Comme par enchantement, la machine s’est, paraît-il, remise en branle hier et un déblocage est même en cours suivant une formule de cabinet restreint de 18 ministres. Mais des obstacles demeurent sur la voie de la formation du gouvernement. Les pourparlers avaient repris dès lundi soir entre le chef de l’État, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, sans qu’un développement concret ne soit entre-temps intervenu. Depuis lors, l’optimisme du côté officiel est de nouveau de mise. On apprend ainsi que la composition du cabinet pourrait être finalisée prochainement, dès lors que les quelques obstacles restants seront levés. C’est notamment à cette tâche que s’attellent le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, et le président de la Chambre, Nabih Berry, qui se sont réunis hier pour tenter une ultime médiation.
La reprise des contacts entre MM. Aoun et Hariri s’est opérée sur fond de tiraillements et d’une guerre de communiqués et d’informations fuitées à la presse. Celles-ci mettaient en cause les « ingérences sournoises » du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, mais aussi les manœuvres orchestrées également en coulisses par M. Hariri. Ce dernier est accusé par les aounistes de chercher à favoriser d’autres parties, en l’occurrence le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, et le chef des Marada, Sleimane Frangié. Il leur aurait promis des quotes-parts respectives au sein du futur cabinet lorsque leurs blocs parlementaires s’étaient engagés à le désigner pour former le gouvernement.
C’est donc pour mettre un terme à ces tiraillements et aux accusations réciproques que MM. Hariri et Aoun sont convenus lundi soir de revenir à leur mutisme de départ, s’engageant par là même à relancer les tractations pour tenter de lever les dernières entraves.
Le Premier ministre et le président seraient convenus – une nouvelle fois – de limiter le nombre de portefeuilles à 18, un chiffre qui posait problème en ce sens qu’il imposait une réduction de l’éventail de répartition des sièges aux différentes parties et communautés. En effet, un cabinet de 18 ne permettrait pas d’inclure la « part » revendiquée à cor et à cri par le député druze, Talal Arslane, lequel, soutenu par le CPL, est revenu à la charge hier à ce sujet.
M. Arslane a haussé le ton face à ce qu’il considère comme une « injustice » dans la formation du nouveau gouvernement, un cabinet « politique par excellence, mais sous une appellation trompeuse de “cabinet de technocrates” », a-t-il dit à l’issue d’une réunion à Khaldé, dénonçant « une tentative de satisfaire une formation au détriment d’une autre », comprendre le PSP.
Une remarque qui n’est pas passée inaperçue aux yeux de M. Joumblatt. « Une des bizarreries du théâtre ministériel est de voir qu’ à l’exception des Forces libanaises, ceux qui n’ont pas nommé Saad Hariri (lors des consultations pour la désignation du Premier ministre) sont ceux qui veulent aujourd’hui se partager les postes ministériels et veulent dès à présent s’assurer d’une mainmise totale sur le pouvoir dans toutes ses méandres sécuritaires et judiciaires, pour réaliser un plan visant à la suppression d’autrui », a tweeté le leader druze. L’allusion visait clairement le chef du CPL.La réponse ne s’est pas fait attendre : « Gebran Bassil est resté silencieux et n’a pas du tout participé au processus afin de le faciliter et donner au président de la République et au Premier ministre désigné la possibilité de se mettre d’accord sur un gouvernement comprenant des ministres capables d’accomplir des réformes », souligne un communiqué publié par le bloc parlementaire aouniste. En soirée, on apprenait que le processus de déblocage s’est mis en marche. Selon notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, la distribution des portefeuilles a commencé à se décanter, ainsi que le passage au crible des candidats à affecter aux 18 ministères. M. Hariri rencontrera aujourd’hui le chef de l’État. Les deux hommes devraient s’entendre sur le mécanisme du choix des candidats et sur la partie qui sera habilitée – les partis ou le Premier ministre en concertation avec le président – à sélectionner les noms.
On apprenait également que le Hezbollah, qui briguait au départ le ministère de la Santé, y a finalement renoncé au nom de la rotation des portefeuilles. Ce ministère pourrait échoir au courant du Futur. Le Hezbollah pourrait alors briguer l’Éducation (une première !) ou, à défaut, les Travaux publics ou les Télécoms. Quant au nœud gordien qui reste à défaire, c’est celui du portefeuille de l’Énergie, toujours aussi convoité par le CPL qui, avec ses proches alliés, le détient depuis plus de dix ans. il pourrait, selon notre correspondante, revenir à un grec-catholique proche de Gebran Bassil, Peter Khoury, ancien conseiller du ministère et un nom qui suscite d’ores et déjà des objections. Le Premier ministre désigné serait opposé à ce choix.
commentaires (7)
J'admire la patience des journalistes capable de recaser la procrastination dans des articles toujours nouveaux et flambant neufs !
Shou fi
19 h 21, le 04 novembre 2020