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Société - Sécurité

Mohammad Atoui a perdu son dernier match

Le footballeur chevronné est décédé hier, près d’un mois après avoir été atteint à la tête par une balle perdue.

Mohammad Atoui a perdu son dernier match

Le cercueil de Mohammad Atoui porté à bout de bras.

Une tristesse profonde et une vive colère planaient hier matin sur le monde sportif au Liban, à la suite du décès du footballeur Mohammad Atoui, près d’un mois après avoir été atteint à la tête par une balle perdue. C’était le 21 août. Le jeune homme de 33 ans se trouvait dans le secteur de Cola, à Beyrouth. Dans le quartier voisin de Tarik el-Jdidé, se déroulaient les funérailles de l’une des victimes de la double explosion du port survenue le 4 août. Des funérailles marquées par d’abondants tirs en l’air. Une balle était retombée sur Mohammad Atoui, le blessant grièvement à la tête. Depuis, il était hospitalisé à l’hôpital des Makassed, à Tarik el-Jdidé.

« Nous savions dès le premier jour qu’il n’allait pas survivre à ses blessures, mais son décès annoncé ce matin (hier) reste douloureux », confie à L’Orient-Le Jour Waël Chehayeb, membre du comité exécutif de la Fédération libanaise de football et secrétaire général du club al-Akhaa’ al-Ahli Aley, où le footballeur chevronné jouait depuis près de trois ans. « C’est comme si le drame avait eu lieu aujourd’hui, poursuit-il, d’une voix nouée. Que voulez-vous que je vous dise ? Le chaos règne dans le pays et pas un seul responsable ne s’en préoccupe. Chez nous, l’homme n’a plus aucune valeur. »

Mohammad Atoui était un homme « affable et modeste », reprend M. Chehayeb. Il avait « le sens de l’humour » et « s’était vite intégré à l’équipe ». Pour Nabil Badr, président du club de foot al-Ansar, au sein duquel le footballeur a joué pendant près de dix ans et dont il était le capitaine, « Mohammad était un joueur irremplaçable et une valeur ajoutée au monde du football ». « C’était un homme d’éthique, affirme-t-il. Il avait l’étoffe d’un capitaine. Son décès est une grande perte et une date triste dans l’histoire du football au Liban. »


Mohammad Atoui est décédé hier près d’un mois après avoir été atteint à la tête par une balle perdue. Photo tirée de la page Facebook du club al-Ansar @AlAnsarFC.Official


« Décédé en martyr »
Originaire de Harouf, dans le caza de Nabatiyé, Mohammad Atoui, qui comptait quelques sélections en équipe nationale, avait joué dans plusieurs clubs du Liban, dont Ansar, Tadamon Sour et Akhaa’ al-Ahli Aley. Il devait se marier prochainement, mais le destin et la bêtise criminelle de cette coutume encore trop répandue de tirer en l’air pour les mariages, funérailles ou encore réussites aux examens en ont voulu autrement. Et ce sont des funérailles émouvantes et populaires qui lui ont été réservées dans son village natal. Le cortège funèbre était précédé par de jeunes scouts qui portaient un grand portrait du footballeur et des gerbes de fleurs. Sur des banderoles, on pouvait lire « Tu as vécu en héros et tu es décédé en martyr ». Le cercueil du jeune homme a été par la suite porté à bout de bras par les habitants du village et des amis du footballeur, avant que son corps ne soit enterré dans le cimetière du village.

La famille du jeune homme a exigé une enquête approfondie sur les circonstances de sa mort, pour laquelle aucune arrestation n’a encore eu lieu. « Nous n’accepterons pas que la mort de Mohammad passe inaperçue, affirme dans ce cadre Nabil Badr. Nous suivrons de près le déroulement de l’enquête. » De nombreux hommages ont été rendus hier au footballeur. Dans un tweet, la ministre sortante de la Jeunesse et des Sports, Varty Ohanian, a salué la mémoire d’un « jeune homme humble » et d’un sportif « modèle ».

« Preuve de virilité »
Le décès de Mohammad Atoui remet une fois de plus sur le tapis le dossier du port d’armes individuelles. « Pourquoi y en a-t-il autant ? se demande Waël Chehayeb. Pourquoi tirer en l’air à chaque occasion ? Il faut mettre un terme à ce phénomène. Ce sont des gens innocents qui en paient le prix de leur vie. »

Même son de cloche chez Nabil Badr qui déplore le recours aux tirs en l’air à chaque occasion. « Pourquoi, à la base, y a-t-il des armes individuelles dans la capitale ? martèle-t-il. Lorsque ces armes sont utilisées d’une manière irresponsable et illégale, il faut qu’il y ait une reddition des comptes. »

Les tirs en l’air sont malheureusement encore très courants au Liban. C’était le cas hier encore à Tripoli, au Liban-Nord, où une femme, D.A.A., a été blessée à la tête lors des funérailles de Mohammad Hosni, un des migrants clandestins naufragés dont le corps a été retrouvé jeudi soir à Saadiyate, au Liban-Sud. La victime se trouve dans un état stable à l’hôpital Mounla.

« Les tirs en l’air sont un phénomène auquel ont recours les hommes dans notre société pour exprimer leur virilité, commente Roula Talhouk, anthropologue. C’est un signe de décadence. Ces phénomènes ne sont observés que dans les sociétés machistes où l’État est absent et les gens se sentent en insécurité parce qu’ils ne font pas confiance à la partie qui est supposée les protéger. »

Une tristesse profonde et une vive colère planaient hier matin sur le monde sportif au Liban, à la suite du décès du footballeur Mohammad Atoui, près d’un mois après avoir été atteint à la tête par une balle perdue. C’était le 21 août. Le jeune homme de 33 ans se trouvait dans le secteur de Cola, à Beyrouth. Dans le quartier voisin de Tarik el-Jdidé, se déroulaient les...

commentaires (3)

"Pourquoi, à la base, y a-t-il des armes individuelles dans la capitale ?". C'est la bonne question. Mais comment reprocher à l;un de posséder une kalachnikov quand d'autres ont des canons et des missiles?

Yves Prevost

06 h 21, le 20 septembre 2020

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Commentaires (3)

  • "Pourquoi, à la base, y a-t-il des armes individuelles dans la capitale ?". C'est la bonne question. Mais comment reprocher à l;un de posséder une kalachnikov quand d'autres ont des canons et des missiles?

    Yves Prevost

    06 h 21, le 20 septembre 2020

  • Pays de fêlés , revenu 2 siècles en arrière...!

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 23, le 19 septembre 2020

  • En quoi M. Atoui est-il "décédé en martyr"? C'est plutôt une mort bête. Au fait, est-ce qu;ils ont quand même tire en l'air a l'occasion de ses funérailles, les bonnes gens de Harouf?

    Mago1

    04 h 48, le 19 septembre 2020

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