C’est lors d’une émission diffusée en différé sur la chaîne télévisée LBCI que la remise de l’édition 2020 du Prix Samir Kassir a eu lieu hier, alors que le pays n’a pas encore fini de panser ses blessures plus d’un mois après l’apocalypse du 4 août, à une période où le monde arabe a plus que jamais besoin d’investir dans une presse indépendante, alors que dans cette région du monde, les journalistes font de plus en plus l’objet de répression.
« L’année 2020 a été la pire au Liban en termes de liberté de la presse, comme l’affirme Ayman Mhanna, directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir. En neuf mois, 75 journalistes et photographes ont été agressés contre 15 en 2019. De plus, treize journalistes ont été arrêtés contre neuf en 2019. »
Les lauréats de cette quinzième édition sont Rim Ben Rjeb de Tunisie, Moustapha Abu Shams de Syrie et Dalal Mawad du Liban, respectivement pour les catégories « article d’opinion », « article d’investigation » et « reportage audiovisuel ». Rim Ben Rjeb s’est penchée sur la vie sexuelle des personnes à besoins spécifiques, en racontant l’histoire de sa sœur, Fahsa, atteinte de trisomie 21. Moustapha Abu Shams a mené une enquête qui a duré près de quatre mois sur les enfants des combattants qui ignorent leurs parents et leurs mères. Quant à Dalal Mawad, elle a raconté l’histoire d’une transgenre, Léa, au Liban. Par ailleurs, et pour la première fois, un prix étudiants a été décerné cette année à Kamal Ayash, d’Irak, pour son article sur les malformations congénitales chez les enfants nés quinze ans après le bombardement de Falloujah. Vingt étudiants d’universités libanaises ont ainsi pu lire les articles et visualiser les reportages des finalistes et interagir avec eux virtuellement avant de voter pour leur candidat préféré.
« Une ville blessée et tuée »
Organisé par l’Union européenne, en association avec la Fondation Samir Kassir, ce prix rend hommage au journaliste et historien Samir Kassir, assassiné en juin 2005 à Beyrouth. Présent sur le plateau, Ralph Tarraf, ambassadeur de l’Union européenne au Liban, a mis l’accent sur la pression qui continue d’être exercée sur les journalistes au Liban et dans la région, déplorant « l’intimidation, les poursuites, le harcèlement que continuent de subir ces journalistes par différentes parties, y compris des institutions étatiques ». « Cela nous inquiète, parce que nous sommes convaincus que la liberté d’expression, notamment le travail des journalistes, est l’un des principaux fondements d’une société démocratique et transparente », a-t-il ajouté.
De son côté, Gisèle Khoury, présidente de la Fondation Samir Kassir, confie que cette année le prix est décerné alors que « Beyrouth, la ville de Samir Kassir, est blessée et tuée ». « La victime aujourd’hui n’est pas un activiste politique, un détenu d’opinion, un écrivain rêveur ou un journaliste, mais toute la ville et tout un peuple. »
Deux cent douze candidats de douze pays de la région MENA ont pris part à cette quinzième édition. Ils sont venus d’Algérie, de Bahreïn, d’Égypte, d’Irak, de Jordanie, du Liban, de Libye, du Maroc, de Palestine, de Syrie, de Tunisie et du Yémen.
Quatre-vingt-cinq candidats se sont présentés pour la catégorie « article d’opinion ». Les finalistes sont Rayyan Dabbous du Liban, Imane Adel d’Égypte et Rim Ben Rjeb de Tunisie. Dans la catégorie « article d’investigation », pour laquelle 84 journalistes ont soumis leur candidature, ont été retenus Moustapha Abu Shams de Syrie, Nour Ibrahim d’Irak, et Kamal Ayash d’Irak.
Les finalistes de la catégorie « reportage audiovisuel » sont Dalal Mawad du Liban, le tandem Saada Abdelkader et Sameh Ellaboody d’Égypte, et Asaad Zalzalee d’Irak, qui avait déjà remporté le Prix Samir Kassir à deux reprises en 2017 et 2018.
Le jury était formé de Bakhtiar Amin, ancien ministre irakien des Droits de l’homme, Thijs Merman, ancien journaliste et directeur exécutif de l’Institut néerlandais pour la démocratie multipartite, Sam Dagher, journaliste libanais, Farouk Mardam Bey, écrivain et auteur syrien, Bessma Momani, de Jordanie, professeure de sciences politiques à l’Université de Waterloo, Cecilia Uddén Mannheimer, journaliste suédoise, Audrey Pulvar, journaliste française.
commentaires (2)
Je suis très sceptique quant au jury. Désolée ça n’est pas pour polémiquer mais la Poulvar, non je connais trop ces penchants et ses positions pour pouvoir approuver.
Sissi zayyat
19 h 55, le 11 septembre 2020