Paris semble avoir estimé qu’il était temps de secouer à nouveau les responsables libanais pour que la prochaine équipe ministérielle soit formée dans les plus brefs délais. Pour ce faire, la France a dépêché à Beyrouth Patrick Durel, conseiller du président français, Emmanuel Macron, pour les affaires de l’Afrique et du Moyen-Orient, pour un déplacement de deux jours. La mission de Patrick Durel est plus une mission d’information que de décision, assurent toutefois des sources informées.
Ce n’est pas la première fois que Paris tente d’exercer une pression politique pour accélérer la mise sur pied d’une nouvelle équipe ministérielle. À la suite de la double explosion du port, le 4 août dernier, Emmanuel Macron s’était rendu personnellement dans la capitale libanaise pour voir les dégâts de la catastrophe, mais aussi et surtout pour lancer une initiative politique à même de redresser le pays, plombé par une crise économique et politique inédite. Le chef de l’État français était revenu à Beyrouth, le 1er septembre, pour poursuivre son forcing dans ce sens. Le plan Macron, principalement axé sur la formation d’un cabinet de spécialistes indépendants des protagonistes politiques, a été mis en échec à deux reprises : la première fois quand l’ex-Premier ministre désigné Moustapha Adib a rendu son tablier, le 26 septembre, n’étant pas parvenu à former un gouvernement conformément à cette initiative. La seconde, à l’expiration du délai de six semaines que le locataire de l’Élysée a accordé, le 27 septembre, aux acteurs concernés par les négociations gouvernementales pour mettre sur pied la nouvelle équipe ministérielle.
C’est donc principalement pour remettre sérieusement sur le tapis l’initiative française que Patrick Durel est arrivé à Beyrouth hier. Il entamera sa tournée ce matin par un entretien avec le président Michel Aoun à Baabda. Il devra aussi s’entretenir avec le Premier ministre désigné Saad Hariri, le président de la Chambre Nabih Berry, et les chefs des principaux partis et blocs politiques que le président Macron avait rencontrés à la Résidence des Pins, avant de s’envoler vendredi pour Paris. Citée par notre chroniqueur politique, Philippe Abi Akl, une source diplomatique confie que les réunions de M. Durel avec les chefs des partis politiques seront l’occasion de s’assurer qu’ils demeurent attachés à leur engagements pris devant le président français, notamment pour ce qui est de faciliter la tâche du Premier ministre désigné quant à la formation d’un cabinet dont les membres seront capables de lancer le processus de réformes. Patrick Durel ne proposera donc pas une nouvelle version du projet Macron. Son déplacement s’inscrit dans le cadre de ce que cette source appelle « l’effort continu de la France aux côtés du Liban ». Une façon pour Emmanuel Macron d’affirmer son attachement à son initiative visant à venir en aide au peuple libanais, en dépit du fléau terroriste qui a frappé la France ces dernières semaines.
Le déplacement de M. Durel à Beyrouth revêt une importance au vu de son timing. Il intervient peu après la fin de l’élection présidentielle américaine, remportée par le démocrate Joe Biden, et avant la réunion du Groupe international de soutien au Liban, prévue fin novembre, afin de mobiliser, une fois de plus, la communauté internationale en faveur du pays du Cèdre, notamment sur le plan financier. Sans vouloir trancher sur le point de savoir si cette réunion risque d’être reportée sine die en cas d’échec à former le prochain cabinet, une source diplomatique se contente de faire valoir que « la conférence serait principalement axée sur l’aide humanitaire aux ONG parce qu’il est difficile de s’engager politiquement avec un pays sans gouvernement ».
Hariri à Baabda ?
Entre-temps, les tractations pour la formation du gouvernement continuent à faire du surplace, les protagonistes refusant toujours de faire les concessions nécessaires pour accélérer la naissance du cabinet Hariri. Une situation que les sanctions américaines infligées vendredi dernier au leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, ont compliquée davantage. D’autant que tous les accords conclus entre le chef de l’État, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné avant l’annonce des sanctions semblent être tombés à l’eau. D’où l’abandon du principe de la rotation des postes, principalement prôné par Saad Hariri.
À l’instar du CPL dirigé par son gendre, le chef de l’État semble attaché à l’unification des critères adoptés dans la formation du gouvernement. Il estime donc que la rotation ne peut s’appliquer aux ministères dits de services sans englober les portefeuilles qualifiés de régaliens. Une façon pour lui, mais surtout pour le CPL, de s’opposer à ce que le tandem Amal-Hezbollah conserve les Finances, avec l’approbation du Premier ministre désigné qui avait fini par céder à la pression des deux partis chiites. Tous ces nœuds, ainsi que la composition de la future équipe, devraient être discutés lors d’un entretien entre MM. Aoun et Hariri. Ce dernier pourrait se rendre à Baabda dans les prochains jours, croit-on savoir dans certains milieux politiques.
commentaires (11)
Hariri doit dégager!
Guy de Saint-Cyr
14 h 49, le 12 novembre 2020