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Nos Lecteurs ont la Parole

Pourquoi en veulent-ils à notre opacité ?

Qu’est-ce que le Liban a bien pu faire à ces cadres des human rights pour être traité de la sorte ? Quand ce n’est pas le « Global Magnitsky Human Rights Accountability Act » (GMHRAA) qu’on invoque pour mettre en joue nos inviolables ministres et nos irréprochables députés, c’est l’organisation Human Rights Watch (HRW) qui s’en prend à l’ordre judiciaire libanais et à sa gestion du dossier du 4 août, celui de la double déflagration !

Aya Majzoub (HRW) a déclaré que les carences des autorités judiciaires ont été si manifestes, lors des deux derniers mois, que tout porte à croire que seule une enquête internationale serait en mesure d’apporter les réponses aux questions que se pose le peuple libanais. C’est en sa qualité de « watchdog » qu’elle a dénoncé l’opacité et la lenteur qui ont jusque-là prévalu dans la procédure de mise en état et d’inculpation des suspects, tous les suspects. Saisie de zèle patriotique, elle a pointé du doigt certaines défaillances, dont les suivantes :

1- La désignation plutôt houleuse du magistrat instructeur (al-muhaqiq al-‘adli) Fadi Sawan, qui releva, d’après elle, plus du « wrangling »* que d’une sereine administration de la justice.

2- Le rôle non clairement défini des équipes américaine et française d’experts. Et là, ces dernières sont sommées de nous éclairer sur l’étendue des pouvoirs qui leur sont conférés ; comme leur est rappelée l’obligation d’alerter l’opinion publique au cas où les autorités mettraient des entraves à l’exercice de leur mission technique.

Le secret de l’instruction

Si sur ces deux points Aya Majzoub n’a pas tout à fait tort, il n’en reste pas moins que, dans sa charge véhémente, elle s’en est prise au secret de l’instruction derrière lequel se retranche le magistrat instructeur et en vertu duquel il refuse de divulguer les informations qu’il a glanées et répertoriées. Or l’exigence de transparence n’est pas recevable en l’espèce, même si elle est de nature à établir un climat de confiance en mettant un terme aux rumeurs malveillantes qui circulent.

Rappelons que le secret de l’instruction est un principe de droit qui ne souffre aucune exception ; il est destiné à assurer le déroulement de l’enquête loin des projos et autres feux de la rampe, comme il permet de préserver la présomption d’innocence des justiciables. Et puis, que serait un secret translucide ? Un secret de polichinelle, une contradiction dans les termes et un oxymoron. Imagine-t-on la ministre sortante de la Justice en train de donner des précisions quant aux différentes étapes de l’investigation ? Loin de là, Mme Marie-Claude Najm a déclaré, lors de son interview sur la chaîne al-Jazeera, qu’elle ne pouvait porter un jugement sur la question, vu qu’elle n’était pas au courant des détails et qu’elle était dans l’obligation de réserver son avis. Serait-elle passée aux confidences qu’on serait en pleine illégalité. Car transparence ne veut pas dire diaphanéité, et à certains stades de la procédure, toute information n’est pas « releasable », c’est-à-dire bonne à communiquer. C’est ce que vient de déclarer l’ambassadrice des États-Unis, Mme Dorothy Shea, dans la foulée des sanctions de la GMHRAA qui ont ciblé Gebran Bassil sans aller jusqu’à l’alpaguer !

Certains n’ont pas hésité à s’écrier : pourquoi devons-nous souffrir cette tyrannie de la transparence, cette pratique douteuse qui sert de couverture à toutes les ingérences étrangères ?

Il n’en reste pas moins que les appréhensions de HRW sont fondées : le secret de l’instruction peut aisément être détourné de sa finalité pour disculper les gros bonnets. En réalité, et jusque-là, on a fait endosser aux lampistes, aux deuxièmes couteaux et autres « fusibles » les fautes et les négligences graves de leurs supérieurs hiérarchiques.

La suite est connue : les ministres, qui ne bénéficient pas de l’immunité parlementaire, ne peuvent pas être poursuivis en justice sous le fallacieux prétexte que seul un tribunal ad hoc a compétence de les juger, au même titre que les présidents de la République. Or comble de malchance, cette juridiction n’a jamais été constituée. Notre système juridique a rendu auto-immune une variété particulière d’aigrefins ; il est si protecteur des droits de la défense que les véritables responsables ne seront jamais sous les verrous alors que plus de vingt-cinq de leurs comparses ont été épinglés. « Festina lente » ou comment se hâter lentement. Dans un point de presse le 7 novembre, le Conseil supérieur de la magistrature s’est félicité de « l’avancement des travaux », tout en communiquant certaines informations, sans aller jusqu’à écorner le secret de l’instruction. Le muhaqiq al-‘adli, quant à lui, déclare poursuivre sa tâche « aussi rapidement que possible, mais sans précipitation ». À son actif, des mandats d’arrêt internationaux, des comparutions de témoins, la collaboration avec les services américains, français et anglais, etc. Rassurant, dirions-nous, mais c’est sans compter l’intervention sur la chaîne MTV, le 11 de ce même mois, d’un magistrat confirmé, à savoir Chucri Sader, qui semble partager nos inquiétudes et entériner les remontrances de l’organisation HRW. Cet ancien président du Conseil d’État a clairement désigné les failles de l’instruction au niveau des commissions rogatoires et du conflit entre les divers services chargés de l’enquête. Écoutons-le et laissons le juge Fadi Sawan se hâter lentement !

*Querelle, différend, crêpage de chignon

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Qu’est-ce que le Liban a bien pu faire à ces cadres des human rights pour être traité de la sorte ? Quand ce n’est pas le « Global Magnitsky Human Rights Accountability Act » (GMHRAA) qu’on invoque pour mettre en joue nos inviolables ministres et nos irréprochables députés, c’est l’organisation Human Rights Watch (HRW) qui s’en prend à l’ordre judiciaire libanais...

commentaires (1)

Je n’ai aucune prétention à commenter les décisions de justice, ou encore les procédures, et sans être technicien du droit, je m’interroge parfois sur le rôle du juge d’instruction et son devoir d’enquête, quand on connaît par le passé le nombre de ratages, et le poids que pèse sur lui pour engager les poursuites. La prudence est de mise, et personne ne peut la lui reprocher (au juge) si la lenteur de la justice est le garant pour aboutir à la vérité. Il faut rendre des comptes, et qu’on cesse de mettre en cause l’intégrité de nos magistrats, et leur conscience professionnelle, et on en a d’excellents juristes, car finalement, sur le mode "tous pourris", on ne sert que les ennemis de la vérité. Dans ces temps difficiles, nous vivons sous une dictature qui a pour nom, "la transparence", qui ne peut s’exercer que dans un Etat de droit, et là encore il y un effort à faire, quand on a les moyens de l'assurer. Transparence sur les comptes bancaires ? Un de nos politiciens au fort accent de la Bekaa, cité hier par un journal parisien, déclarait : ""Si nous lévions le secret bancaire, de quoi vivrions nous ?"". Tout est, ou presque, dans cette boutade.

L'ARCHIPEL LIBANAIS

03 h 02, le 17 novembre 2020

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Commentaires (1)

  • Je n’ai aucune prétention à commenter les décisions de justice, ou encore les procédures, et sans être technicien du droit, je m’interroge parfois sur le rôle du juge d’instruction et son devoir d’enquête, quand on connaît par le passé le nombre de ratages, et le poids que pèse sur lui pour engager les poursuites. La prudence est de mise, et personne ne peut la lui reprocher (au juge) si la lenteur de la justice est le garant pour aboutir à la vérité. Il faut rendre des comptes, et qu’on cesse de mettre en cause l’intégrité de nos magistrats, et leur conscience professionnelle, et on en a d’excellents juristes, car finalement, sur le mode "tous pourris", on ne sert que les ennemis de la vérité. Dans ces temps difficiles, nous vivons sous une dictature qui a pour nom, "la transparence", qui ne peut s’exercer que dans un Etat de droit, et là encore il y un effort à faire, quand on a les moyens de l'assurer. Transparence sur les comptes bancaires ? Un de nos politiciens au fort accent de la Bekaa, cité hier par un journal parisien, déclarait : ""Si nous lévions le secret bancaire, de quoi vivrions nous ?"". Tout est, ou presque, dans cette boutade.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    03 h 02, le 17 novembre 2020

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