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Politique - Rencontre

Le président du Conseil économique et social Charles Arbid : L’État, c’est aussi chacun de nous

Le président du Conseil économique et social Charles Arbid : L’État, c’est aussi chacun de nous

Charles Arbid, avec les membres du conseil de l'ordre des journalistes (Photo ANI)

« Nous ne pouvons pas dire que nous avons perdu confiance en l’État, puisque l’État ce sont certes les institutions et l’administration, mais c’est aussi chacun de nous. » Ces mots du président du Conseil économique et social Charles Arbid visent à responsabiliser les citoyens pour les pousser à ne pas baisser les bras face à l’ampleur de la crise qui secoue actuellement le pays. Il compte d’ailleurs lancer un dialogue à ce sujet dès la semaine prochaine.

Au cours d’une visite au siège du syndicat des rédacteurs, où il a été reçu par son président Joseph Kossaïfi et les membres du conseil, Charles Arbid a voulu expliquer le rôle de l’institution qu’il préside et surtout donner sa vision d’une sortie de crise, au moment où l’horizon paraît très sombre.

Cette visite est intervenue au lendemain de la réunion des commissions parlementaires conjointes mercredi, pour évoquer la situation économique et financière et la possibilité de supprimer les subventions sur certains produits, faute de réserves suffisantes de devises à la Banque du Liban.

Charles Arbid, qui a assisté à cette réunion, a précisé qu’il n’a pas pu y placer un mot tant la tension était grande entre les différents groupes parlementaires et parce que l’approche adoptée était essentiellement politique. Pourtant, le Conseil économique et social dont la création représente un des points réformateurs de l’accord de Taëf est censé être un espace de dialogue pour tous les secteurs de production, et en même temps il a pour rôle de mettre au point une vision et des politiques économiques et sociales, définissant les besoins du pays. Certes, son rôle est consultatif, mais sa mission est primordiale car il constitue un pont entre l’État et les secteurs de production. Il a été créé pour la première fois en 1995 et 25 ans plus tard, le Conseil actuel a élaboré un projet de loi pour en amender certains points afin qu’il soit plus apte à répondre aux besoins du pays. Ce projet a eu l’aval de 8 députés appartenant à des groupes parlementaires différents. Mais il doit être encore étudié en commissions avant le vote en séance plénière.

Dans l’optique de Charles Arbid, il s’agit de consolider ce qu’il appelle « la participation citoyenne », qui prévoit une plus large consultation entre les différentes couches populaires et en particulier les jeunes, pour que les discussions se fassent dans un espace de dialogue et soient ainsi plus constructives.

Au sujet de la suppression des subventions, Charles Arbid estime que la discussion ne devrait pas porter sur la question de savoir si la BDL peut tenir deux ou trois mois encore. Selon lui, la vraie priorité est de bâtir un nouveau contrat social ayant pour priorité de créer un filet de sécurité sociale, pour éviter que le Liban ne bascule de la pauvreté vers la misère.

Le Conseil économique et social a ainsi étudié les trois domaines qui bénéficient des subventions : le secteur pétrolier, les médicaments et certains produits alimentaires. Il est arrivé à la conclusion que les subventions, dans leur forme actuelle, profitent aux classes aisées, aux non-Libanais et aux contrebandiers. Il faudrait donc régler cette question, pour que les subventions profitent aux plus défavorisés, sachant qu’on ne peut pas faire du social sans l’économie.

Pour lui, il faudrait donc aider les secteurs de production. Mais il ne s’agit pas là d’un slogan lancé à la manière des politiciens. Il précise à cet égard que la question de savoir qui est avec le gouverneur de la BDL et qui ne l’est pas n’intéresse pas le Conseil économique et social. « Il ne s’agit pas de marquer des points politiques, dit-il. Mais d’établir un dialogue constructif sur la manière d’optimiser les subventions et les moyens de les financer. Il faut qu’il y ait un plan véritable qui s’inscrive dans la durée et soit susceptible d’être appliqué. Nous comptons lancer ce dialogue dès la semaine prochaine... » Il ajoute qu’au sujet de la levée des subventions sur l’essence, elle devrait par exemple s’accompagner d’une relance des transports en commun. Pour les médicaments, il faut étudier le dossier de manière à mesurer ses conséquences sur la CNSS. « Nos idées, dit-il, sont inspirées des expériences vécues par d’autres pays, notamment l’Égypte et la Jordanie et nous discutons avec la Banque mondiale qui était présente à la réunion de mercredi au Parlement, mais n’a pas eu droit à la parole... » Mais n’est-ce pas un peu tard pour agir ? « Nous avons déjà tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, dit-il. Mais il faudrait que la classe politique apprenne à écouter. Jusqu’à présent, les responsables ont montré qu’ils n’agissaient que dans l’urgence et sous la pression des crises. Nous autres, ce que nous voudrions, c’est qu’il y ait une transition souple de l’économie de rente à l’économie de production. » Dans ce sens, Charles Arbid explique que le Liban veut vendre ses produits, alors que sa réputation n’est pas particulièrement reluisante. Ensuite, ajoute-t-il, « comment faire de l’agriculture, alors que nous n’avons pas d’eau, nous sommes en conflit au sujet de chaque barrage et nos terrains ne sont pas recensés dans les registres fonciers ? Nous devons aussi étudier les secteurs industriels dans lesquels nous pouvons être performants, sachant qu’aujourd’hui, la consommation locale a largement baissé en raison des circonstances et de la crise économique et sociale ». Il reconnaît aussi que le Liban est indirectement soumis à un blocus, mais qu’il devrait réagir pour essayer d’en sortir.

Selon lui, il existe des solutions. « Par exemple, un des points de réforme consiste à baisser le volume des fonctionnaires de 320 000 à 250 000. Mais il ne s’agit pas de jeter ceux qui seront licenciés à la rue. On peut leur donner des formations et les pousser vers le secteur privé. Il faut aussi restructurer le secteur bancaire, à travers des opérations de fusion et de recapitalisation. Le Liban devrait aussi relancer ses amitiés et utiliser les émigrés. Mais le problème, ajoute-t-il, c’est qu’actuellement il n’est pas un pays attractif. Il peut toutefois le redevenir s’il préserve son art de vivre... »

Charles Arbid révèle que le Conseil économique et social avait fait une tentative de dialogue à la veille des élections de 2018. Il avait ainsi demandé à 13 partis politiques en quoi consistait leur programme économique et social, sur la base duquel ils participaient aux élections. Sept partis les plus importants du pays ont répondu, mais les autres ont ignoré la demande. Une fois les élections terminées, il n’en a plus été question...

« Nous ne pouvons pas dire que nous avons perdu confiance en l’État, puisque l’État ce sont certes les institutions et l’administration, mais c’est aussi chacun de nous. » Ces mots du président du Conseil économique et social Charles Arbid visent à responsabiliser les citoyens pour les pousser à ne pas baisser les bras face à l’ampleur de la crise qui secoue...

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