Le syndicat des importateurs de matériel médical a annoncé hier à travers un communiqué l’officialisation de l’obligation pour les patients, les hôpitaux et les compagnie d’assurances de payer 85 % de la facture d’importation en livres et en liquide. Une source proche de la filière, souligne que cette décision est déjà appliquée depuis une semaine et a été officialisée hier par le syndicat, selon la présidente Salma Assi.
La Banque du Liban (BDL) avait en effet confirmé lundi qu’elle ne reviendrait pas sur la circulaire n° 573 du 9 octobre contraignant les importateurs de blé, de carburant, de médicaments et de matériel médical à fournir 85 % de la facture en livres et en liquide, ajoutant une difficulté supplémentaire à la crise économique et financière que traverse le pays depuis un an, doublée d’une crise de liquidités et de change.
Depuis le début de l’année, la plupart des patients étaient obligés de régler 15 % de leur facture soit en dollars frais, donc en liquide, soit en livres au taux du dollar sur le marché noir. Ce taux tourne actuellement autour des 7 500 livres pour un dollar mais avait atteint les 10 000 livres il y a quelques mois. Toutefois, selon la présidente du syndicat, certaines banques ont tout de même accepté d’être payées en chèques ou en transferts libellés en dollars.
Répercussions sur la santé
La source précitée explique que les compagnies d’assurances privées et la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) ne remboursaient auparavant les frais aux importateurs que plusieurs mois après les opérations, et ce toujours en chèques ou en transferts bancaires. Ce nouveau mécanisme contraint alors les patients à régler de grosses sommes d’argent en amont; Pour certains, ceci implique un ajournement, voire une annulation, d'une opération prévue « qu’elle soit urgente ou vitale ». « Les patients ne peuvent pas imprimer d’argent », s’exclame l’importateur, craignant de graves répercussions sur la santé publique au Liban.
Des craintes partagées par Salma Assi, qui estime, interrogée par L’Orient-Le Jour, qu’à cause de cette décision, certains hôpitaux, désormais dans l'incapacité de payer le matériel nécessaire pour soigner leurs patients, pourraient ne plus avoir d’autre choix que de fermer leurs portes. « Seules 10 % des personnes hospitalisées payent directement », les 90 % restantes sont prises en charge par les compagnies d’assurances ou la CNSS, qui ne remboursent pas en liquide mais par chèques ou transferts bancaires. D’ailleurs, pour honorer leurs dettes, ces entreprises devront désormais « transporter l’argent dans des conteneurs », ironise la présidente du syndicat. Il est attendu que Sleiman Haroun, président du syndicat des propriétaires des hôpitaux privés, publie aujourd'hui un communiqué sur la situation, toujours selon Salma Assi.
Ce n’est pas la seule nouveauté de ce mécanisme, qui contraint également les importateurs de matériel médical à « oublier les 52 milliards de livres » placés dans les banques du pays afin d’importer des marchandises commandées depuis quatre mois, selon la présidente du syndicat. Les entreprises ne peuvent retirer que « 20 millions de livres » par mois. Elles doivent donc se débrouiller pour trouver d’autres sources de financement afin d'honorer leurs factures de leurs fournisseurs. Dans ce contexte, et parce qu'elles doivent également couvrir leurs autres frais de fonctionnement, comme le loyer et les salaires principalement, il est fort possible que des entreprises d'importation de matériel médical mettent prochainement « la clé sous la porte si elles n’arrivent pas à écouler leurs stocks, car personne ne peut leur payer en liquide conformément aux exigences de la BDL », explique-t-elle.
La nouvelle décision de la BDL ne devrait donc pas être sans conséquences à maints niveaux sur la santé publique au Liban, un secteur déjà plombé par la crise des liquidités, la pandémie de Covid-19 et la double explosion au port de Beyrouth du 4 août dernier, qui a notamment ravagé plusieurs hôpitaux et cliniques de la capitale.
Diminution de la masse monétaire
La décision de la banque centrale s'inscrit dans le cadre plus large d'une stratégie visant à capter une partie des liquidités en livres, et donc de diminuer la masse en monnaie nationale en circulation. Cette stratégie aura comme impact, d’un point de vue monétaire, de diminuer l’offre de livres sur le marché. Combiné à la difficulté d’acheter des dollars (les agents de change demandant des livres en liquide), et donc une baisse de la demande, ce mécanisme devrait engendrer une appréciation de la livre.
Ce n’est pas l’unique stratégie que la BDL a mise en place ce mois-ci pour réduire la masse monétaire. Elle a en effet imposé des limites de retraits sur les livres aux banques du pays sur leurs comptes courants, en leur suggérant de retirer depuis leurs comptes bloqués. Or, en ces temps de crise de confiance dans le secteur bancaire, les taux d’intérêt sur les dépôts bloqués à la banque centrale sont l’une des rares sources de revenus pour les banques, qui ont donc à leur tour imposé des limites de retraits à leurs clients, entreprises ou particuliers. L’Association des banques (ABL) a trouvé un accord avec la BDL durant le week-end écoulé afin de réduire les coûts supportés par les retrais de ces comptes bloqués. Mais, selon une source proche du dossier, certaines banques n’ont pas accepté cette hausse de coûts supplémentaires et imposent donc des limitations à leurs clients.
commentaires (4)
Ils sont à cours d’idée d’assécher les provisions sous les matelas des citoyens. Il faut que le peuple arrête de payer ses factures de tout genre à l’état et on verra si leurs provisions à eux leur suffit pour garder leur train de vie en ne touchant pas de salaire et en perdant leurs privilèges de voleurs.
Sissi zayyat
16 h 36, le 21 octobre 2020