien des égards.

D’abord du fait du cumul des crises que traverse le pays : aux dégâts de l’explosion du 4 août, dont le coût est estimé entre 6,6 et 8,1 milliards de dollars par la Banque mondiale, s’ajoutent les conséquences d’une crise sans précédent : les estimations récentes du Fonds monétaire international tablent sur une contraction du PIB de 25 % en 2020 qui, conjuguée à une inflation galopante, a précipité ainsi plus de la moitié des Libanais dans la pauvreté.

Défiance

Ensuite, en raison du contexte de profonde défiance à l’égard des institutions publiques de la part des acteurs internationaux comme de la société civile, cette dernière a alerté à de multiples reprises sur le risque de détournement de cette aide par une classe politique et une administration jugées corrompues et inefficaces. Dans une enquête publiée en septembre par la Banque mondiale et réalisée auprès de résidents des quartiers touchés, moins de 10 % des personnes interrogées se sont dit confiantes ou très confiantes que les fonds de l’aide seraient « dépensés de manière transparente », « aideront ceux qui en ont le plus besoin » ou seront « utilisés de manière équitable ».

Résultat, les ONG et la société civile ont pris à bras-le-corps le processus d’aide et de réhabilitation, palliant ainsi l’absence criante des administrations publiques sur le terrain et le manque de confiance des Libanais dans leur État. Toutefois, avec la multitude d’acteurs sur le terrain, les efforts de réhabilitation et de distribution des aides demeurent fragmentés. L’insuffisance de structures de coordination entre organisations hétéroclites a augmenté le risque de duplication des efforts et les déficiences en termes de ciblage. Selon nos estimations, la capacité des ONG reste limitée, ne pouvant couvrir plus de 20 % des besoins des quelque 40 000 ménages prioritaires. À cela s’ajoutent les initiatives privées dont les promesses d’aides devaient atteindre (selon nos estimations) 61 millions de dollars, avec une grande portion d’aide en nature qui s’est avérée coûteuse à gérer.

Il est clair qu’à l’approche d’une phase de gestion de sortie de crise, où se mêlent besoins humanitaires, socio-économiques et efforts de reconstruction, le processus de reprise ne pourrait perdurer que grâce à une gouvernance crédible et une gestion transparente et efficace de l’aide.

Cette réussite peut être assurée par la mise en place d’un mécanisme clair de gestion de l’aide humanitaire qui repose sur un partenariat solide entre donateurs, organisations multilatérales, ONG locales et État libanais dont il faudrait restaurer la crédibilité et l’impartialité.

Coordination

Une manière de restituer le pacte de confiance entre les différents partenaires et d’assurer un processus transparent, efficace, avec des responsabilités clairement définies. Le succès d’une telle démarche nécessite la création d’une structure de coordination et de gestion de l’aide dont la mission ultime serait d’aligner les fonds sur les besoins prioritaires des citoyens et du pays.

L’analyse des meilleures pratiques internationales et du contexte libanais montre qu’une telle structure doit reposer sur quatre piliers principaux. Le premier consiste à mettre en place une feuille de route articulée autour d’objectifs clairs en matière de reconstruction, d’infrastructure mais aussi de protection sociale et de relance de l’activité économique. Cette feuille de route doit être en phase avec un programme de stabilisation et de réformes économiques à l’échelle nationale.

Le deuxième pilier traite du mode de gouvernance qui représente la pierre angulaire de cette structure. Il vise à mettre en place une instance de prise de décision et de surveillance, regroupant représentants des pays donateurs, organisations internationales et ONG, aux côtés de représentants de l’État. Ce même mode de gouvernance assurera aussi la gestion et la traçabilité des dons et des fonds engagés à travers un instrument du type « Multi-Donor Trust Fund ». Cela permettra de conférer au processus la crédibilité nécessaire et de rétablir la confiance dans les institutions publiques. Cette structure doit être secondée par un secrétariat opérationnel en charge du suivi de l’avancement des travaux et des progrès accomplis, de l’attribution des projets et du déboursement des dons en toute transparence.

Le troisième pilier consiste en une stratégie de communication fondée sur un dialogue ouvert et continu avec tous les partenaires (secteur privé, syndicats et organisations de la société civile) de manière à mobiliser les différentes communautés et les instances locales.

Le quatrième et dernier pilier concerne la récolte et le partage de l’ensemble des données relatives à la gestion de l’aide. Aujourd’hui, ces dernières sont fragmentées du fait de la coexistence de deux bases de données, l’une gérée par l’ONU et ne regroupant que les aides transitant par ses agences, et l’autre gérée par le gouvernement qui s’avère lacunaire sur de nombreux points. Il conviendrait donc de consolider ces données au sein d’une plateforme unique, basée sur les critères internationaux (« Aid Information Management System ») et qui regroupe en amont les données sur les donateurs, les bénéficiaires, les fonds engagés, les déboursements, et permet en aval la traçabilité des fonds et la production d’informations stratégiques pour une prise de décision rapide et efficace, mais aussi la publication de rapports détaillés.

L’ampleur de la crise actuelle appelle à une mise en place rapide de ce type de mécanisme qui représente un maillon essentiel dans le regain d’une confiance depuis longtemps perdue.

Zena Kassem, Économiste et experte en finances publiques au cabinet de conseil Inventis.

Nadine Aboukhaled, Économiste et directrice de projets au cabinet de conseil Inventis.

Quatre mois après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth, la communauté internationale s’est à nouveau réunie cette semaine pour « réaffirmer sa solidarité avec la population libanaise » et annoncer que plus de 280 millions d’euros avaient été décaissés (contre 250 millions promis en août dernier). Comme depuis le début de la crise économique, sociale et...

commentaires (4)

D’abord du fait du cumul des crises que traverse le pays : faux la seule crise c est ceux qui gouvernent ce pays ils font tout pour rester il faut commencer par faire le menage de tous ceux qui sont trompés dans des enrichissements illicites depuis 30 ans pas seulement les fonctionnaires , et les politiques qui possedent une fortune au liban et à l étranger avec la bénédiction de certains pays donnateures.

youssef barada

17 h 03, le 06 décembre 2020

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Commentaires (4)

  • D’abord du fait du cumul des crises que traverse le pays : faux la seule crise c est ceux qui gouvernent ce pays ils font tout pour rester il faut commencer par faire le menage de tous ceux qui sont trompés dans des enrichissements illicites depuis 30 ans pas seulement les fonctionnaires , et les politiques qui possedent une fortune au liban et à l étranger avec la bénédiction de certains pays donnateures.

    youssef barada

    17 h 03, le 06 décembre 2020

  • AVEC LES MEMES CLIQUES MAFIEUSES QUI GOUVERNENT LE PAYS DEPUIS AU MOINS LES TROIS DERNIERES DECENNIES ET SURTOUT DEPUIS LE PRESENT MANDAT N,ATTENDEZ PAS ET N,ESPEREZ PAS LIBANAIS LA MANNE ARABO/OCCIDENTALE. DE PAIN SEC ET DE VINAIGRE CITOYEN LIBANAIS TU VIVRAS ET CA SI LES MAFIEUX EN LAISSENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 31, le 06 décembre 2020

  • Ce programme serait pour les années 2030

    Esber

    06 h 27, le 06 décembre 2020

  • J'AI LU DANS CE JOURNAL QUE AOUN A CONFISQUÉ MÊME LE THÉ SRI LANKAIS DESTINÉ AUX VICTIMES DE L'EXPLOSION ET L'A DISTRIBUÉ À SES GARDES DE CORPS ET À LEUR FAMILLE. ÇA C'ÉTAIT DU THÉ. MAIS LES 280 MILLIONS C'EST DE L'ARGENT DU VRAI, EST CE QU'IL VA LES LAISSER PASSER LUI OU LES AUTRE VOLEURS ?

    Gebran Eid

    05 h 21, le 06 décembre 2020

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