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Nos Lecteurs ont la Parole

Au Liban, l’hyperlibéralisme de tous les désastres

On en aura entendu des critiques ces derniers mois ; tout y est passé : le système confessionnel, le manque de transparence dans les institutions publiques, l’inaction politique face à l’effondrement du pays... pour n’en citer que quelques-unes. Mais dans cette crise démentielle que connaît le Liban, quid du rapport des Libanais à l’argent ? Niet. Et cela est bien dommage parce que, en réalité, au Liban, tous les maux trouvent leurs racines dans l’argent. Et pour le citoyen lambda, ce n’est ni la cupidité ni l’avarice qui renflouent cette fascination pour l’argent, mais simplement l’influence de l’argent sur le quotidien des Libanais pour qu’ils puissent espérer jouir d’une vie moyennement digne.

L’argent possède une importance démesurée au Liban : on ne peut se déplacer, avoir une éducation de qualité, manger à sa faim, avoir accès aux soins ou même s’amuser sans argent. Mais l’argent n’est pas qu’essentiel pour la survie du citoyen, c’est aussi un rempart contre l’éternelle instabilité politique et économique qui plane sans cesse sur le Liban. Bien qu’une culture entrepreneuriale et une appétence pour un capitalisme de consommation priment au Liban et font même grandement la fierté des commerçants libanais, l’ombre d’un effondrement du pouvoir d’achat a toujours plané sur les ménages libanais les plus modestes. Puisque l’État, censé aider à la consommation et à mettre en place une redistribution des richesses à travers la collecte d’impôts, s’est effacé et le système d’imposition a été perverti pour nourrir une corruption florissante.

L’impôt progressif a été abandonné pour avantager les plus riches et les plus puissants au nom d’un libéralisme économique et d’une prétendue incitation au travail. Mais ce libéralisme trompeur, en réalité libéré de tout contrôle de l’État et rongé de corruption, a explosé pour se transformer en hyperlibéralisme de l’argent à tout prix. L’essence même du travail a été ternie : il ne représente plus un service octroyé par le citoyen à la société, mais seulement un moyen de se procurer de l’argent. De même pour l’éducation : le diplôme n’est plus une attestation de compétence dans son domaine de prédilection, mais un moyen de se procurer de l’argent, quitte à ne pas l’utiliser lorsqu’une alternative pour se procurer de l’argent existe. L’hyperlibéralisme crée cette illusion que la richesse matérielle est accessible à tout le monde, alors qu’il ne fait qu’enrichir ceux qui sont déjà riches et creuser les écarts entre les classes sociales. L’hyperlibéralisme a placé le Liban, comme le dirait l’agroéconomiste Lester Brown, « sur une trajectoire d’effondrement ». Mais l’hyperlibéralisme est aussi un cercle vicieux et un gouffre sans fin ; car si la corruption appelle l’hyperlibéralisme, l’hyperlibéralisme, lui aussi, entraîne la corruption. Pour faire face à cette dualité dangereuse, il faut instaurer un État-providence conscient qu’il faille réduire l’importance de l’argent dans le quotidien des Libanais. Mais que faire alors quand l’État lui-même entretient joyeusement le besoin d’argent au quotidien ?


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On en aura entendu des critiques ces derniers mois ; tout y est passé : le système confessionnel, le manque de transparence dans les institutions publiques, l’inaction politique face à l’effondrement du pays... pour n’en citer que quelques-unes. Mais dans cette crise démentielle que connaît le Liban, quid du rapport des Libanais à l’argent ? Niet. Et cela est bien dommage parce...

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