Critiques littéraires

Covid : problématique médicale et sociale

Tempête parfaite, Chronique d’une pandémie annoncée de Philippe Sansonetti, Seuil, 2020, 180 p.

Ce petit livre réunit une série de chroniques rédigées entre janvier et juin 2020. Il constitue une sorte d’histoire immédiate de la pandémie rédigée par le titulaire de la chaire de microbiologie et maladies infectieuses du Collège de France. Il s’est toujours senti très concerné par les politiques de santé publique.

Dès la fin janvier, on prend conscience du risque de diffusion de la Covid-19 en raison des formidables moyens offerts par les transports aériens du monde globalisé. La Chine est très loin, mais Shanghai-Paris est à 11 heures d’avion. Le 14 février, il note que l’orage se rapproche et que ce n’est plus une crise sanitaire purement chinoise. On doit déjà parler de pandémie même si l’OMS hésite à le reconnaître.

C’est la troisième émergence due à un coronavirus après le SRAS et le MERS. La contagiosité est plus grande mais il est moins pathogène. Le 29 février, on doit constater que la pandémie n’a pas été évitée, il faut maintenant la contenir. Les dénonciateurs de l’hystérie ont tort en l’assimilant à une grippe. La grippe tue en moyenne 10 000 personnes par an en France et la Covid-19 tue dix fois plus si on ne prend pas de précautions.

Le 14 mars, c’est la semaine où tout bascule. L’Europe est devenue l’épicentre de la maladie. La Covid-19 est vertigineuse par la combinaison d’une crise sanitaire et d’une crise économique et sociale annoncée. Tout le problème de la relation entre la liberté de l’individu et les disciplines collectives est posé.

Sansonetti renvoie aux écrits de son grand prédécesseur, Charles Nicolle (1866-1936) : « La connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables. Nous sommes aussi, à ce point de vue, quels que soient nos sentiments vis-à-vis d’eux, solidaires des animaux, surtout des bêtes domestiques. »

Il nous expose dans les chapitres suivants l’essentiel des connaissances sur la maladie, les éventuels médicaments et la mise au point de vaccin. Il fait des retours historiques pour éclairer ses explications. Toujours le médical et le social restent liés.

Il existe un « temps scientifique » qui pour une part tend à s’accélérer. Il a fallu 15 ans entre la grippe espagnole et la découverte du virus grippal, 25 pour la mise au point d’un vaccin et 50 pour l’apparition des premiers antiviraux d’efficacité relative. Il a fallu trois ans entre l’émergence du sida et la découverte de VIH, 15 ans pour une médication efficace et toujours pas de vaccin. La découverte du virus de la Covid-19 a été pratiquement immédiate et on mettrait un an pour arriver à un vaccin efficace.

Néanmoins la part du social reste lourde. La controverse sur les signaux d’alarme en 2009 pour H1N1 a largement démotivé les autorités politiques et sanitaires. On paie durement le conspirationnisme accusant les politiques et les experts d’agir sous l’influence du lobby de l’industrie pharmaceutique. Il faut faire toute une sociologie de la défiance dont le coût humain risque d’être considérable. Les scientifiques ont leur part de responsabilité comme le montre la controverse sur l’hydroxychloroquine : « L’absence d’une étude initiale convaincante, une campagne riche en sophismes, utilisant la peur des patients et de leurs familles et le sentiment d’impuissance des médecins, a attisé un populisme médical vite alimenté par un argumentaire complotiste. Selon ce dernier, un médicament générique, peu susceptible d’être profitable aux laboratoires qui le produisent, est écarté par une collusion des experts scientifiques et des politiques sous la pression des lobbys pharmaceutiques pour laisser place libre à un médicament qui d’ailleurs n’existe pas encore. Comme si cela ne suffisait pas, les médias en ont fait un “classico” vulgaire opposant un parisianisme castrateur et jaloux à une géniale contribution marseillaise. Au secours, monsieur Pagnol, ils sont devenus fadas ! Comment peut-on colporter de telles contrevérités ? Pour les chercheurs parisiens, dont beaucoup sont marseillais, les chercheurs marseillais, dont beaucoup sont parisiens, constituent un foisonnant foyer scientifique en biologie fondamentale, un bastion en immunologie, cancérologie… et même en microbiologie. Cette controverse a pollué la capacité de réaliser proprement et sereinement des études cliniques rigoureuses de l’hydroxychloroquine. On ne saura sans doute jamais si elle a le moindre effet sur l’évolution de Covid-19. Était-ce cela l’objectif ? »

On trouvera dans ce livre d’un grand honnête homme l’état des connaissances sur les premiers mois de la pandémie et la leçon essentielle que l’on a toujours tendance à négliger, que le médical et le social sont indissociables. Cette lecture est plus qu’à recommander.

Tempête parfaite, Chronique d’une pandémie annoncée de Philippe Sansonetti, Seuil, 2020, 180 p.Ce petit livre réunit une série de chroniques rédigées entre janvier et juin 2020. Il constitue une sorte d’histoire immédiate de la pandémie rédigée par le titulaire de la chaire de microbiologie et maladies infectieuses du Collège de France. Il s’est toujours senti très concerné...

commentaires (2)

À ma connaissance le virus spécifique de la grippe espagnole a été retrouvée dans les restes mortelles de quelques victimes dont le Sykes de Sykes Picot, il a été analysé mais il ne circule plus De toute façon ce n’est pas un coronavirus

Henry Laurens

15 h 11, le 03 octobre 2020

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Commentaires (2)

  • À ma connaissance le virus spécifique de la grippe espagnole a été retrouvée dans les restes mortelles de quelques victimes dont le Sykes de Sykes Picot, il a été analysé mais il ne circule plus De toute façon ce n’est pas un coronavirus

    Henry Laurens

    15 h 11, le 03 octobre 2020

  • Bonjour Henry Juste un mot médical pour te dire que le virus de la grippe espagnole était le H1N1; que cent ans après il court toujours et qu’il est présent régulièrement dans les épidémies hivernales depuis plus de 5 ans Il n’y aura pas de vaccin pour le covid ... En tout cas aucun crédible .Ce sera encore une fois une histoire d’argent et de marketing pharmaceutique mais côté efficacité oublie il n’y en a jamais eu pour la grippe espagnol Qui a finit par passer toute seule Je t’embrasse virtuellement mis de tout cœur !?

    Noha Baz

    13 h 23, le 01 octobre 2020

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