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Société - Éclairage

Dans les universités du Liban, les indépendants font leur révolution

Les groupes proches des partis traditionnels ont choisi de boycotter la course électorale de l’Université américaine de Beyrouth, alors que les indépendants se présentent en rangs divisés.

Dans les universités du Liban, les indépendants font leur révolution

Des étudiants de la LAU rassemblés pour l’annonce des résultats, lors des élections de 2019. Photo d’archives LAU

Au sein des universités libanaises, la révolution est plus que jamais en marche. Après les élections estudiantines de la LAU et de l’Université Rafic Hariri, qui ont permis aux indépendants de réaliser une percée, les regards sont désormais rivés sur l’Université américaine de Beyrouth (AUB), où le scrutin se tiendra ce vendredi 13 novembre.

Comme s’ils avaient conscience d’être à contre-courant de l’histoire, les groupes des partis traditionnels, qui dominaient depuis des décennies les élections estudiantines, se sont retirés de la course, les uns après les autres. Le club culturel du Sud (représentant le Hezbollah), le mouvement de la Jeunesse (représentant le courant du Futur), celui de la Liberté (représentant le Courant patriotique libre) ainsi que celui de la Mission libanaise (représentant le mouvement Amal) ont décidé de « boycotter » ces élections. Le dernier en date à se retirer de la course électorale a été le « Social Club », bastion des Forces libanaises à l’AUB, dont le retrait a toutefois créé la surprise étant donné que le parti est parvenu à obtenir une nette victoire sur le campus de Byblos de la LAU où ses représentants ont, malgré le contexte propice aux courants indépendants, raflé 10 sièges sur un total de 15 (les sièges restants étant répartis entre 4 pour les indépendants et 1 au profit du mouvement Amal).

Les groupes affiliés aux partis ont justifié leur décision par des arguments très similaires, ayant trait à l’absence d’une véritable campagne électorale. Dans un communiqué publié sur sa page Instagram, le « Club de la liberté » (apparenté aouniste) avance que « pendant plus d’un an, les étudiants n’ont pas pu socialiser et ainsi ne connaissent pas personnellement leurs camarades ». Une vidéoconférence avait pourtant été organisée par le journal de l’université, Outlook, pour exposer les programmes des différents listes et candidats. Le club culturel du Sud a pour sa part critiqué l’introduction du vote électronique, qui faciliterait « l’exercice de pressions en l’absence du secret de l’isoloir ». Utilisé pour la première fois dans le cadre d’élections estudiantines à l’AUB, le vote électronique institué par l’université au regard de la situation sanitaire est massivement fustigé et contesté par les partis traditionnels. « Il s’agit uniquement d’excuses derrière lesquelles ces partis tentent de dissimuler leur peur d’être historiquement battus par les indépendants », fustige Karim Safieddine, ancien président du mouvement séculier de l’université.

Cette élection revêt en effet une importance cruciale dans un contexte propice aux mouvements proches de la révolution du 17 octobre. Les partis traditionnels ont la mainmise sur les élections estudiantines depuis des décennies. L’université était le lieu idéal, pour eux, pour recruter des jeunes et les former à leur rhétorique politique. Les élections estudiantines permettent généralement de prendre le pouls politique du pays. Et depuis la rentrée, ce sont les mouvements indépendants qui ont le vent en poupe. Au campus de Beyrouth de la LAU, ils ont raflé 9 sièges sur 15. À l’Université Rafic Hariri, ils ont recueilli 4 sièges sur 9. « Il s’agit de la continuation du soulèvement populaire qui, même s’il a changé de nature à cause de la situation sanitaire, se manifeste dans tous les milieux, notamment syndicaux et estudiantins, explique Sami Nader, directeur de l’Institut du Levant pour les affaires stratégiques. C’est une vague de refus de tout l’establishment politique qui a mené au délabrement du Liban, une vague qui s’exprime à l’université sous cette forme de soif d’un nouveau leadership. »

Concurrence amicale

Retour à l’AUB. À quoi sert-il encore d’attendre les résultats du scrutin si les indépendants sont sûrs de l’emporter ?

En fait, c’est un peu plus compliqué que cela. À l’instar de ce qui se passe sur la scène politique, les indépendants de l’AUB arrivent en rang dispersés. Le club séculier, mouvement indépendant de l’AUB depuis douze ans, a désormais un concurrent : le Change Starts Here (CSH, le changement commence ici), qui se présente comme étant né de la révolution du 17 octobre. Contactée par L’Orient-Le Jour à ce sujet, Siba Mroué, candidate CSH au poste de déléguée de la faculté des arts et des sciences, explique que le « CSH a été créé de manière très spontanée : nous faisions campagne pour deux candidats qui se sont présentés l’année dernière de manière indépendante de tous les groupes de l’AUB, lorsque la révolution du 17 octobre a éclaté. Le 18, nous avons commencé à organiser des petites manifestations, qui au fur et à mesure de la révolution sont arrivés à rassembler jusqu’à deux à trois mille personnes. Avec le contexte sanitaire et après l’explosion du 4 août, nous avons réalisé que ce n’était pas une solution viable et avons ainsi commencé à nous organiser pour mener une campagne indépendante pour les élections de l’AUB ». Plusieurs candidats CSH assument être d’anciens membres de clubs partisans à l’AUB et espèrent montrer la voie à leurs anciens camarades. « CSH ne vise pas à marginaliser ce type de personnes, mais au contraire à tenter de les comprendre en leur proposant une alternative », explique Siba Mroué.

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Le club séculier, pour sa part, est très confiant avant les élections. « Nous menons actuellement la campagne la plus massive de l’histoire de l’AUB, avec 94 candidats représentant le groupe dans toutes les facultés ; nous sommes donc optimistes pour le club, mais aussi pour tous les indépendants », souligne Wafic Chahine, candidat au poste de délégué de la faculté d’ingénierie et d’architecture.

Pourquoi ne pas faire liste commune avec le CSH ? « Nous partageons les mêmes valeurs : démocratie, justice sociale et laïcité, mais nous faisons preuve de plus d’intransigeance dans l’approche ;

c’est en fin de compte une concurrence parfaitement amicale », précise Wafic Chahine. « Nous sommes plus flexibles par rapport au contexte libanais partisan et sectaire que nous essayons de prendre en compte tout en étant totalement pour la laïcité, l’État civil et la déconfessionnalisation », affirme Siba Mroué. « Finalement, le pluralisme est positif, même chez les indépendants », renchérit-elle.

Deux mouvements indépendants donc, mais aussi des individus qui préfèrent ne se rallier à aucun groupe ou mouvement et se présentent à titre personnel. La semaine dernière, certains candidats de cette catégorie ont suscité la polémique sur les réseaux sociaux. Accusés d’être en réalité issus du mouvement Amal, ils se sont défendus en assurant avoir rompu leurs liens avec le mouvement.

S’ils sont partout sur la défensive, les partis traditionnels n’ont toutefois certainement pas dit leur dernier mot.

Au sein des universités libanaises, la révolution est plus que jamais en marche. Après les élections estudiantines de la LAU et de l’Université Rafic Hariri, qui ont permis aux indépendants de réaliser une percée, les regards sont désormais rivés sur l’Université américaine de Beyrouth (AUB), où le scrutin se tiendra ce vendredi 13 novembre.Comme s’ils avaient conscience...

commentaires (2)

Les libanais misent sur leur jeunesse qui s’est réveillée du cauchemar et sont tous pour libérer leur pays du joug des vendus. Les universitaire ont toujours fait chuté des régimes quelque soit leur prétendue force ou armée. Alors courage et unissez-vous vous êtes le futur du pays et nous sommes avec vous.

Sissi zayyat

15 h 11, le 13 novembre 2020

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Commentaires (2)

  • Les libanais misent sur leur jeunesse qui s’est réveillée du cauchemar et sont tous pour libérer leur pays du joug des vendus. Les universitaire ont toujours fait chuté des régimes quelque soit leur prétendue force ou armée. Alors courage et unissez-vous vous êtes le futur du pays et nous sommes avec vous.

    Sissi zayyat

    15 h 11, le 13 novembre 2020

  • A SE DEMANDER POURQUOI EST CE SOUVENT LE CAS ? . alors que l'oppose est diantrement requis ? est ce vraiment une maladie genetique heritee par les libanais fous de l'ego ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 50, le 09 novembre 2020

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