Un désaccord entre le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, et la ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, a été constaté ces derniers jours, sur fond de conflit de prérogatives au sujet du suivi de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth. Et ce, alors que les familles des victimes attendent impatiemment que leur soient communiqués les moindres résultats sur l’enquête de la double explosion, le 4 août dernier, qui a fait plus de 200 morts et 6 000 blessés. Dans une volonté de valoriser son rôle dans l’enquête, dont il estime qu’il n’est pas reconnu par la ministre de la Justice, M. Oueidate avait publié samedi un communiqué particulièrement virulent à l’encontre de cette dernière. Sans la nommer, M. Oueidate a affirmé que Mme Najm fait de « la surenchère » en affirmant coordonner elle-même avec les États étrangers pour le suivi des investigations. C’est lui-même, dit-il, qui avait adressé des commissions rogatoires à ces pays pour leur demander de déléguer des experts en justice pénale afin de mener des investigations techniques. Le procureur indique dans son communiqué qu’il est « en contact quasi quotidien » avec ces experts, estimant que « les efforts déployés par le parquet de cassation donnent aux États sollicités confiance en la justice libanaise ». « Par conséquent, toute autorité qui se prévaudrait de diriger l’enquête et de coordonner avec les États concernés commettrait une ingérence dans l’action du pouvoir judiciaire. Cette ingérence s’inscrirait dans le cadre d’une surenchère », indique le texte.
À l’origine de la charge du procureur, les propos tenus par la ministre de la Justice vendredi sur le cours de l’enquête. Mme Najm avait fait état d’un suivi qu’elle mène auprès de l’ambassadrice des États-Unis, Dorothy Shea, et de Grande-Bretagne, Chris Rampling. Au cours de sa réunion avec le diplomate du Royaume-Uni, elle lui avait demandé de presser des experts britanniques de répondre à 10 questions que M. Sawan leur avait adressées dans le cadre de son enquête. La ministre a annoncé en outre la tenue, sous peu, d’une prochaine réunion avec l’ambassadrice française, Anne Grillo, en vue de pousser son pays à accélérer la publication des rapports des enquêteurs français, ainsi qu’à livrer les images satellites de la catastrophe. Lors d’un entretien vendredi avec les proches des dix pompiers tués le 4 août, Mme Najm a affirmé que « le pouvoir judiciaire compte sur les éléments qu’apporteront les experts français ayant inspecté le périmètre du port et le fond de la mer », soulignant que « des fragments ont été prélevés en vue de les analyser et d’identifier les matières qui ont causé l’explosion ». « Le juge d’instruction près la Cour de justice, Fadi Sawan, attend les rapports techniques demandés par la justice libanaise ainsi que les réponses aux commissions rogatoires », a-t-elle ajouté. Après un entretien le jour même avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, la ministre de la Justice a insisté sur le besoin d’ « une enquête rapide et non précipitée », reconnaissant que « le temps nécessité par l’enquête est logique, vu l’ampleur de la catastrophe ».
Sur des charbons ardents
Dans les milieux du ministère de la Justice, on assure que Mme Najm « ne se mêle pas des investigations et n’est concernée ni par leur contenu ni par leurs détails ». « Il est toutefois normal que la ministre de la Justice accompagne le cours de l’enquête et sollicite les États étrangers pour l’accélérer autant que possible », indique une source à L’Orient-Le Jour, soulignant qu’« entreprendre des contacts avec les parties concernées fait non seulement partie de ses prérogatives, mais de son devoir ». « D’autant qu’il est urgent de satisfaire les demandes des familles des victimes, qui attendent sur les charbons ardents l’avancement des investigations. »L’attitude négative de Ghassan Oueidate à l’encontre de la démarche de Mme Najm est par ailleurs critiquée dans les milieux juridiques. « Réclamer l’accélération de l’enquête fait partie des prérogatives du ministre de la Justice », indique à L’OLJ Saïd Malek, constitutionnaliste. Dans le même esprit, Rizk Zgheib, avocat et maître de conférences à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, estime qu’« en recourant aux canaux diplomatiques », la ministre ne commet « aucune interférence ». « Il est de son pouvoir d’inciter à la célérité de l’enquête, de sorte qu’en l’espèce, le juge Fadi Sawan puisse rassembler tous les éléments nécessaires à la publication de son acte d’accusation. » Le juriste se demande au passage pourquoi M. Oueidate s’est senti visé par les propos de Mme Najm, alors que s’il y a protestation contre une obstruction de l’action judiciaire, elle devrait émaner plutôt de M. Sawan, qui en référerait au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). D’ailleurs, ajoute Rizk Zgheib, la loi sur l’organisation judiciaire soumet le ministère public à l’autorité du ministre de la Justice. « Dans la hiérarchie administrative, le procureur près la Cour de cassation n’est pas un îlot indépendant. Il est un subordonné qui ne peut viser son supérieur de cette façon », martèle-t-il. Il reste que, dans les milieux proches du parquet de cassation, on attribue les critiques de M. Oueidate à « un trop-plein » qu’il ressent depuis la nomination de Mme Najm au portefeuille de la Justice. Selon ces milieux, la ministre n’a jamais exprimé un mot d’appréciation à l’égard du procureur général, méconnaissant souvent les actions qu’il entreprend dans le cadre de ses compétences. « C’est cette continuelle volonté de marginaliser son rôle qui a poussé M. Oueidate à fustiger la tendance de la ministre de la Justice à toujours vouloir se valoriser à son détriment », soutient-on dans ces mêmes milieux.
Lorsqu’on n’a pas les qualités requises on s’approprie celles des autres, c’est le dogme des partisans CPL qui occupent leurs postes par piston et qui colle ses défauts aux autres. Ça fait partie de leur plan depuis qu’ils ont usurpé le pouvoir. Un ministre capable et à la hauteur de son poste met toujours en avant la qualité de son équipe et n’utilise jamais le mot « JE » mot cher aux incompétents qui veulent avoir le beau rôle lorsqu’il s’agit de réussite et se dépêchent pour accuser les autres lorsqu’ils sont les premiers concernés en utilisant « ILS » pour se dédouaner. Mme Najm aurait pu citer M. Oueidate dans son action sans que cela nuise à son poste , au contraire ça aurait donné du poids à son action.
14 h 28, le 20 octobre 2020