Comme une lettre à la poste, la désignation du général Tony Kahwagi à la tête des services de renseignements de l’armée a été officialisée hier par le Conseil militaire. Le général Kahwagi doit remplacer à partir du 8 décembre le général Tony Mansour qui fait valoir ses droits à la retraite. Ce dernier avait pris en charge la Direction des renseignements juste après la désignation du général Joseph Aoun à la tête de l’armée, en mars 2017.
Au cours des dernières semaines, il avait été question dans les médias de proroger la mission du général Mansour à la tête des SR de l’armée, en raison des circonstances exceptionnelles que traverse le pays et qui exigent une continuité dans le travail des renseignements. Certains médias avaient même évoqué un conflit entre le président de la République et le commandant en chef de l’armée à ce sujet. Le général Joseph Aoun aurait ainsi voulu maintenir Tony Mansour à la tête des SR sur la base d’une demande américaine insistante, alors que le chef de l’État y était fermement opposé, selon ces médias, parce qu’il n’était pas satisfait de sa gestion de la situation depuis le déclenchement du mouvement de protestation populaire le 17 octobre 2019, et pendant toute la période des manifestations accompagnées de fermetures de routes. Toujours selon ces mêmes médias, le chef de l’État aurait même adressé des reproches au chef des SR de l’armée, dans le cadre des réunions du Haut Conseil de défense, pour n’avoir pas prévu tout ce qui se passait. De leur côté, les Américains, qui auraient une grande influence sur l’armée libanaise, exigeaient son maintien à son poste au-delà de l’âge réglementaire de la retraite. On avait même dit à ce moment-là qu’il y avait eu un précédent de prolongation du mandat du commandent en chef de l’armée Jean Kahwagi en 2013 et du chef des SR le général Edmond Fadel en 2015, en raison des circonstances exceptionnelles que traversait le pays, surtout pendant la période de vacance présidentielle en ce qui concerne le général Fadel, lorsque le pays était géré par le gouvernement présidé par Tammam Salam (février 2014-octobre 2016).
Mais justement, à cette époque, que ce soit en 2013 ou en 2015, Michel Aoun, alors chef du groupe parlementaire du Changement et de la Réforme, s’était vivement opposé à ces prorogations, en affirmant qu’elles ne sont pas justifiées, car rien n’empêchait la nomination d’un nouveau commandant en chef de l’armée et d’un nouveau chef des renseignements militaires, même en période de vacance présidentielle. Il n’avait pas été entendu à l’époque. Mais aujourd’hui, il ne pouvait qu’adopter la même position, qui est pour lui une question de principe. D’autant qu’il n’y a selon lui aucune raison de ne pas procéder à la nomination d’un nouveau patron des SR. Cela sans parler du fait que la prorogation des mandats des responsables militaires provoque un certain désordre dans les promotions hiérarchiques automatiques au sein de l’armée.
Les médias précités, qui se sont largement étendus sur la question, laissaient entendre qu’il y avait donc un conflit entre le président Aoun et le commandant en chef de l’armée qui tournait essentiellement autour de deux points : le premier portant sur une volonté américaine de contrôler totalement l’armée libanaise à travers le maintien du même chef des renseignements, et le second à cause de rumeurs de frictions entre le chef du CPL Gebran Bassil et le général Mansour.
L’adoption hier à l’unanimité par le Conseil militaire de l’armée de la proposition de nommer le général Tony Kahwagi à la tête des SR en remplacement du général Mansour montre que toutes ces rumeurs étaient sans fondement et ne visaient qu’à susciter des conflits là où il n’y en avait pas et, au final, à fragiliser l’armée en la présentant comme étant soumise à des volontés étrangères, notamment américaines. Selon des sources militaires bien informées, il n’a été question de la prorogation du mandat du général Tony Mansour que dans les médias, cette hypothèse n’ayant même pas été évoquée en haut lieu. Tout comme dans le choix des responsables militaires, la décision finale ne dépend ni des parties politiques locales ni des parties étrangères, quelles qu’elles soient. Depuis sa désignation par le premier gouvernement formé par Saad Hariri au début du mandat de Michel Aoun en mars 2017, le général Joseph Aoun adopte la même attitude, en faisant de son mieux pour mettre la troupe à l’abri des interventions et des influences politiques. Il évite donc de prêter l’oreille aux demandes des différentes parties, notamment en matière de nomination et de permutations, en se basant autant que possible sur les critères d’ancienneté et de compétences. C’est d’ailleurs à ce prix que l’armée est actuellement l’une des rares institutions du pays qui bénéficient de la confiance des citoyens.
Concernant les postes importants, comme celui de la direction des SR, il consulte naturellement le chef de l’État qui est aussi, selon la Constitution, le commandant suprême des forces armées. Le choix du général Tony Kahwagi s’est donc fait en accord avec le président de la République. Selon la procédure légale, le nom est soumis au Conseil militaire qui doit l’approuver. Ce qui a été fait à l’unanimité de ses membres, des officiers supérieurs de toutes les confessions. C’est désormais à la ministre de la Défense Zeina Acar de signer le décret.
Il faut encore préciser que le général Kahwagi est issu de la promotion 1994 des officiers, alors que le général Mansour est de celle de 1986. Ce qui signifie qu’avec sa prise en charge de la direction des renseignements, le général Kahwagi devrait contribuer à rajeunir le travail et le personnel de cette direction, sachant qu’il y est entré en 2008 en tant qu’officier spécialisé dans les nouvelles technologies et dans les télécommunications. En dépit de ce qui a paru dans les médias, sa désignation est donc l’une des plus calmes de l’histoire militaire au Liban et la transition devrait se faire en douceur, dans un climat de coopération.
commentaires (5)
C'est bien dommage que l'armee libanaise ne puisse tenir tete contre l'armee americaine. Peut-etre avec l'aide locale, on aurait pu faire couler la VI flotte
SATURNE
15 h 26, le 20 novembre 2020