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Politique - Gouvernement

Aoun ouvre tôt le bal des tractations

Saad Hariri semble assuré d’un bloc d’au moins 57 députés qui lui accorderont leur appui.

Aoun ouvre tôt le bal des tractations

Le Premier ministre Saad Hariri, remettant sa démission au président Michel Aoun, le mardi 29 octobre 2019, au palais de Baabda. Photo d’archives Dalati et Nohra

Le président de la République, Michel Aoun, a décidé de se prononcer au sujet du processus gouvernemental, à 24 heures des consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner le prochain Premier ministre. S’il n’a pas rebattu les cartes concernant la nomination, acquise sauf – improbable – imprévu, du chef du courant du Futur, Saad Hariri, il s’est surtout efforcé de se replacer au centre du jeu, lançant la bataille de la formation de la prochaine équipe ministérielle. Une gestation qui s’annonce laborieuse et semée d’embûches.

En dépit du report d’une semaine des consultations parlementaires, initialement prévues le 15 octobre, le chef de l’État n’est pas parvenu à atteindre l’objectif de cette démarche : assurer une meilleure couverture chrétienne au futur Premier ministre en le poussant à composer avec le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Une façon de réserver à ce dernier une place au cœur des tractations gouvernementales au même titre que le tandem chiite ou le Futur.

Dos au mur, Michel Aoun a donc adopté un ton quelque peu virulent, en s’en prenant implicitement à Saad Hariri, mais aussi aux autres composantes de la nouvelle majorité qui se met en place.

« Ce qu’on attend de moi, c’est que je désigne le futur Premier ministre et participe à la formation du cabinet, comme le stipule la Constitution », a déclaré le chef de l’État. « Celui qui sera désigné et chargé de la formation de ce gouvernement pourra-t-il résoudre les problèmes de corruption et lancer le chantier des réformes ? », s’est-il encore interrogé dans une pique au leader du Futur. Invitant les députés à réfléchir aux conséquences de la nomination du Premier ministre sur la formation du cabinet, M. Aoun a tenu à assurer que son mandat se poursuivra. Et d’ajouter : « Je continuerai d’assumer mes responsabilités dans les processus de désignation du président du Conseil mais aussi de formation du gouvernement. »

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Quoi qu’il en soit, les regards sont braqués aujourd’hui sur les consultations contraignantes prévues à Baabda. Même si Saad Hariri semble assuré d’un bloc d’au moins 57 députés qui lui accorderont leur appui. Il s’agit notamment du bloc parlementaire haririen, mais aussi du Rassemblement démocratique, dont le leader, Walid Joumblatt, qui avait tiré à boulets rouges contre Saad Hariri lors d’une interview télévisée il y a une dizaine de jours, avait été contacté par ce dernier dans une tentative de rapprocher les points de vue. Saad Hariri devrait bénéficier aussi du soutien des Marada de Sleimane Frangié, le leader chrétien du Nord.

En soirée, c’est le Parti syrien national social qui a créé la surprise. Alors que tout laissait croire que le parti prosyrien allait accorder son soutien à Saad Hariri, il en a finalement été décidé autrement. Le chef du Futur était entré hier en contact avec Assaad Hardane, député PSNS de Marjeyoun, et, selon un communiqué publié par le parti, la discussion a naturellement porté sur la formation du gouvernement. Un contact qui n’a finalement pas abouti, le parti ayant annoncé quelques heures plus tard qu’il ne nommera personne, renvoyant les raisons de cette décision à « un manque de projet à même de répondre aux ambitions des Libanais et leurs aspirations aux réformes » et à l’« absence d’une vision commune entre les protagonistes concernant le sauvetage politique et économique » du pays.

Talouzian fait cavalier seul
Plusieurs observateurs s’attendent à ce que le parti Tachnag accorde, lui, ses trois voix à Saad Hariri, contrairement au bloc aouniste dont il fait partie. Pour le moment, le parti arménien entoure de flou sa position. Toujours en ce qui concerne la position arménienne, Jean Talouzian, député de Beyrouth, se démarquera du bloc de la République forte (Forces libanaises) et se rendra seul à Baabda en tant que député indépendant. « J’irai à Baabda seul parce que mon point de vue va à l’encontre de celui des FL », explique-t-il avant de poursuivre : « Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de sauver le pays à travers les réformes prévues dans le cadre de l’initiative française, il faut donc commencer par nommer un Premier ministre. » M. Talouzian critiquait ainsi la décision des FL de ne nommer aucune personnalité. Le chef du parti, Samir Geagea, avait en effet expliqué que son bloc ne nommera pas son ancien allié « car il ne peut y avoir de résultats avec le trio (CPL-Amal-Hezbollah) au pouvoir », comme il avait déclaré dans un message adressé aux Libanais via Facebook, mardi.

Le décryptage de Scarlett HADDAD

Hariri probablement désigné aujourd’hui, mais sans l’appui du Hezbollah

Meerab convergeait ainsi avec le Courant patriotique libre qui s’est rapidement montré hostile à un retour de Saad Hariri au Sérail. Et c’est justement cette convergence entre les deux partis chrétiens majoritaires sur le refus d’appuyer le chef du Futur qui aurait poussé Michel Aoun à reporter les consultations d’une semaine sous prétexte de non-conformité au pacte national. Un obstacle rapidement neutralisé aussi bien par Sleimane Frangié que par le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qui avait violemment critiqué, lors de son homélie dominicale dimanche dernier, ceux qui retardent les consultations parlementaires et la formation du cabinet. Dans la foulée de Bkerké, les FL ont fini par désamorcer le piège de la « non-légitimité chrétienne » en déclarant que la simple participation des FL aux consultations parlementaires confère à celles-ci cette légitimité.

Que fera le Hezbollah ?
Au vu des positions déjà déclarées, c’est surtout celle du Hezbollah qui est à analyser. D’autant que le parti chiite est accusé d’avoir fait avorter l’expérience Moustapha Adib, en s’attachant à ce qu’il perçoit comme (son) « droit » à nommer les ministres chiites, notamment celui des Finances. « Nous n’avons pas encore pris de décision au sujet de la nomination. Nous ne désignerons probablement personne. Mais ce qui est sûr, c’est que nous tenons à toutes les conditions évoquées durant la phase Adib », indique à L’OLJ une source proche du Hezbollah, laissant ainsi entendre, une nouvelle fois, que la formation du cabinet ne sera pas chose facile. Au stade actuel, on sait que M. Hariri, depuis son retour au premier plan gouvernemental, ne fait valoir que sa détermination à mettre en œuvre la feuille de route française, alors qu’en revanche, il ne martèle plus ses conditions antérieures au sujet de la nature du gouvernement et de sa composition. Cela suppose qu’un terrain d’entente est possible avec le tandem chiite sur ces derniers points, mais il est loin d’être concrétisé. La bataille s’annonce d’autre part plus rude avec le CPL de Gebran Bassil et avec Baabda.

Entre-temps, la communauté internationale continue de suivre de près les développements locaux, craignant des atermoiements qui retarderaient la mise en place du cabinet et par le fait même le processus de redressement du pays. Hier, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a tiré une fois de plus la sonnette d’alarme : « Plus on tarde, plus le bateau coule. Il n’y a plus beaucoup de temps pour réagir », a-t-il lancé (Voir encadré).

Le président de la République, Michel Aoun, a décidé de se prononcer au sujet du processus gouvernemental, à 24 heures des consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner le prochain Premier ministre. S’il n’a pas rebattu les cartes concernant la nomination, acquise sauf – improbable – imprévu, du chef du courant du Futur, Saad Hariri, il s’est surtout...

commentaires (3)

C’est une excellente nouvelle que de savoir HB et CPL hors du jeu. Hariri aurait réussi au moins à écarter ces deux capricieux du prochain gouvernement. Voyons la suite maintenant. Nous saurons bientôt si c’est une comédie répétée en coulisse ou s’il s’agit bien d’un sursaut patriotique pour sauver notre pays.

Sissi zayyat

11 h 45, le 22 octobre 2020

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Commentaires (3)

  • C’est une excellente nouvelle que de savoir HB et CPL hors du jeu. Hariri aurait réussi au moins à écarter ces deux capricieux du prochain gouvernement. Voyons la suite maintenant. Nous saurons bientôt si c’est une comédie répétée en coulisse ou s’il s’agit bien d’un sursaut patriotique pour sauver notre pays.

    Sissi zayyat

    11 h 45, le 22 octobre 2020

  • c'est tant mieux que nasroullah s'abstient de nommer hariri. a condition qu'aucun hezbollahi ne fasse pas partie du gouv, satisfaisant ainsi une soit disant condition us.

    Gaby SIOUFI

    10 h 51, le 22 octobre 2020

  • « Celui qui sera désigné et chargé de la formation de ce gouvernement pourra-t-il résoudre les problèmes de corruption et lancer le chantier des réformes ? ». Etant donnée la façon dont aura été formé ce gouvernement (et dont, auparavant, aura été nommé son chef), la réponse évidente est : "Non". A partir du moment où on a décidé de temporiser pour les consultations parlementaires, afin de permettre à toutes les magouilles de se mettre en place, la partie était déjà perdue.

    Yves Prevost

    06 h 08, le 22 octobre 2020

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