
Des marqueurs pour les frontières maritimes entre Israël et le Liban, en Méditerranée, le 28 octobre 2020. Amir Cohen/File Photo/Reuters
La quatrième séance de négociations entre le Liban et Israël, qui devait se tenir le mercredi 2 décembre, a été reportée. « Nous avons été officiellement informés du report de la séance de négociations indirectes », a indiqué une source militaire à l’AFP, précisant que l’ajournement avait été demandé par les médiateurs américains. Cette décision a ravivé hier les craintes d’une nouvelle escalade régionale en lien avec l’assassinat, vendredi dernier, du père du programme nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, imputé à Israël. Le report serait toutefois lié à des considérations en lien direct avec les négociations et qui n’ont pas de rapport avec l’évolution de la situation régionale. C’est ce que rapportent à L’OLJ des sources proches de Washington mais aussi des milieux du Hezbollah qui, chose rare, s’entendent cette fois-ci pour dire que cet ajournement n’a d’autre objectif que d’aplanir les difficultés afin de trouver un terrain d’entente entre Israël et le Liban. « Le report est principalement destiné à relancer une médiation bilatérale dans l’espoir de rapprocher les points de vue et effectuer une percée », confie un diplomate occidental qui suit de près le dossier. « Cette question devrait être complètement dissociée et une fois pour toutes de tout ce qui se passe dans la région », avance pour sa part un analyste proche du Hezbollah. Aucun lien donc avec les récents développements régionaux et la crainte d’une tension à la frontière dans le cadre d’une opération par procuration que le Hezbollah mènerait pour le compte de l’Iran afin de venger celui que l’on surnomme « le Soleimani du nucléaire ». « Les Iraniens n’ont aucun intérêt à faire exploser la situation avant que ne se termine le mandat Trump », commente pour L’OLJ une source proche du Hezbollah.
Si, du côté israélien, voire même américain, on craint que le Hezbollah ne saisisse toutefois l’opportunité de l’ajournement des négociations pour saboter l’ensemble du processus, des experts libanais affirment qu’il n’en sera rien, le parti chiite ayant besoin autant que n’importe quelle autre partie de marquer une avancée sur ce dossier alors que le Liban est en faillite. « Plus personne au Liban ne pourra torpiller ce dossier qui est désormais entre les mains des experts de l’armée et sous la supervision de Baabda, à moins de passer pour un traître parce qu’il aura contribué à dilapider la seule ressource d’avenir sur laquelle compte le pays », commente un expert, lui aussi proche des milieux du Hezbollah, qui suit de près ce dossier. Les négociations sont particulièrement cruciales pour un Liban en plein effondrement économique et qui souhaite lever tous les obstacles à la prospection d’hydrocarbures en Méditerranée sans pour autant renoncer à ses droits, comme le répète inlassablement le chef de l’État, Michel Aoun.
Il s’agit donc d’un enjeu majeur pour les deux pays ennemis qui ont tous deux intérêt à faire aboutir ces pourparlers en mettant en sourdine leur sempiternel conflit. C’est ce qui fait dire d’ailleurs à un analyste proche du dossier que les manœuvres d’obstruction et les surenchères de part et d’autre ne sont qu’une guerre psychologique destinée pour chacune des parties « à améliorer sa capacité de négociation ».
La navette de Desrocher
Si la rencontre de demain entre les délégations libanaise et israélienne a été annulée, la visite du diplomate américain, John Desrocher, qui officie comme médiateur, est cependant maintenue et s’effectuera dans le cadre d’une relance des négociations bilatérales. Mercredi l’émissaire US se réunira avec le chef de l’État et le commandement de l’armée, a-t-on appris de sources informées, mais pas avec le président du Parlement Nabih Berry. Il essayera de trouver un terrain d’entente également avec le voisin israélien, qu’il rencontrera juste après. « Ayant constaté un blocage devenu irrémédiable au cours des deux dernières séances, le médiateur américain va tenter d’aplanir le terrain pour sortir les négociations de l’impasse », explique la directrice régionale du Natural Resource Governance Institute (NRGI), Laury Haytayan. Les pourparlers avaient achoppé lorsque le Liban est revenu sur son plan de départ en réclamant, en plus des 860 km2 sollicités, une zone d’exploitation qui engloberait 1 430 km2 supplémentaires.
Ce changement de plan du côté libanais a désarçonné la partie israélienne au plus haut point. Il était censé rectifier une grave erreur d’estimation qu’une délégation libanaise du ministère du Travail (dont le portefeuille était détenu à l’époque par Ghazi Aridi) avait commise en 2007. Cette équipe – composée de non-spécialistes – avait délimité de façon erronée avec Chypre, où elle s’était rendue, le point de jonction des ZEE (Zone économique exclusive) des deux pays. Cette démarcation n’avait d’ailleurs pas été officiellement entérinée par les deux parties. C’est sur cette erreur que s’est basé Israël pour définir sa propre zone économique exclusive, que le Liban cherche à corriger aujourd’hui, cartes à l’appui.
Un accord juteux
C’est notamment pour cette raison que Tel-Aviv s’était empressé, via les Américains, d’entériner au plus vite cet accord qui était, dans sa première mouture, très avantageux pour l’État hébreu et dans lequel le Liban perdait une grande partie de ses droits.
Le secrétaire d’État adjoint pour le Moyen-Orient, David Schenker, avait d’ailleurs assuré aux journalistes qu’il avait rencontrés lors de ses récentes visites au Liban que l’accord était quasiment dans la poche et que les pourparlers ne devraient pas se prolonger au-delà de trois mois. Le 29 octobre dernier, coup de théâtre et changement de plan. Pour Beyrouth, les pourparlers se baseront désormais sur l’accord d’armistice de 1949 et les accords franco-britanniques de Paulet-Newcombe de 1923 (qui dessinent la frontière entre le Liban et la Palestine historique à l’époque des mandats français et britannique), conclus bien avant l’accord de partage de la Palestine (1948) et la naissance de l’État israélien, comme le soulignent les experts. Ce revirement a poussé Israël à riposter en brandissant un plan également revu et corrigé, une position qualifiée de « maximaliste » par une source proche de la délégation libanaise. « Si elle devait être avalisée, la nouvelle revendication de l’État hébreu lui donnerait ainsi accès à une majeure partie des blocs 8, 9 et 10, sur lesquels le Liban prétend avoir presque autant de droits, en plus du bloc 72 et de la zone dite AlonD et celle proche de l’île de Karish », comme le note Diana Kaissy, la directrice exécutif de LOGI (Lebanon Oil and Gas Initiative).
La quatrième séance de négociations entre le Liban et Israël, qui devait se tenir le mercredi 2 décembre, a été reportée. « Nous avons été officiellement informés du report de la séance de négociations indirectes », a indiqué une source militaire à l’AFP, précisant que l’ajournement avait été demandé par les médiateurs américains. Cette décision a ravivé...
commentaires (8)
J'ai peut être mal lu on lit Hezbollah et pas état Libanais?
Eleni Caridopoulou
17 h 33, le 01 décembre 2020