Le président libanais Michel Aoun a affirmé vendredi au secrétaire d’État adjoint américain pour le Moyen-Orient, David Schenker, que le Liban "mise beaucoup sur la médiation des Etats-Unis" pour aboutir à des "solutions équitables" durant les négociations avec Israël sur le tracé de la frontière maritime. Il a également souligné que les parties libanaises concernées s'employaient actuellement à former un "gouvernement propre", deux jours après le report d'une semaine des consultations parlementaires contraignantes en vue de nommer un Premier ministre.
Mercredi, le Liban et Israël, deux voisins techniquement toujours en guerre, ont engagé des pourparlers sous l'égide des Etats-Unis pour délimiter leur frontière maritime et lever les obstacles à la prospection d'hydrocarbures, Beyrouth espérant clore le dossier "dans un délai raisonnable". M. Schenker a joué le rôle de médiateur pour le premier round de ces négociations. Le deuxième round de ces discussions aura lieu le 26 octobre prochain.
"Surmonter les difficultés"
"Le Liban mise beaucoup sur la médiation américaine pour aboutir à des solutions équitables durant les négociations qui ont débuté il y a quelques jours sur le tracé de la frontière maritime sud", a déclaré le chef de l'Etat au responsable US reçu dans la matinée au palais présidentiel de Baabda, selon un communiqué publié par la présidence libanaise. Cette médiation "peut aider à surmonter les difficultés qui pourraient apparaître lors de ces discussions", a ajouté le président Aoun.
Il a par ailleurs remercié Washington pour son aide au Liban et aux sinistrés de la double explosion meurtrière du port de Beyrouth, le 4 août dernier, qui a fait plus de 200 morts, plus de 6.500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la capitale, laissant 300.000 sans abri.
Selon le communiqué de Baabda, David Schenker, qui ne s'est pas exprimé à l'issue de son entretien avec Michel Aoun, a assuré que son pays poursuivra sa médiation lors des discussions sur le tracé de la frontière maritime entre le Liban et Israël, exprimant l'espoir que ces négociations réussissent "le plus rapidement possible" et aboutissent à des "résultats positifs".
Dans ce contexte, la délégation libanaise prenant part à ces négociations, présidée par le général Bassem Yassine, a été reçue dans la journée par la ministre sortante de la Défense, Zeina Acar. Le général Yassine s'est, lui, entretenu avec le président de la Chambre, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné.
"Gouvernement propre"
Sur un autre plan, le chef de l'Etat a déclaré au responsable US que des discussions ont été lancées "dans le but de former un gouvernement propre axé sur la mise en œuvre des réformes indispensables pour permettre au pays de surmonter sa situation économique et financière", insistant sur "l'importance de l'audit des comptes de la Banque du Liban, une étape essentielle sur le plan des réformes, du recouvrement des droits de l'Etat et le redressement de l'économie libanaise".
M. Schenker a pour sa part salué, selon le communiqué de la présidence, "le rôle positif que joue le chef de l'Etat dans le pilotage de la lutte contre la corruption et le changement de la méthode qui avait prévalu jusque là", estimant que "les réformes au Liban sont essentielles (...) d'autant qu'il n'y a pas de différence entre la politique et l'économie" et exprimant l'espoir qu'un cabinet "productif" soit rapidement formé.
Mise au point
Toutefois, l'ambassade américaine a publié une mise au point en réaction aux propos attribués par le palais de Baabda à David Schenker. Dans un communiqué, le porte-parole de l'ambassade américaine à Beyrouth, Casey Bonfield, souligne ainsi que, lors de la réunion entre MM. Aoun et Schenker, ce dernier a remarqué le message inscrit sur une épée accrochée derrière le bureau du chef de l'Etat sur laquelle était gravé : "La transparence est l'épée qui vaincra la corruption". Le haut responsable américain a alors souligné qu'il était de la responsabilité du président Aoun de "brandir (métaphoriquement) cette épée de la transparence et modifier le modèle de gouvernance" dans le pays.
Mercredi, Michel Aoun a ajourné d'une semaine les consultations parlementaires contraignantes en vue de nommer un nouveau Premier ministre, qui étaient prévues jeudi, afin d' assurer un "climat propice", alors que la désignation du leader du courant du Futur, Saad Hariri, semblait acquise numériquement grâce au soutien du Futur, du parti du leader druze Walid Joumblatt et des Marada, mais sans l'appui des deux plus importantes formations chrétiennes, le Courant patriotique libre et les Forces libanaises.
La semaine dernière, M. Hariri s'était déclaré candidat pour la formation d'un gouvernement de spécialistes sans affiliation politique pour une durée limitée. Ce gouvernement devrait être chargé de mettre en œuvre les réformes réclamées par la communauté internationale pour sortir le pays de la crise, conformément à l'initiative du président français Emmanuel Macron.
Lors de son entretien avec David Schenker, le chef de l'Etat a par ailleurs évoqué le dossier des réfugiés syriens installés au Liban après avoir fui leur pays en guerre, insistant sur leur "impact négatif au niveau des services publics" et appelant les Etats-Unis à "faciliter le retour de ces déplacés dans leur pays, où la plupart des régions est devenue sûre et stable". Le Liban compte plus d'un million de réfugiés syriens.
Après son échange avec Michel Aoun, David Schenker s'est ensuite entretenu avec le chef des Marada, Sleimane Frangié, et l'ex-Premier ministre Nagib Mikati. Dans l'après-midi, M. Schenker, accompagné de l'ambassadrice américaine à Beyrouth Dorothy Shea, a également été reçu par Saad Hariri à la Maison du Centre. Ils ont discuté, selon des informations de l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), des derniers développements locaux et régionaux, notamment de la démarcation de la frontière maritime, ainsi que des relations bilatérales entre Beyrouth et Washington. Il s'est encore entretenu, dans la soirée, avec le leader maronite et chef des Forces libanaises Samir Geagea;
Sans doute, Shenker, au fond de lui-même, pensait très différemment de ce qu'il entendait . D'ailleurs, la mise au point après sa visite, a été nécessaire pour corriger tout de suite, ce que prétendaient les services de Baabda, des" louanges" vis à vis de Aoun !
22 h 24, le 16 octobre 2020