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La fièvre française

Ce n’est certes pas la première fois que la France est l’objet d’une vague de terreur islamiste. Ce n’est pas la première fois non plus que le détonateur de la meurtrière campagne est la publication de caricatures mettant en scène le prophète Mohammad, et donc jugées injurieuses par nombre de musulmans. Jamais toutefois l’enjeu de cette confrontation n’aura été défini avec plus de précision, de conviction, de résolution, de pugnacité même par les autorités françaises. Cette intransgressible ligne rouge, c’est désormais, par-dessus toutes les autres valeurs républicaines, l’intouchable liberté d’expression qui, au nom de la laïcité de l’État, en vient à revendiquer même le droit au blasphème.

Cet irréductible credo républicain, Emmanuel Macron peut être assuré, en ce moment, qu’il est très largement partagé par les Français de toutes affiliations politiques unis dans une même horreur du terrorisme à prétentions religieuses. Mais le président est sans doute conscient aussi du risque de voir la France s’enliser dans une situation où l’on verrait l’irréductible réaffirmation des principes et radicalisme sauvage s’alimenter l’un l’autre dans une spirale sans fin. Pour y parer, c’est un dosage extrêmement délicat de démonstrations de fermeté et de gestes d’apaisement, d’autorité et de conciliation qui s’avérera nécessaire. Cela sans oublier un formidable coup de collier diplomatique en direction des terres d’islam, où quelque chose vient en effet de changer cette fois : dans la rue comme dans les palais du pouvoir, ce n’est plus désormais le caractère inhumain, inacceptable des attentats que l’on y dénonce, mais l’islamophobie prêtée à la France.

Bien sûr, ces accusations sont loin d’être toujours spontanées ou innocentes. Transparent (jusqu’à la caricature !) est ainsi le jeu du Turc Erdogan, aux prises avec la France en divers points chauds de Méditerranée et du Proche-Orient, et ambitionnant de faire revivre, sous son propre califat, les gloires ottomanes. Le malheur, cependant, c’est qu’à ce jeu-là, l’émulation, voire la surenchère, devient vite de rigueur pour les autres poids lourds d’une partie du globe où, trop souvent, les desseins politiques se parent abusivement de slogans religieux.

Si cette affaire nous interpelle avec tant de force, ce n’est pas seulement en raison des liens historiques qui lient la France à ce Liban qu’elle érigeait, il y a tout juste un siècle, en État. Ce n’est pas seulement parce que en cette peu festive célébration, le bébé centenaire ploie sous mille maux et que la marraine n’est pas elle-même au meilleur de sa forme. Ce n’est pas seulement, enfin, parce que, avec plus d’engagement et de persévérance que toute autre puissance étrangère, la France a volé au secours du Liban, de tout le Liban ; qu’elle s’est refusé à baisser les bras face à la mauvaise volonté du cartel mafieux qui gouverne le Liban ; mais qu’elle a maintenant d’autres chats à fouetter.

Le plus préoccupant est que l’actuelle campagne ne pouvait que gagner, très vite, un pays aussi particulier, aussi pluriel que le nôtre, et qu’elle ne pouvait le faire à plus inopportun moment. Les manifestations antifrançaises d’hier étaient surtout le fait d’un obscur groupement radical prônant l’islamisation du Liban. En soirée, c’est Hassan Nasrallah qui dénonçait à son tour la guerre déclarée, selon lui, à deux milliards de musulmans et posait ses conditions pour une éventuelle sortie de crise.

Pour souligner la gravité du moment, nul besoin évidemment de faire un dessin…

Issa Goraieb

igor@lorientlejour.com

Ce n’est certes pas la première fois que la France est l’objet d’une vague de terreur islamiste. Ce n’est pas la première fois non plus que le détonateur de la meurtrière campagne est la publication de caricatures mettant en scène le prophète Mohammad, et donc jugées injurieuses par nombre de musulmans. Jamais toutefois l’enjeu de cette confrontation n’aura été défini avec...