Deux mois déjà… Deux mois se sont écoulés depuis l’explosion apocalyptique du 4 août au port de Beyrouth. Ce laps de temps est certes court pour mener à leurs termes des investigations crédibles et sérieuses, si tant est que la volonté à cet égard existe réellement. Le scepticisme, pour l’heure, reste le sentiment le plus prévalant au niveau de la population. Comment pourrait-il en être autrement lorsque nul parmi les officiels n’a eu encore l’audace de fournir le moindre petit indice susceptible d’éclairer les Libanais sur les véritables causes du cataclysme qui a dévasté les quartiers anciens de la capitale.
Dans ce qui peut paraître comme une cynique opération de camouflage visant à détourner l’attention de l’opinion publique de l’identité des responsables (politiques) de ce drame, les campagnes médiatiques se contentent de dénoncer « la négligence » de ceux qui étaient en charge du port, à différents échelons. Habile manœuvre de diversion qui permet d’éviter de poser les vraies questions que nul n’ose soulever clairement du fait, semble-t-il, de leur caractère tabou : qui est cette autorité omnipotente à peine « occulte », intouchable, qui emmagasinait pendant des années ces matières explosives, voire peut-être des munitions, dans le ou les hangar(s) du port, en les considérant comme une chasse gardée, une ligne rouge ? La passivité des fonctionnaires en poste dans le secteur est-elle vraiment une « négligence » grave, ou plutôt une résignation face à un fait accompli imposé par cette autorité à toutes les parties, responsables officiels inclus ? Les hautes sphères du pouvoir étaient au courant du danger ; quelle est cette force prépondérante qui les a empêchés d’agir ? Les dirigeants à la tête de l’État n’assument-ils pas, eux, la responsabilité politique et morale de la catastrophe pour n’avoir pas eu le courage de taper du poing sur la table afin d’éviter le pire ? Il est certes déplorable que les vraies questions ne soient pas posées sans détour, mais en
réalité les réponsesn’échappent certainement à personne, malgré la manœuvre de diversion axée sur la théorie de la « négligence » et de la « corruption » de simples fonctionnaires. En effet, quel que soit le facteur qui a provoqué l’explosion du 4 août, que la cause soit un accident, une attaque ou un acte de sabotage criminel, cela ne change rien à l’affaire : la responsabilité directe du Hezbollah dans ce fait accompli, assorti d’une infranchissable ligne rouge qu’il a longtemps imposée manu militari au port ne saurait être occultée. Ce fait accompli représente d’ailleurs l’un des éléments d’une stratégie globale visant à mettre en place dans le pays (comme ce fut le cas en Iran et plus tard au Yémen et en Irak) une structure para-étatique reposant sur des pratiques miliciennes, de manière à saper ou à court-circuiter le pouvoir central.
C’est ainsi dans le cadre de cette stratégie d’inspiration khomeyniste, que le parti pro-iranien s’est livré depuis sa fondation au milieu des années 80 à un minutieux travail de fourmi, un patient travail de sape de l’autorité de l’État. Tel un feu ravageur qui s’étend lentement de bâtiment en bâtiment, il a déployé progressivement ses tentacules – en s’inspirant de la politique des petits pas – pour miner les structures officielles afin de se forger une place de para-État, sans s’empêcher aussi depuis quelque temps d’étendre son influence directe à l’administration publique. Le tout au service exclusivement d’un projet hégémonique et théocratique régional.
Le drame du 4 août a constitué la manifestation la plus grave et la plus meurtrière de cette stratégie de sape et de grignotage dans une optique para-étatique reposant sur le poids d’un puissant arsenal militaire. Ce n’est pas pour rien que le président Emmanuel Macron a tancé il y a une dizaine de jours, depuis l’Élysée, le Hezbollah à ce propos en l’invitant à cesser de « terroriser par les armes » les Libanais et les factions locales. Comment reprocher dans de telles circonstances à des fonctionnaires, aussi haut placés soient-ils, d’avoir fait preuve de résignation face au fait accompli milicien qui était imposé pendant de longues années au port ?
L’explosion apocalyptique du 4 août a reposé avec violence un double problème au niveau de la place qu’occupe le Hezbollah sur la scène locale : d’abord, la nature des rapports du parti pro-iranien avec les autres composantes nationales, des rapports qui ne sauraient être fondés sur la force des armes ; ensuite, son allégeance inconditionnelle au guide suprême à Téhéran. Tout dialogue interne serait vain et trompeur tant qu’une solution radicale n’aura pas été trouvée à cette double entrave à portée existentielle.
commentaires (8)
CEUX QUI NE DEGAGENT PAS DE BONGRE, LE PEUPLE DEVRAIT LES DEGAGER DE MALGRE ! ABRUTIS ET MERCENAIRES !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 29, le 07 octobre 2020